Notre monde est jalonné d’évènements ayant chacun influencé de façon significative notre quotidien. Parmi ces évènements l’on note de façon quasi unanime l’avènement d’internet qui a révolutionné plusieurs aspects de nos vies tant en communauté que dans nos singularités. La nature insatiable de l’homme l’a conduit à chercher à améliorer son cadre de vie d’où le recours aux technologies de l’information et de la communication (TIC).
L’évolution sans cesse croissante des TIC nous fait assister à la créationd’outils technologiques remettant en cause nos conceptions classiques et nos habitudes en impactant significativement soit négativement soit positivement nos activités. Parmi ces innovations technologiques nous voulons quelque peu nous appesantir sur celle qualifiée de révolution après internet : la technologie blockchain.
Selon Marc Andreessen, fondateur du premier navigateur internet puis de Netscape, devenu investisseur de premier plan dans le secteur de la technologie de l’information et de la communication (TIC), la blockchain fait figure de révolution informatique comparable aux deux grandes révolutions précédentes : l’ordinateur personnel à partir de 1975 et internet à partir de 1993 [1].
De son appellation en français la blockchain (ou « chaine de blocs ») est définie comme une technologie permettant le stockage et la transmission de l’information de manière décentralisée d’individus à individus [2].
Elle ne nécessite, ni tiers de confiance, ni organe central de contrôle. Elle est constituée d’un registre composé d’une suite de blocs horodatés de transactions.
Un bloc comporte la référence du bloc précédent permettant ainsi d’en retracer l’historique, d’où son assimilation à un grand livre des comptes virtuel. Connue du grand public pour sa première application dans le domaine financier avec les cryptomonnaies, la blockchain connait une application généralisée, ainsi tous les secteurs d’activité sont susceptibles d’être impactés par cette technologie du fait de ses propriétés (sécurité, transparence…).
L’engouement pour cette technologie a même poussé le législateur français à la définir comme un « mode d’enregistrement de données produites en continu, sous forme de blocs liés les uns aux autres dans l’ordre chronologique de leur validation, chacun des blocs et leur séquence étant protégés contre toute modification » [3] avant d’en reconnaitre la valeur juridique [4].
Au vu de ses caractéristiques, cette technologie pourrait apporter des solutions à des problèmes rencontrés dans un domaine assez sensible et particulier qu’est la santé, ce qui nous amène à réfléchir sur l’impact de la blockchain dans le domaine de la santé, domaine éprouvé plus que jamais avec l’avènement du Coronavirus. En clair, quel serait l’apport de la technologie blockchain dans le domaine de la santé ?
Plusieurs cas d’usage sont envisageables dans le secteur de la santé. La blockchain pourrait notamment servir à la traçabilité des médicaments, à la sécurisation des données de santé, et à la gestion des données des patients.
Dans la résolution d’un tel sujet nous mettrons en évidence l’importance de la technologie blockchain à deux niveaux, c’est-à-dire que nous la présenterons comme un moyen de certification et de traçabilité des produits pharmaceutiques et des laboratoires (I) avant de la présenter comme un moyen de protection des données de santé (II).
I- La blockchain : moyen de certification, de traçabilité et de lutte contre la contrefaçon de médicaments.
Les cas d’usages les plus efficaces de la technologie blockchain résident dans sa capacité à assurer une traçabilité des données et à certifier leur conformité. Dans notre cas d’espèce en l’occurrence dans le domaine de la santé, la blockchain permettrait avec efficacité de justifier la conception et la mise en circulation du médicament c’est-à-dire assurer sa traçabilité, mais aussi de lutter contre le phénomène de la contrefaçon de médicaments (A). Aussi-faut-il signifier que la blockchain pourrait permettre de certifier les essais clinique (B).
A- La traçabilité et la lutte contre la contrefaçon des médicaments via la blockchain.
Le caractère transparent et inaltérable de la blockchain de la blockchain en fait un atout précieux pour des enjeux de traçabilité et de certification. Les documents légaux de tout type sont concernés (par exemple des certificats de naissance. En France, Engie conduit des expérimentations sur le sujet, notamment dans la traçabilité des flux (eau, gaz, électricité). La technologie blockchain permet de connaitre avec précision toutes les étapes par lesquelles passe un médicament avant d’arriver en pharmacie.
La blockchain pourrait ainsi permettre de créer un système universel de traçage des médicaments, comme un immense registre complet et accessible à tous, permettant de lutter contre le trafic : tous les laboratoires pharmaceutiques de différents pays pourraient utiliser la même base de données sans qu’aucune entreprise ou institution en soit propriétaire, pour référencer l’ensemble de leurs produits. En effet le constat en que nous faisons dans nos pays est qu’il y a une absence de système de traçabilité des médicaments. Ainsi, est-il nécessaire de signifier que nous ignorons pour la plupart des consommateurs l’origine, la composition des médicaments que nous achetons ce qui nous expose davantage à la mort.
