I. Faits
Né en 1946, un salarié est engagé par une association le 1ᵉʳ février 2000. Après neuf ans de collaboration, alors qu’il est déjà en âge de faire valoir ses droits à la retraite, les parties signent un contrat à durée déterminée (CDD), qui se transforme ensuite en contrat à durée indéterminée.
En 2016, l’association le convoque pour un entretien préalable en vue de sa mise à la retraite éventuelle et, par lettre du 5 février, l’association notifie au salarié sa mise à la retraite, en application des articles L1237-5 et L1237-5-1 du Code du travail.
Contestant sa mise à la retraite d’office et sollicitant qu’elle soit analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre le paiement de diverses sommes, le salarié saisit la juridiction prud’homale.
II. Moyens des parties.
La cour d’appel (CA Bordeaux, 19 janvier 2022, n° 19/01466) retient que la mise à la retraite du salarié s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse car, en l’espèce, à la date de la conclusion de son contrat de travail à durée déterminée le salarié avait atteint l’âge lui permettant alors de prendre sa retraite, soit 60 ans, ainsi que le nombre maximum de trimestres de cotisations alors applicable, soit 156.
À l’appui de son pourvoi, l’employeur énonce que le licenciement ne pouvait être invalidé dès lors qu’au moment de l’embauche, le salarié avait atteint l’âge légal de départ à la retraite, et non l’âge auquel l’employeur pouvait mettre d’office le salarié à la retraite.
Si bien que la mise à la retraite ultérieure était possible.
III. Solution de la Cour.
La Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux.
Elle rappelle que lorsqu’un salarié a atteint, au moment de son engagement, l’âge légal permettant à l’employeur de le mettre à la retraite sans son accord, en application de l’article L1237-5 du Code du travail, son âge ne peut constituer un motif permettant de mettre fin au contrat de travail.
En l’espèce, la cour d’appel avait dit que la mise à la retraite d’office d’un salarié s’analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif qu’à la date de la conclusion de son contrat de travail, celui-ci avait atteint l’âge lui permettant de prendre sa retraite, ainsi que le nombre maximum de trimestres de cotisations alors applicable.
C’est donc de manière erronée qu’elle a retenu cette solution alors qu’il ressortait de ses constatations que le salarié n’avait pas atteint, au moment de son engagement, l’âge de 70 ans, permettant à l’employeur de le mettre à la retraite d’office.
IV. Analyse.
Cet arrêt souligne la distinction existante entre l’âge légal de départ à la retraite et l’âge à partir duquel un salarié peut être mis d’office à la retraite.
Ainsi, l’employeur doit impérativement respecter le cadre fixé par l’article L1237-5 du Code du travail.
Si l’âge ou les droits à retraite ne suffisent pas à justifier une rupture unilatérale, sauf dans des conditions strictement définies par la loi quand les conditions de l’article sont remplies, l’âge plancher fixé pour la mise à la retraite d’office est de 70 ans et distinct de l’âge de départ à la retraite.
Plus précisément, selon le Code du travail, lorsqu’un salarié a atteint l’âge permettant d’avoir automatiquement une retraite à taux plein, quelle que soit sa durée d’assurance, l’employeur peut envisager sa mise à retraite. Si le salarié est alors âgé de moins de 70 ans, cette mise à la retraite n’est possible qu’avec son accord. Mais dès lors que l’âge des 70 ans est dépasé, la mise à la retraite peut se faire sans consentement, à condition que son embauche se soit faite antérieurement à son 70ᵉ anniversaire.
L’affaire rappelle ainsi également que lorsqu’un salarié est engagé alors qu’il a l’âge permettant sa mise à la retraite d’office, l’employeur ne pourra pas rompre ultérieurement le contrat de ce salarié pour le seul motif de l’âge, puisque l’on considère alors qu’il a engagé le salarié en connaissance de cause.
En conclusion, cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence équilibrée, mettant en lumière les obligations renforcées des employeurs et la nécessaire protection des salariés dans le cadre des relations de travail, et dont la solution était déjà connue [1].