Dans un premier temps, expliquons les conditions exactes du cumul autorisé.
Puis, nous verrons les conséquences du cumul pendant le contrat de travail ou lors de sa cessation ou au terme du mandat social.
I/ Les conditions d’un cumul régulier :
Le principe général est clair : selon la jurisprudence la plus constante, l’existence d’un mandat social (Président, Directeur Général, …) n’est pas exclusive de l’existence d’un contrat de travail (ex : Cour de cassation, 25 janvier 1957, n° 851, bull. civ. IV, n° 83 ; Cour de cassation, soc., 19 octobre 1978, n° 77-13338 ; Cour de cassation, soc., 27 mai 1983, n° 81-40059 ; Cour de cassation, soc., 27 avril 1984, n° 83-11330 ; Cour de cassation, soc., 6 mars 1985, n° 83-42081 ; Cour de cassation, soc., 16 mai 1990, n° 86-42.681 ).
Le cumul n’est pas non plus remis en cause en cas de « latitude laissée au salarié pour déterminer ses horaires et itinéraires » (cas fréquent des cadres dirigeants), un tel argument étant insuffisant pour prouver le caractère fictif des fonctions salariées (Cour de cassation, soc., 14 mai 1992, n° 90-10081).
Mais, si une novation est convenue à l’occasion de la nomination d’un salarié aux fonctions de président (du conseil d’administration) d’une SA, le contrat de travail disparaît (Cour de cassation, n° 11-23.299). En effet, lorsqu’un salarié devient mandataire social, le principe est que son contrat de travail est suspendu, lorsque, du fait de ce mandat, il cesse d’exercer des fonctions techniques distinctes, dans un état de subordination à l’égard de la société. Le contrat de travail retrouvera alors ses effets à la fin du mandat (Cour de cassation, n° 09-72.637). En revanche, s’il a été convenu que le mandat social se substitue au contrat de travail, cette règle ne s’applique pas et le contrat de travail se trouve alors absorbé par le mandat social (volonté expresse dans la décision qui désigne le mandataire ou remplacement de l’intéressé par une autre personne, dès sa désignation, dans ses fonctions salariées antérieures : Cass. soc. 29-9-2009 n° 08-44.475).
Toutefois, les conditions de fond et de forme plus précises sont parfois moins évidentes à appréhender :
A/ Conditions de fond :
1) Lien de subordination – fonctions salariées distinctes du mandat social :
Le mandataire social, qui se prétend également titulaire d’un contrat de travail dans la même entreprise, doit démontrer le caractère réel de son contrat et en particulier l’existence d’un lien de subordination, ainsi que la possibilité d’isoler les fonctions salariées (exemples : Cour de cassation, 5 février 1981, ch. soc, n° 79-14.798, bull. civ. V, p 80 et Cour de cassation, N° 91-43371), y compris pour les S.A.S..
L’existence ou non d’un lien de subordination sera ainsi recherchée par les juges en cas de litige pour écarter ou non la validité du contrat de travail.
L’on ne peut être salarié « sous sa propre autorité ». Ainsi, un dirigeant – « salarié » ayant tous pouvoirs en tous domaines au sein de la société (exemples : Cour de cassation, n° 64-40093 et n° 61-40419) ne se verra normalement pas reconnaître la fonction de salarié, quelle que soit d’ailleurs les positions du POLE EMPLOI, de l’URSSAF ou de l’administration fiscale sur ce point.
Le lien de subordination peut être caractérisé soit à l’égard d’une personne physique (exemples : gérant non associé soumis au contrôle du cogérant associé ; directeur général de société anonyme soumis au contrôle du président-directeur général), soit à l’égard de la société dans son ensemble (actionnaires), en tant que personne morale.
L’appréciation du caractère subordonné ou non des fonctions techniques relève de l’appréciation souveraine des juges. La soumission du dirigeant à des instructions précises, notamment écrites, des comptes rendus d’activité très réguliers, le contrôle des horaires de travail de l’intéressé, des retenues sur salaire en cas d’absence injustifiée, ou la mise en œuvre à son encontre du droit disciplinaire (avertissements…) sont autant d’indices de la réalité du lien de subordination.
