[Tribune] Vers des solutions durables aux problèmes des réfugiés dans les pays pauvres.

Par Kolwe Wangso Weisman.

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En ce moment où diverses crises secouent le monde et poussent des millions des personnes à fuir leurs pays, nous avons jugé bon de faire une analyse de cette situation alarmante pour la communauté humaine et d’en proposer des solutions à cette question qui touche tous les pays dans le monde. Le monde a radicalement changé depuis l’entrée en vigueur de la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés.
Le régime moderne de protection des réfugiés représente une structure complexe, assurant une protection vitale à des personnes déplacées de force.

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Si une grande tendance tend vers l’éradication de ce phénomène, dans la théorie comme dans la pratique, les politiques de gestion des réfugiés s’avèrent vagues.
Ces politiques concernent plus particulièrement les pays du tiers monde, pays "producteurs" en quantité des réfugiés.

Introduction.

À la fois ancienne, contemporaine et moderne, la question des réfugiés s’inscrit dans un champ de recherche plus général, celui de la migration internationale [1]. Ce champ fut longtemps exploité par les juristes, les politologues, les spécialistes des relations internationales ou encore des économistes. Leurs apports dans l’élucidation de la question des réfugiés sont d’autant plus marquants que la communauté internationale des États dans son ensemble [2] ne pouvait rester spectatrice de ce phénomène qui gangrène la conscience humaine.
Leurs travaux concernent spécialement les politiques à mettre en œuvre dans la gestion des populations parmi lesquelles figurent les populations vulnérables à l’instar des réfugiés.

La question des réfugiés a depuis lors occupé une place importante dans la politique migratoire internationale. L’ampleur et la teneur de ce phénomène a suscité beaucoup de débats dans la communauté scientifique.
Si en 1951 fut adopté le premier texte à caractère international de protection des réfugiés : la Convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés [3], l’encadrement de ces personnes vulnérables a existé dans le passé. Cet encadrement concerne principalement la protection des réfugiés. La situation insulaire de ces personnes vulnérables a depuis lors marquée la conscience humaine.
Depuis Henry Dunant [4] jusqu’aux imminents scientifiques d’aujourd’hui, la question de la protection de la personne humaine et plus particulièrement celle des réfugiés est restée d’actualité. De par le monde, le nombre de personnes vulnérables augmente de jour en jour.

Si à l’époque la question de la gestion des réfugiés n’a été alarmante, depuis les deux grandes guerres mondiales jusqu’à aujourd’hui, elle demeure d’actualité. Il ne se passe pas un jour où les médias ne parlent des problèmes de migration forcée et de déplacement des civils. Cette situation a depuis quelques années prit une certaine ampleur et constitue un problème sécuritaire de grande envergure.
Si beaucoup d’Etats ont adopté la politique de la fermeture des frontières, la refonte des législations nationales relatives aux migrations ces dernières années comme solution aux problèmes du flux des réfugiés, elles sont loin d’être des meilleures solutions pour cette situation.
Aujourd’hui, les regards se tournent vers le développement des politiques visant à remédier à ces flux de réfugiés qui demeurent toujours une crise.
Il se développe depuis un certain moment des politiques qui semblent répondre aux problèmes de flux des réfugiés dans le monde en général et dans les pays pauvres en particulier. Il s’agit entre autre de :
- la politique de la protection proactive,
- l’accentuation du respect des dispositions internationales relative aux réfugiés et
- la coopération internationale.

Ces trois politiques ainsi énumérées constituent des barrières de fer aux flux des réfugiés.

I- L’exposé des politiques de protection durable des réfugiés : la protection proactive ; le respect des dispositions internationales et la coopération internationale.

Existant depuis des années sur la scène internationale, ces politiques, bien que dans le temps étaient caractérisées par leur passivité, aujourd’hui, elles sont considérées comme les plus adaptées aux vagues des réfugiés dans le monde.

A- La protection proactive des réfugiés.

Apparue dans une époque où le problème de migration était moins pris en considération par la communauté internationale [5], la politique de la protection proactive des réfugiés est demeurée pendant un temps comme une simple mode. Elle allait de pair avec les préoccupations de cette époque, mais l’on n’y mettait pas trop de tonus.

