Des difficultés à attendre de l’encadrement des loyers commerciaux, renouvelés ou révisés, en application de la loi « Pinel » !

Par Arnaud Boix, Avocat.

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Explorer : # encadrement des loyers # baux commerciaux # loi pinel # contentieux locatifs

La loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite « loi Pinel » demeure une réforme « traumatisante » en matière de baux commerciaux !

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Son ambition était de soutenir un secteur économique en pleine crise et de dynamiser un petit commerce de centre-ville. Adoptée sans véritable concertation, sans faire de distinction entre petits et grands acteurs du marché alors même que les enjeux sont substantiellement différents, elle impose par sa complexité et son imprécision. Concrètement, le législateur a rapproché la législation des baux commerciaux de celle des baux d’habitation, que l’on sait favorable aux locataires, au détriment des bailleurs et des investisseurs.

De ces difficultés d’application des points impactés par cette nouvelle législation « Pinel » vont naitre de nombreux contentieux.
A n’en pas douter un nouveau signe de confiance du législateur aux entrepreneurs !

Les nouveaux indices applicables :

Applicables aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, sont modifiés les articles L. 145-34 et L. 145-38 du Code de commerce de par la suppression de l’indice du coût de la construction (ICC) comme indice de référence pour la fixation du loyer du bail renouvelé ou la révision légale du loyer.

Sont seuls applicables, en fonction de leur champ d’application respectif :
- l’indice des loyers commerciaux (ILC) pour les activités commerciales et artisanales ;
- l’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT) pour les activités de bureaux, les professions libérales et les plates-formes logistiques.

Seulement il existe des cas dans lesquels ces deux indices pourraient s’appliquer : les boutiques-bureaux (agence de banque, agence immobilière), comme des cas, à l’inverse, où aucun de ces deux indices ne peut s’appliquer : les locaux à usage industriel, les locaux à usage culturels, les cliniques, les crèches !
Pour les renouvellements de baux à intervenir en 2015 et 2016, la difficulté consistera à calculer la variation sur 9 ans avec un indice des loyers commerciaux (ILC) qui n’a été établi qu’en 2008 !

L’article L. 145-38 du Code de commerce est visé par l’article L. 145-15 du Code de commerce comme étant d’ordre public il ne sera donc pas possible d’y déroger pour les bailleurs.
Toutefois, s’il existe une clause d’échelle mobile dans le bail, rien n’interdira de recourir toujours à l’Indice du coût de la construction (ICC).

La fixation du loyer du bail renouvelé :

Est modifié l’article L. 145-34 du Code de commerce pour instituer le « plafonnement du déplafonnement » pour les loyers renouvelés d’un bail de neuf ans qui pourraient être déplafonnés par suite d’une modification notable d’un des éléments de l’article L. 145-33 du Code de commerce : les facteurs locaux de commercialité, les obligations respectives des parties, les caractéristiques du local considéré ou la destination des lieux.
De même que pour les baux qui seront déplafonnés de plein droit à raison d’une durée supérieure à 9 ans, ils ne pourront voir leur loyer renouvelé majoré chaque année de plus de 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.
Le législateur a voulu éviter un trop grand décalage entre un loyer plafonné et une valeur locative, ce qui peut s’entendre, mais il faudra distinguer selon que :

- Les baux récents consentis à la valeur locative ou des baux renouvelés de loyers déplafonnés, l’impact de cette mesure sera mineur quand actuellement le renouvellement à l’indice du loyer commercial est souvent supérieur à sa valeur locative !
- Les relations locatives seront anciennes et que seront déjà intervenus plusieurs renouvellements de loyers « plafonnés », l’impact sera largement au détriment des bailleurs ! En effet le loyer n’atteindra pas la valeur locative au bout des 9 ans.
En outre, le lissage de 10 % du loyer renouvelé déplafonné ne vaut bien évidemment qu’à la hausse. Ce lissage va avoir, au profit des locataires, pour conséquence de retarder un retour à la valeur locative.

Les conséquences à attendre seront principalement :

Une inflation mécanique des valeurs de droit au bail : plus les loyers sont faibles, plus les droits aux baux sont élevés, pénalisant l’installation de jeunes commerçants entrepreneurs !

Afin de contourner ce dispositif nous suggérons à certains bailleurs d’avoir intérêt à privilégier les procédures d’éviction et ainsi pouvoir conclure un nouveau bail à des conditions souhaitées et plus avantageuses.
Et même durant la procédure en fixation du montant de l’indemnité d’éviction, les bailleurs pourront percevoir une indemnité d’occupation, fixée à la valeur locative avec un abattement dit de précarité, qui sera le plus souvent supérieure au montant du loyer du bail s’il avait été renouvelé.

Comment calculer le loyer révisé au terme de chaque période triennale ? Comment s’applique, dans les baux renouvelés, la clause d’indexation annuelle ? Le loyer acquitté est-il le loyer réglé par le locataire ou le loyer facturé ou en vigueur ?
Face à ces difficultés, il est souligné que l’article L. 145-34 du Code de commerce n’est pas visé par l’article L. 145-15 du Code de commerce comme étant d’ordre public.

En conséquence il sera prudent que conventionnellement les bailleurs, pour tous les nouveaux baux à intervenir, d’une durée de neuf années ou plus, dérogent aux dispositions de l’article L. 145-34 du Code de commerce en précisant que tout loyer de renouvellement sera fixé à la valeur locative (sans aucun plafonnement du déplafonnement) si une cause de déplafonnement est retenue (bail de neuf ans) et, de même, pour les baux de plus de neuf ans.

Enfin on peut souligner, que le régime n’est pas modifié pour les baux qui se poursuivent par tacite prolongation jusqu’à excéder douze années. Ne sont pas concernés non plus par ce nouveau texte, les locaux à usage exclusif de bureaux, les locaux monovalents et les terrains.

Sur la fixation du loyer révisé en cours de bail :

Les articles L. 145-38 et L. 145-39 du Code de commerce disposent de la même formule de « plafonnement du déplafonnement » que pour les fixations du loyer de renouvellement [1].
Les modifications des articles L. 145-34,38 et 39 du Code de commerce sont applicables aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.

Concernant la révision légale prévue par l’article L. 145-38 du Code de commerce, le nouveau texte joue dans les hypothèses où le bailleur aura démontré une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative.
La révision du loyer prend toujours effet à compter de la date de la demande de révision, c’est-à-dire à compter de la date d’expédition de la lettre recommandée en demande de révision.

Concernant la révision du loyer prévue par l’article L. 145-39 du Code de commerce, en cas de variation du loyer de plus de 25 % par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire, l’augmentation du loyer sera plafonnée à hauteur de 10 % du loyer ayant déclenché la demande de révision.
Le dispositif du « plafonnement du déplafonnement » du loyer révisé en cours de bail est, à l’inverse des loyers de renouvellement, lui d’ordre public.
D’autres sujets de difficultés viendront à n’en pas douter dans ce duel entre bailleur preneur et législateur nécessitant plus que jamais les conseils avisés d’un avocat.

Arnaud Boix, Avocat
Cabinet Eloquence
Avocats Associés
www.eloquence-avocats.com

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Notes de l'article:

[1L 145-34 du Code de commerce.

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