De même, le Conseil de Prud’hommes recherchera si les fonctions du salarié sont bien séparées de celles de la gestion de la société pour admettre ou non la validité du contrat de travail, ce qui suppose normalement des fonctions techniques distinctes.
Il importe peu que le contrat soit ou non écrit, l’oralité du contrat n’étant pas rédhibitoire, ni au contraire l’écrit n’étant en lui-même suffisant (mais un écrit est tout à fait recommandé pour la preuve).
Corollaire de la possibilité d’isoler clairement les fonctions de gérant ou président d’une part, et la fonction salariée d’autre part, la rémunération doit elle aussi être distincte (Cour de cassation, n° 05-44714). Mais la rémunération distincte (et les bulletins de salaire correspondants), bien qu’indispensable, n’est pas pour autant suffisante…
De façon générale, plus la société sera petite, plus il sera difficile de prouver la réalité du contrat de travail supposé du dirigeant (exemple de contrat fictif : Cour de cassation, 78-13664) et le lien de subordination envers un conjoint ou même un simple concubin est également rarement admise.
2) Limites au cumul autorisé tenant au pourcentage de participation :
a/ En ce qui concerne les S.A.R.L. (ou sociétés de forme proche), seuls les gérants majoritaires ou les gérants égalitaires uniques ne peuvent cumuler leur mandat avec un contrat de travail (exs : Cour de cassation, soc., 4 mars 1981, n° 79-16504, Cour de cassation, soc., 18 juin 1986, n° 84-13.853, bull. civ. V, p 239 et Cour de cassation, soc., 16 mai 1990, n° 86-42.681, bull. civ. V, p 137 et Rép. Min. n° 24407).
Dans les autres cas (gérants minoritaires ou co-gérants égalitaires), le cumul est possible, sous les conditions exposées au 1).
Par exemple, a été jugé pleinement valide le contrat de travail d’un gérant de S.A.R.L. non rémunéré pour cette fonction (de gérant), n’ayant pas de parts dans la société, et dont il était le seul cadre en qualité de « directeur » (Cour d’Appel Paris, 16 octobre 1998, 21è chambre B, Roulot / Jeanne).
A fortiori, le maintien d’un contrat de travail malgré des fonctions antérieures de gérant est-il autorisé « en cas de démission du salarié de ses fonctions de gérant afin de faciliter la restructuration de la société » même si l’intéressé reste associé minoritaire (Cour de cassation, soc., 2 juin 1988, n° 85-44457), par exemple en cas de contrat de travail de « Directeur des ventes » (Cour de cassation, soc., 19 juin 1985, n° 84-11826) ou de « Directeur commercial » (Cour de cassation, soc., 12 mars 1970, n° 69-40098, aux termes duquel « l’antériorité du contrat de travail…démontrait la réalité et la sincérité du contrat de travail » et « le lien de subordination subsiste quelle que soient les modifications intervenues dans la situation juridique de la société employeur ») (voir aussi Cour de cassation, n° 66-40657 sur un directeur commercial sans la signature financière).
Bien évidemment, l’ensemble de ces conditions s’appliquent aussi aux dirigeants de fait.
b/ En ce qui concerne les S.A. (ou sociétés de forme proche, sauf exceptions) :
Le mandat de Président ou membre du Conseil d’administration ou de Président ou membre du Directoire ou de Président ou membre du Conseil de Surveillance ou Directeur Général d’une société anonyme n’est pas en lui-même toujours incompatible avec des fonctions de salarié.
Il existe néanmoins une interdiction de cumul entre un mandat d’administrateur, et a fortiori de président de société, et un contrat de travail postérieur au mandat social (la loi du 11 février 1994 a supprimé la règle d’antériorité de deux années du contrat de travail par rapport au mandat social mais la validité du contrat reste soumise au principe d’antériorité) ou fictif.