La politique de la protection proactive des réfugiés est l’œuvre de Madame Sadako Ogata [6] l’une des hauts commissaires du HCR. Elle consiste à protéger le réfugié après que celui-ci le soit devenu, généralement en quittant le pays où il craint la persécution.
La protection proactive, est généralement exercée dans le pays où l’on craint la persécution et avant que le futur réfugié éventuel ne le quitte. Cette forme de protection a pour objet de :
- stabiliser la population dans le pays de départ potentiel ;
- éviter la contrainte de fuir ;
- mettre en œuvre le droit de rester dans son pays ;
- faire appliquer les droits de l’Homme ;
- faire appliquer les droits des minorités nationales ou ethno-religieuses ;
- doter les pays concernés d’instruments juridiques et d’institutions de protection ;
- mettre en œuvre le principe de la responsabilité de l’État envers ses propres ressortissants et envers les autres États.

Ces sept éléments interdépendants forment un cercle vicieux important des gestions des réfugiés. Leurs mise en œuvre par les Etats est déterminant pour le cantonnement des potentiels réfugiés dans leurs pays de départ. Elle est par cela une solution importante aux vagues des réfugiés en ce 21e siècle.

A côté de la politique de protection proactive des réfugiés, se trouve en ligne de mire des politiques de protection des réfugiés, le respect scrupuleux des dispositions internationales relatives aux réfugiés.

B- Le respect des dispositions internationales relatives aux réfugiés.

Ces deux politiques sont des solutions anciennes aux problèmes des réfugiés, elles ont une importance capitale dans la gestion des réfugiés. Nous les présenterons séparément.

Le respect des dispositions est l’une des plus anciennes solutions aux mouvements des réfugiés dans le monde en général. Il trouve ses fondements dans les textes internationaux relatifs aux réfugiés. Il implique d’une part une adhésion aux instruments internationaux et d’autre part à la mise en œuvre des législations internationales qui y sont relatives [7].

L’adhésion consiste pour les États, surtout pour ceux qui ne sont pas encore partie aux Conventions internationales relatives à la protection des réfugiés d’intégrer les instruments internationaux. Cette adhésion est nécessaire dans la mesure où, très souvent, des réfugiés arrivent aux frontières d’un État et se trouvent bloqués car l’État en cause ne fait pas partie des conventions internationales de protection des réfugiés. Et nous le savons, des réfugiés arriveront aux frontières d’un État que celui-ci soit ou non partie aux traités relatifs aux réfugiés.
La présence de réfugiés venus de pays voisins peut provoquer des tensions entre les États. Celles-ci seront atténuées s’il apparaît que le pays d’asile agit conformément aux obligations que lui impose le droit international des réfugiés, cela d’autant plus que les traités en la matière réaffirment le caractère pacifique et humanitaire de l’asile.

L’adhésion témoigne aussi et surtout de la volonté d’un État de coopérer avec la communauté internationale à la recherche de solutions aux problèmes des réfugiés.
Elle n’impose pas aux États l’obligation en droit d’accueillir les réfugiés à titre permanent. Elle sert plutôt à renforcer la tradition de l’asile en la plaçant dans le contexte plus concret du droit international [8]. De l’adhésion, il appartient aux états de mettre en œuvre les dispositions des conventions dont elles font parties.

Cette mise en œuvre passe nécessairement par l’intégration des normes internationales dans leurs législations respectives. Presque tous les États membres des Conventions internationales relatives aux réfugiés ont mis en place des normes juridiques pour une meilleure application de ces conventions.

La dernière solution à une meilleure protection des réfugiés en droit international est la coopération internationale. Le problème des réfugiés devenu depuis les deux grandes guerres mondiales un problème de politique international s’est vu être encadré par la communauté des États dans leur ensemble. Cependant, cette coopération au sein de l’ONU a perdu sa vigueur au détriment d’autres questions.
Les États s’individualisent et se referment davantage sur eux-même en gérant les problèmes d’ordre économiques et sociaux. Ainsi, en réaction à cet état de fait, Henri Joël Tagum Fombeno affirme qu’il n’est plus possible de traiter le problème des réfugiés de façon unilatérale [9]. C’est pourquoi les États doivent se tenir la main pour mieux gérer le problème des réfugiés en droit international.

