L’URSSAF et le remboursement par l’employeur des frais du salarié qui déménage.

Par Arthur Tourtet, Avocat.

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Explorer : # frais professionnels # mobilité professionnelle # remboursement des frais # urssaf

Déménager pour des raisons professionnelles génère inéluctablement des frais.

Lorsque l’employeur prend en charge des frais liés à la mobilité du salarié, de nombreuses questions peuvent surgir concernant leur traitement vis-à-vis de l’URSSAF.

En effet, tous les frais exposés lors d’un déménagement ne sont pas forcément des frais professionnels exonérés de charges sociales.

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1. Quels déménagements peuvent générer des frais professionnels ?

L’article L136-1-1 du Code de la sécurité sociale écarte de l’assiette des cotisations et des contributions sociales les remboursements de frais professionnels mais dans le respect des conditions et limites fixées par arrêté ministériel.

Ces conditions sont fixées par l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels, une bible en matière [1].

L’interprétation de cet arrêté fait aussi l’objet de plusieurs circulaires.

Point intéressant, si les circulaires remplissent les conditions édictées à l’article L243-6-2 du Code de la sécurité sociale, elles sont opposables à l’URSSAF afin de faire échec à un redressement.

L’article premier de l’arrêté du 20 décembre 2002 précise que les frais professionnels s’entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions.

Selon l’article 8 du même arrêté, les frais engagés par le travailleur salarié ou assimilé dans le cadre d’une mobilité professionnelle sont considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à l’emploi.

Le travailleur salarié ou assimilé est présumé faire l’objet d’une mobilité professionnelle lorsque la distance séparant l’ancien logement du lieu du nouvel emploi est au moins de 50 kilomètres et entraîne un temps de trajet aller ou retour au moins égal à 1 heure 30.

Lorsque le critère de distance n’est pas rempli, la mobilité professionnelle est néanmoins caractérisée dès lors que le temps de trajet aller est, quel que soit le mode de transport utilisé, au moins égal à 1 heure 30 [2].

Cette situation correspond principalement à celle d’un salarié en poste qui fait l’objet d’une mutation de la part de son employeur.

Cette mutation n’a pas à être limitée dans un établissement de l’employeur. La mutation peut également être effectuée au sein d’un groupe ou auprès d’une autre entreprise.

La mobilité doit être entendue au sens large, ce qui permet d’inclure les mutations temporaires, comme le cas d’un salarié détaché pour quelques années.

En toute hypothèse, le changement de résidence doit avoir un intérêt pratique en rapport avec la nouvelle mutation. Il ne sera pas possible d’exonérer les frais de déménagement d’un salarié muté si le changement de résidence ne réduit pas la distance domicile-travail ou le temps de trajet.

Les frais de déménagement peuvent également être exonérés de cotisations dans le cadre d’une embauche initiale [3].

Dans ce cas de figure, le déménagement suite à une embauche ne doit pas être motivé par des convenances personnelles. Le salarié doit être contraint de changer de résidence.

Il peut s’agir par exemple d’une difficulté à retrouver un emploi obligeant le salarié à accepter un poste éloigné ou bien de la nécessité de rejoindre le conjoint qui lui-même a fait l’objet d’une mutation.

2. Quelles sont dépenses liées à la mobilité considérées comme étant des frais professionnels ?

Elles sont nombreuses et peuvent varier d’une situation à l’autre.

Elles doivent toujours être nécessaires. L’employeur qui rembourserait à titre de frais professionnels des dépenses somptuaires ou de confort s’exposerait à coup sûr à un redressement de l’URSSAF [4].

Peuvent être notamment exonérées de cotisations et contributions sociales :
- les dépenses pour l’hébergement provisoire et les frais supplémentaires de nourriture, dans l’attente d’un logement définitif. Cela comprend toute location par nuitée ou mensuelle, allant de la chambre d’hôtel à la location d’un mobil-home ;
- les frais de recherche d’un nouveau logement ;
- le recours à un déménageur ou bien la location d’un véhicule pour transporter les meubles ;
- les frais d’hôtel pendant la période de déménagement ;
- les frais de garde-meuble ;
- les frais de l’agence immobilière ;
- les frais d’huissier (pour l’état des lieux d’entrée) ;
- les frais liés au rétablissement de l’électricité, du téléphone, de l’eau, etc. ;
- les frais de réexpédition du courrier ;
- les frais de remise en état, mais seulement ceux permettant de rendre le logement habitable [5]. Il est précisé par l’administration que ces frais doivent avoir le caractère de réparations locatives et ne peuvent concerner un bien acheté par le salarié [6] ;
- les dépenses d’ameublement, à la condition qu’elles soient immédiatement indispensables et nécessaires [7]. Par exemple, le remboursement de l’achat d’un écran plat pour regarder la télévision ne pourrait faire l’objet d’une exonération vis-à-vis de l’URSSAF.

En revanche, certaines dépenses ne sont pas des frais professionnels comme :
- l’avance par l’employeur de la caution [8] ;
- la prise en charge des loyers d’un logement mis à disposition de l’employeur [9] ;
- la prise en charge des loyers d’un logement définitif ainsi que les impôts de la salariée dans le cadre d’une mutation à l’étranger [10] ;
- les dépenses de décoration.

3. Sous quelle forme l’employeur peut-il rembourser les frais de déménagement ?

Seuls certains remboursements frais peuvent faire l’objet d’une évaluation forfaitaire.

Ils sont énumérés à l’article 8 de l’arrêté du 20 décembre 2002 [11].

Il s’agit des dépenses d’hébergement provisoire et les frais supplémentaires de nourriture dans l’attente d’un logement définitif ainsi que les dépenses inhérentes à l’installation dans le nouveau logement.

Les forfaits sont révisés chaque année et ils sont consultables sur le site internet de l’URSSAF.

Concernant les dépenses d’installation, cette notion regroupe des frais qui peuvent être confondus avec les frais de déménagement, qui eux doivent être évalués sur la base des dépenses réelles [12].

Afin d’éviter toute confusion et surtout un redressement de l’URSSAF, l’employeur peut opter pour un remboursement des frais réels concernant des remboursements pouvant faire l’objet d’un forfait.

Les autres remboursements ne bénéficient pas d’une évaluation forfaitaire en vertu de l’arrêté du 20 décembre 2002. Ces derniers doivent obligatoirement être évalués sur la base des dépenses réellement engagées.

Afin d’éviter toute mauvaise surprise lors d’un contrôle, il est plus que recommandé de conserver tous les justificatifs des frais exposés par les salariés.

Arthur Tourtet
Avocat au Barreau du Val d\’Oise

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Notes de l'article:

[1JORF n°301 du 27 décembre 2002.

[2Circulaire DSS/SDFSS/5 B n° 2005-389 19/08/2005.

[3CA Pau, 05 septembre 2019, n° 17/00190.

[4CA Douai, 30 novembre 2017, n° 15/02917.

[5CA Colmar, 12 avril 2018, n° 16/01386.

[6Circulaire DSS/SDFSS/5 B n° 2005-389 19/08/2005.

[7Cass. soc., 19 juin 2008, n° 07-11.571.

[8CA Paris, 23 mars 2017, n° 15/0691.

[9CA Agen, 30 octobre 2018, n° 17/00556 et CA Amiens, 29 septembre 2017, n° 15/06248.

[10CA Versailles, 15 juin 2017, n° 16/03753.

[11JORF n°301 du 27 décembre 2002.

[12Cass. civ 2ème ., 12 mars 2020, 19-13.341.

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