Si le contrat de travail conclu ou profondément modifié est postérieur au mandat, la nullité du contrat est alors absolue nonobstant toute autorisation par le Conseil d’administration ou une même une Assemblée Générale, sauf pour les S.A.S..
Il en est de même pour les directeurs généraux ou directeurs généraux délégués administrateurs.
Dans ces cas d’interdiction, le contrat de travail (par exemple le contrat, postérieur au mandat, de « directeur commercial » dont se prévaudrait le dirigeant) est nul de nullité absolue (et donc non régularisable selon la jurisprudence). Il en est ainsi qu’elle que soit d’ailleurs le caractère fictif ou réel des activités exercées. Le mandat d’administrateur ou de président, lui, reste valable.
Par exemple, le contrat est nul lorsque le contrat de travail invoqué n’a réellement pris effet que postérieurement à la constitution de la société lors de laquelle l’intéressé avait déjà été nommé dirigeant. La jurisprudence a précisé que l’antériorité s’appréciait en fonction de la date de signature des statuts, même si la société n’est pas encore immatriculée. Ainsi, un administrateur nommé dès la création de la société ne peut simultanément devenir salarié (Cour de cassation, n° 92-40.281).
De même, à supposer que la règle d’antériorité ait été respectée, seul un contrat de travail antérieur effectif et non simulé serait véritablement considéré comme valable.
Il peut y avoir également une convention modificative ou un avenant à un contrat de travail préexistant d’un administrateur, à condition qu’il n’y ait pas "novation" du contrat (transformation complète du contrat). Enfin, il peut y avoir librement un contrat de travail après démission du mandat social.
Un contrat de travail est fictif en l’absence de véritables fonctions techniques séparées du mandat social (par exemple, lorsqu’un salarié – dirigeant est chargé de « diriger l’ensemble du personnel », en sus de réaliser des embauches, et n’est en outre soumis à aucun horaire de travail, ceci est exclusif de tout lien de subordination).
Dans un tel cas, la société en litige avec son ancien dirigeant – prétendument salarié, pourrait lui refuser la délivrance d’une attestation POLE EMPLOI ou le versement de tout arriéré de salaires.
Un directeur général (ou directeur général délégué) peut être lié à une société anonyme par un contrat de travail :
-
- s’il est choisi parmi les membres du conseil d’administration, le contrat doit être antérieur à son accession au poste d’administrateur et correspondre à un emploi effectif, selon les conditions déjà exposées applicables aux administrateurs ;
-
- s’il est choisi en dehors du conseil d’administration, son contrat de travail doit être préalablement autorisé par le conseil d’administration (cf B/ ci-après) ; dans ce cas, le contrat de travail peut être antérieur, concomitant ou postérieur à la nomination en qualité de directeur général et doit correspondre à un emploi effectif.
Pour les membres du directoire, aucune condition d’antériorité du contrat de travail par rapport à leur nomination n’est exigée et la loi ne fixe aucune limite au nombre de salariés membres du directoire.
En revanche, un contrat de travail entre la société et un membre du directoire fait partie des conventions soumises à l’autorisation préalable du conseil de surveillance et à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires (C. com., art. L. 225-86 à L. 225-88).
Dans les cas ci-dessus, si les autres conditions ne sont pas remplies (exemple : contrat fictif), il est évident que la nullité ne peut être couverte par une "ratification" en interne qui serait de complaisance.
Dans le cas où un salarié devient mandataire social, le contrat de travail est autorisé si les conditions légales sont remplies (voir A/ 1 et 2) ou bien, si le cumul est interdit en fonction des conditions générales, le contrat de travail devra être rompu d’un commun accord, ou alors il sera suspendu de plein droit pendant la durée du mandat (cette suspension n’efface pas l’ancienneté acquise du salarié, mais l’ancienneté n’évolue pas pendant le mandat lui-même). La suspension ne peut jouer si le cumul est totalement interdit (dépassement du 1/3 des administrateurs salariés – art. L 225-22 du Code de commerce), le contrat étant nul en ce cas.