La coopération consiste également à instaurer d’une part une démocratie durable dans certains pays [10] considérés comme des "producteurs" des réfugiés, et d’autre part à instaurer un nouvel ordre économique mondial [11] nécessaire au développement des pays pauvres [12].

II- Les implications des politiques de protection des réfugiés.

Les trois politiques de protection efficace et efficiente des réfugiés à savoir : la protection proactive des réfugiés, le respect des dispositions internationales et la coopération internationale ainsi exposées, ont des implications importantes pour les États d’une part et pour la communauté internationale d’autre part.
Ces implications concernent plus particulièrement la mise en œuvre effective des systèmes démocratiques et de la bonne gouvernance, mais aussi l’amélioration de la croissance économique.

A- la mise en œuvre de la démocratie et de la bonne gouvernance.

Le problème de migration forcée dans le monde en général et dans le tiers monde en particulier est essentiellement d’ordre politique et économique. L’élément le plus important est la « politique de gestion des réfugiés ».

Il a été démontré que, le phénomène de la migration forcée dans le tiers monde est dû à la nature dictatoriale des systèmes politiques.
Dans la plupart des pays du tiers monde concernés par le phénomène de flux migratoire, sévissent des régimes loin d’être qualifiés de démocratiques.
Ce sont des régimes souvent militaires où la dégradation ethnique est érigée en loi fondamentale.
Les dirigeants se soucient plus de la préservation de leurs stabilités, que d’assurer une promotion et une sauvegarde des droits de l’Homme. Il n’est pas alors étonnant que le chemin de l’exil soit le plus choisi pour ne pas tomber entre les mains d’une police politique secrète chargée d’éliminer, si nécessaire, ceux qui s’opposent ou critiquent leurs initiatives [13]. Ceux qui ont l’audace de résister au régime, se constituent alors en des groupes rebelles essayant ainsi de destituer le régime. Pour citer quelques exemples, évoquons le cas du Soudan, de l’Ouganda, du Myanmar, du Yémen, de l’ex-Zaïre, de la RCA, du Burundi… qui offrent des tristes réalités.

La tâche pour remédier au problème des réfugiés est d’abord politique. Ce sont des solutions politiques qui peuvent mettre durablement fin à leur drame.
Ainsi, par exemple les déplacements dû à des guerres d’indépendances prennent fin une fois l’indépendance du pays gagnée (cas du Catalan, Namibie, Zimbabwe). Les autres déplacements ne peuvent cesser tant que la mobilisation de toutes les composantes ethniques dans un processus démocratique ne sera pas effective.
Si depuis les indépendances les pays du tiers monde en général et ceux d’Afrique en particulier n’ont pu s’acclimater à la Démocratie, c’est par ce que l’élite politique en place met de côté la notion d’intérêt général de la nation.

En Afrique par exemple, depuis les indépendances jusqu’à nos jours, les pays ont été à des hommes et des appareils sans trop se préoccuper d’une bonne gestion des mécanismes et d’une politique de protection des droits de l’Homme. L’adoption formelle des institutions républicaines ne suffisent pas. Il faudrait leur donner un contenu concret, par une désignation démocratique des personnes appelées à animer ces institutions. Il faut qu’ils soient plus représentatifs du peuple, qu’ils suivent les aspirations du peuple, ceci dans la transparence.
La Démocratisation donne à chaque citoyen, la conviction d’être partie prenante dans la vie sociale. Son importance ne saurait être surestimée, ni sous-estimée, car ce n’est que quand le citoyen est convaincu de l’enjeu que représente pour lui l’avenir de la société dans laquelle il vit que la paix durable et le développement viable à terme deviennent possibles.

B- L’instauration d’un nouvel ordre économique mondial.

En plusieurs décennies en faveur du développement, le fossé entre pays riches et pauvres ne cesse de se creuser. Les politiques et institutions existantes rendent plus inégales les répartitions des ressources mondiales.