La solution blockchain pourrait s’avérer plus fiable que le QR code actuellement utilisé sur les boîtes de médicaments [5]. La blockchain serait une solution adéquate dans le domaine de la santé pour le monde entier mais particulièrement pour les pays africains exposés à la consommation de médicaments défectueux ou contrefaits à longueur de journée occasionnant des centaines de milliers de morts chaque année.
Selon un rapport de l’OMS en 2014, 50% des produits vendus sur Internet sont des faux [6].
La contrefaçon de médicaments est un fléau dans les pays développés comme dans ceux en développement, toutefois elle a pris des proportions démesurées dans les pays en développement notamment en Afrique.
Les raisons à l’origine de ce fléau sont diverses et nous pouvons faire cas de :
législation et contrôles sur les médicaments et la distribution de médicaments réduits et inefficaces ou inexistants ;
Auto-prescription très répandue car peu ou pas d’accès aux professionnels de santé.
Les cas concrets de contrefaçon existent en grand nombre et nous en voulons pour preuve la destruction en novembre 2013 par le gouvernement de l’Etat de Kano au Nigeria et l’Agence sanitaire nationale d’un lot de médicaments contrefaits d’une valeur de plusieurs millions d’euros [7].
Pour lutter contre ce fléau par l’usage des technologies, de plus en plus pharmacies investissent dans la blockchain. Ce fut le cas de la société française Crystalchain qui via la blockchain a mis en place une application permettant au consommateur de vérifier instantanément l’authenticité de la boite de médicament qu’il achète pour le tracer. Elle a utilisé la technologie Ethereum pour travailler sur une blockchain de consortium (Blockpharma).
La blockchain par la confiance qu’elle instaure avec les clients permet de stocker les informations d’identification et surtout de les vérifier. Par le fait que cette base de données décentralisée (la blockchain), regroupant tous les acteurs de la chaine et hébergeant tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création (une sorte de grand registre), la blockchain permettrait d’aller au-delà des systèmes traditionnels de stockage d’informations en matière de traçabilité. Le fait de pouvoir tracer les données, de les ordonner dans le temps serait une grande avancée pour éviter tous les biais et toutes les fraudes en la matière [8]. Ainsi, faut-il signifier que la blockchain pourrait au vu de ses caractéristiques permettre de certifier les essais cliniques et ce de façon transparente.
B- La certification des essais cliniques via la blockchain.
Encore appelé essai thérapeutique ou étude clinique, un essai clinique est une recherche biomédicale organisée et pratiquée sur l’Homme en vue du développement des connaissances biologiques et médicales. Les essais cliniques portant sur les médicaments ont pour objectif, selon le cas, d’établir ou de vérifier un certain nombre de données.
Les caractéristiques de la technologie blockchain font d’elle une technologie ayant un rôle on ne peut plus important dans la certification des essais cliniques. En effet, la blockchain pourrait être utilisée pour faire en sorte que les données soient recueillies et échangées lorsque cela est nécessaire, tout en respectant la vie privée des patients ou les informations exclusives [9]. Les enregistrements immuables appliqués aux essais cliniques, aux protocoles et aux résultats susceptibles d’aboutir à l’horodatage entre autres pourraient solutionner les problèmes de changement de résultat, de « snooping » de données et de rapports sélectifs, réduisant ainsi l’incidence de la fraude et de l’erreur dans les dossiers d’essais cliniques.
La blockchain apporte la transparence dans les essais cliniques. L’industrie pharmaceutique pourrait utiliser la blockchain pour authentifier les résultats des essais cliniques [10].
L’utilisation de la blockchain dans le domaine médical serait d’un apport bénéfique pour les consommateurs que nous sommes indépendamment des continents mais surtout pour les populations africaines en proie au chaos du fait de l’utilisation de médicaments nuisibles pour la santé. En tout état de cause, convient-il de faire cas du fait qu’à l’intérieur de la blockchain sont traitées des données à caractère personnel de santé lesquelles sont qualifiées de données sensibles. Ces données qui sont la source de revenus des grands collecteurs de données personnelles en l’occurrence les GAFAM [11], pourraient être protégées efficacement via la blockchain.
II- La blockchain : moyen de protection des données personnelles de santé.
La technologie blockchain possède plusieurs caractéristiques d’où l’intérêt qui lui accordé par les différents secteurs d’activités. Ses caractéristiques se notent également dans le domaine de la santé dans la mesure où elles permettent de protéger les données personnelles de santé. Concrètement cette protection se matérialise non seulement par l’accès au dossier médical du patient (A), mais aussi par la sécurité des données de santé (B).
A- L’accès au dossier médical du patient.