Enfin, le nombre des administrateurs ou membres du Conseil de Surveillance liés à la société (sans compter les administrateurs élus par les salariés) par un contrat de travail ne peut dépasser le tiers des administrateurs ou membres du Conseil de Surveillance (articles L 225-22 et L 225-85 du Code de commerce).
B/ Conditions de forme :
1) Approbation du contrat de travail :
Pour les S.A., même si le contrat de travail (ou une promesse d’embauche) conclu est valable sur le fond (exemple : Directeur Général non administrateur), il faut également une autorisation préalable du Conseil d’administration (ou du Conseil de surveillance et de l’Assemblée Générale pour les contrats de travail de membres du Directoire ou du Conseil de surveillance) sous peine de nullité. Une ratification est toutefois possible (Cour de cassation, n° 69-40351).
Si la nullité est encourue, l’intéressé ne pourra se prévaloir de son contrat de travail pour quelque raison que ce soit, et pourra être condamné à devoir restituer les salaires perçus (Cour de cassation, n° 04-46058 et n° 04-41272 ; mais il pourra en retour se faire rembourser les cotisations de chômage inutilement payées au POLE EMPLOI pour toute période non prescrite).
Aucun texte n’interdit ou ne réglemente sur le fond l’exercice simultané des fonctions de président et/ou de dirigeant d’une société par actions simplifiée (SAS ou SASU) avec celles de salarié (mais il faudra évidemment respecter les conditions habituelles : lien de subordination, etc … ; ainsi, pour la SAS, l’exigence d’un lien de subordination devrait conduire à exclure du bénéfice du cumul mandat social-contrat de travail le président associé majoritaire d’une SAS pluripersonnelle et le président associé unique d’une SAS unipersonnelle, comme les gérants majoritaires ou appartenant à un collège majoritaire des SARL et les gérants associés uniques d’EURL).
En revanche, le contrat de travail conclu entre la société par actions simplifiée et le dirigeant fait partie des conventions à soumettre à autorisation préalable.
Pour les S.A.R.L., une assemblée est recommandée (et c’est également l’un des critères de validité retenus par le POLE EMPLOI) en application de l’article L 223-19 du code de commerce qui prévoit une approbation a posteriori des conventions entre la société et le gérant intervenues dans l’année (ou bien une autorisation préalable de l’assemblée en l’absence de commissaire aux comptes) ; à défaut, la convention n’est pas nulle, mais le gérant doit en supporter personnellement les éventuelles conséquences préjudiciables pour la société.
Il est par ailleurs rappelé que les Conseils de Prud’hommes écartent souvent la validité du contrat de travail (même s’il a été approuvé par une assemblée) pour les gérants de petites sociétés en raison des conditions générales précédemment évoquées (cas d’absence de lien de subordination, etc …).
La jurisprudence refuse notamment au gérant d’avoir un contrat de travail s’il possède la majorité du capital de la SARL, faute de lien de subordination (Cour de cassation, n° 79-12.125). Est considéré comme majoritaire l’associé qui détient, personnellement ou par l’intermédiaire de son conjoint (quel que soit le régime matrimonial du couple) ou de ses enfants mineurs (non émancipés), plus de la moitié des parts du capital social de la SARL.
Le gérant de l’EURL peut être :
soit l’associé unique de la société : il ne saurait alors être question de cumul faute de subordination ;
soit un tiers désigné par l’associé unique : ce gérant étant subordonné à l’associé unique pourrait éventuellement bénéficier du cumul s’il assure à la fois la direction de l’entreprise et des fonctions techniques déterminées, distinctes de la direction. Ce cumul sera ainsi très difficile à démontrer si l’entreprise est de petite taille et si les fonctions techniques se confondent en fait avec le mandat social.
2) Approbation des salaires, primes et avantages en nature :
Le premier salaire aura en principe été fixé dans le contrat de travail autorisé (voir 1).
