La PMA aujourd’hui en France : une sévérité incohérente
La PMA en France est toujours réservée à des couples hétérosexuels stériles en âge de procréer ou à des couples porteurs d’une maladie transmissible à l’enfant.
Les couples homosexuels sont donc exclus de ce procédé, ce qui constitue bien évidemment une discrimination.
La refonte de la PMA devait aussi tendre à la libéraliser quelque peu. En effet, la PMA reste extrêmement contraignante.
L’anonymat, la gratuité et le volontariat sont les grands principes sur lesquels reposent le don de gamètes [1] et l’accueil d’ embryons [2]
Le double don d’ovocyte et de spermatozoïde reste interdit.
Il est possible de conserver ses embryons mais le couple doit ré-exprimer chaque année sa volonté de les garder. Autrement ceux-ci sont détruits.
Pour recevoir un don de gamètes, le couple receveur doit préalablement donner son consentement au juge ou au notaire, ce qui interdit par la suite toutes actions pour établir ou contester la filiation. Pour recevoir un don de gamètes, le couple receveur donne pareillement son consentement au juge, qui a une mission de contrôle des conditions d’accueil sur le plan familial, éducatif et psychologique. L’accueil d’embryons est subordonné à une autorisation du juge donnée pour trois ans au couple receveur.
Quant à la pratique de la gestation pour autrui dite des « mères-porteuses », celle-ci reste fermement interdite.
Tout intervenant à une procréation médicalement assistée en dehors de ce cadre strict peut être sévèrement incriminé d’un point de vue pénal, ce qui est assez paradoxal quand on regarde la jurisprudence sociale : la CPAM française doit prendre en charge une Fécondation in vitro (FIV) pratiquée en Espagne au nom de la libre circulation des patients dans l’Union Européenne.
Si la vérification du consentement et des conditions d’accueil semble indispensable, et ce même s’il n’existe aucun contrôle à la procréation naturelle, l’anonymat et la gratuité des dons rendent l’offre très restreinte tandis qu’une poignée de couples peut y recourir. La tentation d’aller à l’étranger est donc naturelle et la France est aujourd’hui contrainte de s’adapter. De nombreuses associations aident et conseillent d’ailleurs les couples français désirant procréer à l’étranger [3].
La PMA pratiquée à l’étranger et la fraude à la loi
Pour refuser de transcrire un acte de naissance sur les registres d’état civil français lorsque l’enfant a été conçu à l’étranger dans des conditions différentes de celles édictées par le droit français, les autorités ont recours à la notion de fraude à la loi.
En effet, il convient de rappeler qu’en application des règles de droit international privé, les décisions étrangères relatives à l’état civil régulièrement rendues à l’étranger devraient faire l’objet d’une reconnaissance automatique par la France. L’article 47 du Code civil précise que « tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité »
Autrement dit, un achat de gamètes sur catalogue ou la rémunération d’une mère porteuse dans un pays au sein duquel cette pratique est légale ne devraient pas en principe faire obstacle à la reconnaissance de la filiation de l’enfant en France.
Pour faire échec à cette reconnaissance et refuser la transcription, les autorités ont donc recours à la notion de “fraude à la loi”.
S’agissant des enfants nés par mères-porteuses, la jurisprudence se veut de plus en plus sévère.
Le 6 avril 2011, la Cour de cassation avait sanctionné ce procédé en indiquant que la mère était nécessairement celle qui avait donné naissance à l’enfant, donc la mère porteuse. La transcription de l’acte avait ainsi été refusée au motif que l’acte de naissance indiquait la mère d’intention et non la mère porteuse comme la mère de l’enfant. Cette position ne faisait a priori pas obstacle à la reconnaissance de la filiation paternelle.
La circulaire du 25 janvier 2013 « relative à la délivrance des certificats de nationalité française- Convention de mère porteuse- État civil étranger » indiquait que la seule suspicion d’un contrat de mère porteuse ne pouvait justifier un refus de délivrance d’un certificat de nationalité française. Si le gouvernement s’était quasiment rétracté aux vues des critiques en rappelant que cette circulaire ne visait qu’à unifier les décisions relatives à la nationalité et n’interférait pas sur la filiation, cette circulaire avait été perçue comme annonciatrice d’une libéralisation.
Dans deux arrêts du 13 septembre 2013, la Cour de cassation a pourtant durci sa position. Dans son communiqué, la Cour de cassation énonce deux choses :
• “Mais attendu qu’en l’état du droit positif, est justifié le refus de transcription d’un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est l’aboutissement, en fraude à la loi française, d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui, convention qui, fût elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil ;”
• Mais attendu que l’action en contestation de paternité exercée par le ministère public pour fraude à la loi, fondée sur l’article 336 du code civil, n’est pas soumise à la preuve que l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père au sens de l’article 332 du même code ; qu’ayant caractérisé la fraude à la loi commise par M. X..., la cour d’appel en a exactement déduit que la reconnaissance paternelle devait être annulée ;
Elle prend la peine d’ajouter « qu’en présence de cette fraude, ni l’intérêt supérieur de l’enfant que garantit l’article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l’enfant, ni le respect de la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne sauraient être utilement invoqués ».
Quant aux autres procédés pratiqués à l’étranger, la jurisprudence est beaucoup plus nuancée. La grande évolution attendue concernait les couples de lesbiennes ayant pratiqué une PMA à l’étranger. La filiation à l’égard de la mère biologique ne fait pas de difficulté. Après l’adoption du mariage pour tous, la majorité des juridictions du fond ont entendu régulariser la situation de la seconde mère en accordant l’adoption et ce même si le Conseil constitutionnel avait estimé dans sa décision du 17 mai 2013 (DC n°2013-669), que le refus de permettre aux couples de femmes d’accéder à la PMA en France n’était pas discriminatoire et était donc conforme à la Constitution.
La résistance à cette vague a toutefois débuté par une décision versaillaise du 29 avril 2014 refusant l’adoption de l’enfant par la seconde mère au motif que la procréation avait été faite en fraude de la loi française.
L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme et l’avis de la Cour de cassation : l’appel au législateur
Le coup de grâce à la rigueur de la jurisprudence face aux contrats de mères-porteuses a été porté par dans une décision de la Cour européenne des droits de l’homme en date du 26 juin 2014 MENNESSON C/ FRANCE, dont la presse a beaucoup parlé.
Dans cette décision, un couple de français avait fait appel à une mère porteuse californienne pour avoir des jumelles. Le Procureur de la République avait voulu annuler la transcription des actes de naissance des filles sur le registre d’état civil de Nantes. Après une très longue procédure, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour avoir violé le droit à la vie privée des filles, prévu par l’article 8 de la Convention.
La France a récemment annoncé qu’elle n’entendait pas faire appel de cette décision, ce qui fait présager un revirement de position en la matière.
Quant à l’adoption de l’enfant par la seconde mère d’un enfant conçu par PMA autre que par mère porteuse, la Cour de cassation vient de rendre un avis du 22 septembre 2014, lui aussi très commenté, dans lequel elle invite les juridictions à prononcer l’adoption si les conditions sont réunies : “Le recours à l’assistance médicale à la procréation, sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant.”
Il convient toutefois de noter que la Cour de cassation reste prudente et précise qu’il s’agissait d’un don anonyme, même si cet avis fait fi de la fraude à la loi au profit de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Il existe donc encore des flous juridiques notamment sur la réception en France des dons non anonymes qu’il conviendra d’élucider au plus vite. Législateur, à votre plume et vite !