Le droit d’accès est un droit de savoir, l’expression de sa curiosité [12]. C’est un droit reconnu à la personne physique dont les données font l’objet de traitement par divers instruments juridiques dont la loi ivoirienne sur la protection des données en son article 29 et par le Règlement Général sur la Protection des Données en son article 15. Il est également prévu par le code français de santé publique l’accès de tout individu à son dossier médical.
Aux termes de l’article L.1111-7 du code de la santé publique français : « Toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées et ont contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d’une action de prévention, ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d’examen, comptes rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers. Elle peut accéder à ces informations directement ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’elle désigne et en obtenir communication, dans des conditions définies par voie réglementaire, au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu’un délai de réflexion de quarante- huit heures aura été observé… » [13].
Cet accès aux données personnelles de santé pourrait être effectué via la blockchain. La blockchain pourrait permettre au patient d’avoir une mainmise sur ses données et d’en gérer l’accès. Chaque patient pourrait ainsi paramétrer son dossier médical de façon à en autoriser l’accès (total ou partiel) aux personnes de son choix (médecin traitant, famille…).
Les données personnelles de santé sont qualifiées par la loi ivoirienne comme des données sensibles [14], c’est-à-dire des données dont le traitement est susceptible d’exposer les personnes physiques auxquelles elles se rapportent à des discriminations d’où l’interdiction de principe de leur traitement. Concrètement, utiliser la blockchain pour la gestion de l’accès aux données de santé garantirait entre autres l’absence d’organe central de contrôle qui pourrait accéder à toutes les données.
En enregistrant par la suite les étapes du parcours de soins dans une blockchain regroupant institutions de santé et assureurs, il serait également possible d’automatiser le paiement des prestations médicales nécessaire, grâce à des smart contracts [15].
En effet c’est cette situation monopolistique qui conduit à des abus dans le traitement car cette personne pourrait favoriser ou communiquer lesdites données à qui elle veut en l’absence de consentement et de contrôle préalable de la personne concernée alors que la valeur pécuniaire de la donnée personnelle n’est plus à démontrer. La mauvaise foi qui est le principe dans nos relations physiques se manifeste véritablement dans les systèmes centralisés d’où la résurgence de la méfiance dans les systèmes technologiques. C’est à cet effet que l’usage de la blockchain serait salutaire en ce sens que la technologie blockchain se caractérise par la confiance qu’elle instaure entre les personnes intervenant dans son fonctionnement. En effet, est-il nécessaire de signifier que chaque transaction est vérifiée par une communauté de pairs qui s’accordent démocratiquement pour valider la transaction, ce qui permet des autorités externes [16].
Ainsi, permettrait-elle une exploitation des données sensibles que sont les données de santé dans un climat de confiance gage de sécurité. L’on constate que la blockchain permet d’assurer une certaine sécurité des données de santé, laquelle sécurité est une valeur essentielle recherchée dans l’univers dématérialisé.
B- La sécurisation de l’accès aux données de santé dans la blockchain.
La sécurité des données quelle qu’elles soient est une question assez fondamentale et sensible dans notre univers classique mais encore plus dans l’univers dématérialisé marqué par un flux de données, lesquelles données constituent la raison d’être des cybercriminels. En effet, faut-il signifier que toute l’activité cybercriminelle s’articule autour de la donnée.
Le constat actuel est que le numérique n’est rien sans la data mais pas n’importe laquelle : la donnée personnelle.
La donnée personnelle, carburant du numérique est, l’expression du pouvoir dans ce monde moderne. Ainsi, « posséder » des données personnelles à notre ère confère un pouvoir non négligeable à ce possesseur. Par conséquent, il nait avec acuité la nécessité de protéger non seulement les données mais encore plus les données personnelles de santé vu le caractère sensible desdites données. Pour ce faire, il convient nécessairement d’allier la technologie à la protection des données de santé d’où l’usage de la technologie blockchain une fois de plus. La sécurité dans la technologie blockchain pourrait se résumer en deux principaux points. D’abord, l’on pourrait évoquer l’existence des clés publique et privé qui permet crypter et de décrypter les informations à l’intérieur de la blockchain. Ensuite le minage qui vise à vise à certifier certains éléments (l’authenticité des transactions, l’identité des parties, etc.) sans avoir recours à un intermédiaire de confiance ou une autorité centrale.
Concrètement dans notre cas d’espèce, la blockchain permettrait de sécuriser les données personnelles de santé en contrôlant l’accès aux données de santé. Chaque patient maitrisera plus précisément le partage de ses données médicales et selectionnera qui peut accéder à quoi et prévoira par exemple un accès en cas de perte de conscience par des membres de sa famille [17].
Selon Chloé Bru « la blockchain ne sécurise pas les données en elle-même. En revanche, elle permet de sécuriser l’accès à ces données » [18]. Cette pensée nous permet prendre connaissance de ce qu’avec la blockchain, le patient a une véritable mainmise sur l’accès et l’usage de ses données comme jamais auparavant.
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