Pour toute augmentation de salaire afférente au contrat de travail, il faut également une autorisation préalable du Conseil d’administration (ou du Conseil de surveillance) sous peine de nullité. Les primes ou retraites complémentaires spéciales doivent également être autorisées. Le rapport annuel doit comprendre la mention « de la rémunération totale et des avantages de toute nature » versés « à chaque mandataire social » (article L 225-102-1 du Code de commerce). D’autre part, le rapport du Commissaire aux comptes doit mentionner les contrats de travail des dirigeants, et leur éventuelle modification. Enfin, tout actionnaire peut demander le montant global des rémunérations versées aux personnes les mieux rémunérées dans la société (article L 225-115 du Code de commerce).
Pour les S.A.R.L., l’assemblée générale ordinaire doit si possible approuver les salaires perçus (et primes ou avantages en nature éventuels) par le gérant à moins qu’ils n’aient déjà été prévus dans les statuts eux-mêmes.
II/ Les conséquences du cumul autorisé :
A/ Pendant le contrat de travail et en cas de litige :
1) Cumul d’un salaire et d’une rémunération non salariée au titre du mandat social :
Le président ou le gérant de la société peut percevoir à la fois un salaire pour ses fonctions techniques séparées, et une rémunération non salariée en tant que mandataire social (rémunération de président, de directeur général, de directeur général délégué, de membre du directoire, ou de président ou vice-président du conseil de surveillance, jetons de présence ou « rémunérations exceptionnelles » des administrateurs ou membres du conseil de surveillance, …).
2) Litiges – règles de compétence et de preuve :
En cas de litige concernant le contrat de travail, la compétence du Conseil de Prud’hommes est exclusive dès lors qu’il existe un contrat de travail de droit privé (écrit ou oral) ; ceci est une « condition nécessaire mais suffisante pour la mise en oeuvre de la compétence prud’homale sans qu’il y ait lieu de s’attacher à la nature du contrat » et cette compétence s’étend à « tout litige trouvant sa source dans le contrat qu’il s’agisse d’un litige se rapportant à la conclusion, à l’interprétation ou à la rupture du contrat » (Articles L1411-1 et suivants du Code du Travail).
Inversement, aucun des articles de loi sur la compétence des tribunaux de commerce ne permet d’étendre leur compétence à des litiges de nature prud’homale ; ainsi, l’action du salarié (même s’il est également dirigeant) contre la société relève de la matière et la compétence prud’homales selon des règles de compétence d’ordre public (Cour de cassation, sociale, 6 novembre 1974 ; bull. civ. V, p 493, n° 523 ; Cour de cassation, sociale, 23 février 1977 ; bull. civ. V, p 106, n° 137 ; Cour d’Appel de Versailles, 6 mars 1992, 5è ch. B).
Il en est ainsi quand bien même serait invoqué un cas de connexité avec un autre différend (Cour de cassation, sociale, 1er juillet 1970, bull. civ., V, p 373, n° 455 ; et Cour d’Appel de Versailles, 9 mai 1996, 1ère ch.), par exemple au sujet d’une garantie d’actif et de passif.
Toute convention dérogatoire est réputée non écrite (Article L1411-4 du Code du Travail).
Le Conseil de Prud’hommes est notamment compétent pour statuer sur l’existence ou l’inexistence du contrat de travail litigieux, celui-ci ne pouvant refuser d’examiner cette question en se déclarant incompétent sans relever ou non l’existence d’un rapport de salariat entre le demandeur et le défendeur (ceci est exact même en cas de coexistence entre un mandat social et un contrat de travail).
En particulier, en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve (ex : Cour de cassation, sociale, 18 juillet 2001, n° 3565 F-D, RJS 12/01 n° 1466).
Le Conseil de Prud’hommes peut le cas échéant ordonner une enquête ou une mesure d’instruction s’il s’estimait insuffisamment informé pour statuer sur la question de sa compétence malgré la production de bulletins de paie par le prétendu salarié.
La charge de la preuve de la partie (société) qui « soutient qu’il a été mis fin au contrat de travail par la nomination du salarié à des fonctions de mandataire social » pèse sur celle-ci (ex : Cour de cassation, soc., 26 juin 1991, n° 87-43.423).