Après avoir acquis l’indépendance politique, les pays du tiers monde se voient étouffés par le poids de la dépendance économique. Le seul moyen pour remédier aux inégalités est alors de restructurer la vie économique internationale en instaurant un nouvel ordre économique mondial. Avec la réticence des pays riches, une série des propositions sont annoncées dans divers résolutions de l’Assemblée Générale de l’ONU relative à l’instauration du nouvel ordre économique et dans la Charte des droits de l’homme et des devoirs économique des Etats.

Le déséquilibre économique entre les pays riches et les pays pauvres accompagné d’une démographie rapide en pleine expansion, constitue une source de tensions politiques génératrices d’exode de populations.

Pour éviter cela, les pays riches devraient tout mettre en œuvre pour intensifier les aides économiques indispensables au développement des pays pauvres. A cet égard, on peut déjà saluer la masse des aides financières octroyées par les banques internationales, l’Union Européenne (à travers la coopération ACP – CEE). Le financement du développement peut permettre à n’en point douter de mieux faire face aux problèmes des réfugiés.
Il n’est pas possible de traiter le problème des réfugiés de façon unilatérale. Le principe du partage du fardeau international est toujours selon la formule de Willy Brandt « un sujet authentique d’intérêt pour toute la communauté internationale ».
L’intérêt politique rejoint l’intérêt humanitaire lorsqu’on associe la nécessité de développement des pays pauvres et le mieux-être de leurs populations. Il faut une répartition plus juste des richesses tenant compte des données de situations locales et qui puisse permettre aux personnes de vivre dans leurs pays dans le respect de la dignité et de leur sécurité.

Thorvald Stoltenberg disait : Il est parfois plus dangereux de retourner à la pauvreté que de retourner à la persécution politique. Il faut une réelle solidarité qui puisse permettre sinon de résoudre le problème des réfugiés du moins de réduire les causes de l’exode.

Un nouvel ordre fondé sur l’équité, la justice, le partage de tâches faciliterait beaucoup l’action du H.C.R. confronté à des graves difficultés financières.

Conclusion.

Face à l’ampleur du drame que représente la situation des personnes persécutées, il était nécessaire pour nous de faire un diagnostic des possibilités de sortie d’impasse des personnes victimes des persécutions de toutes nature.
Aussi, nous avons proposé des solutions aux vagues des réfugiés qui secouent le monde en général et surtout les pays du tiers monde.
Contribuant ainsi à bâtir un monde où le taux de prévalence des réfugiés sera proche de zéro.
Les pays pauvres doivent s’engager à mobiliser la volonté politique nécessaire pour relever le défi.
L’époque est révolue où l’on pourrait prétendre ignorer ce qui se passe dans les pays les plus pauvres ou ce qu’il faut faire pour réaliser le progrès. Le problème des réfugiés est l’affaire de tous.

Kolwe Wangso Weisman
"Le droit chemin, c’est le chemin du droit".

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Notes de l'article:

[1Organisation International pour les Migrants(OIM), T. Alexander Aleinikoff (MPI) et Vincent Chetail (IUHEI), Le droit international et la migration : tour d’horizon, T.M.C. Asser presse, 2003. P.9.

[2Article 3 du Statut de Rome.

[3Convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés.

[4Henry. DUNANT, Un souvenir de Solferino ; Comité International de la Croix Rouge, 1828-1910.

[5Une période ou le souci de la communauté internationale été de régler les problèmes liés aux grandes guerres, la restauration du système politique et économique mondial.

[6G. Jaeger, « La pertinence de la protection des réfugiés au XXIe siècle », pp5.

[7Il emprunte le canal des mécanismes du droit international public, à travers le mécanisme de la signature et de la ratification des traités. Mais aussi, celui de l’insertion de ces normes internationales dans le système juridique interne et leurs vulgarisations.

[8Union Interparlementaire (UIP), « Protection des réfugiés : guide sur le droit international relatif aux réfugiés », Publié par l’Union interparlementaire avec l’Office du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. 2001.

[9H.J. Tagum Fombeno, « Réflexion sur la question des réfugiés en Afrique », Op. Cit, pp273.

[10Allusion est faite ici aux pays Africains dont les systèmes politiques sont fragiles.

[11Ibid.

[12Idem. Pp272.

[13Voy. Sam. Uba, « L’exil ou la potence », in Jeune Afrique, N° 620, p.10

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