B/ En cas de rupture, soit du mandat, soit de la fonction salariée :
1) En cas de rupture du mandat social puis du contrat de travail :
La rupture du mandat social n’entraîne pas ipso facto celle du contrat de travail que peut détenir parallèlement le dirigeant (ceci est d’ailleurs expressément prévu pour les membres du directoire ou directeurs généraux uniques par l’article L 225-61 du code de commerce).
Toutefois, un licenciement peut être prononcé concomitamment ou plus tard, notamment par la nouvelle direction de la société. Le licenciement donnera lieu en ce cas au versement des indemnités légales et/ou conventionnelles habituelles en pareille matière. Une démission expresse voire tacite (par cessation claire de toute activité au sein de la société) peut également intervenir.
Si l’on admet la validité du contrat de travail, la jurisprudence admet en outre la condamnation de la société au paiement de tous les éventuels arriérés de salaires dus. Une partie de la doctrine estime néanmoins que dans certains cas (prix de vente de la société « comprenant » des salaires de l’ancien dirigeant) cette solution ne serait pas normale au regard des règles sur l’abus de biens sociaux (en cas de changement de contrôle de l’entreprise, en principe, seul le cessionnaire de la société devrait avoir la charge de ces paiements selon certains auteurs).
D’autre part, « un salarié qui a cumulé un mandat social avec son contrat de travail puis est redevenu simple salarié a droit, lors de son congédiement, à une indemnité de licenciement calculée en prenant en compte son ancienneté totale puisqu’il n’a jamais cessé d’être salarié » (Cour de cassation, soc., 5 avril 1974, SA Emile Avot / André Avot).
Quant aux motifs du licenciement, ils peuvent être semblables à ceux à l’origine de la révocation du mandat social (ex : mauvaise gestion de la société et fautes du salarié), à condition d’être expliqués dans la lettre de licenciement et sous les mêmes réserves qu’en matière de salariés « ordinaires » (motif sérieux et vérifiable, etc…).
Si l’on exclut la question du contrat de travail, des conditions de révocation du mandat social du dirigeant, lorsqu’elles sont abusives, brutales ou vexatoires, permettraient toutefois l’allocation de dommages et intérêts sur le fondement du droit des sociétés (voir 2/ ci-après).
2) En cas de rupture du contrat de travail puis du mandat social :
La rupture du contrat de travail (que ce soit par démission, licenciement ou départ en retraite) n’entraîne pas ipso facto celle du mandat social du dirigeant.
Toutefois, une révocation de mandat peut être prononcée concomitamment ou plus tard, notamment suite à un changement de contrôle de la société.
La révocation ne donnera lieu en ce cas à des indemnités qu’à la condition que les « conditions de révocation » du dirigeant aient été « abusives, brutales ou vexatoires » (SA et sociétés de forme semblable) ou à la condition que la révocation du gérant (SARL) ou des membres du directoire ou directeurs généraux uniques (SA à Directoire) ait eu lieu « sans juste motif » (allocation de dommages et intérêts sur le fondement du droit des sociétés sur décision du Tribunal de commerce compétent aux lieu et place du Conseil de Prud’hommes).
Mais le préjudice est en ce cas parfois évalué par le juge à un euro symbolique...
Conclusion :
Ainsi, le cumul d’un mandat social au sein d’une société, et d’une fonction salariée au sein de la même entreprise, n’est pas aussi anodin qu’il ne semble à première vue pour les mandataires sociaux des petites entités, lesquels sont souvent mal informés des contraintes en ce domaine.
En effet, une impossibilité de cumul (cumul irrégulier) peut être lourde de conséquences financières pour l’intéressé ou la société qui « l’emploie », surtout si un changement de direction met en lumière une irrégularité antérieure.
En cas de doute sur les circonstances ou conditions d’un cumul, il convient assurément de consulter un avocat, de préférence préalablement à tout litige, car il est difficile ou impossible de remédier rétroactivement à une situation anormale.