Urgence : la Cour de Cassation doit arrêter sa position sur les fins de non-recevoir. Par Benoit Henry, Avocat.

Urgence : la Cour de Cassation doit arrêter sa position sur les fins de non-recevoir.

Par Benoit Henry, Avocat.

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Explorer : # procédure civile # fins de non-recevoir # compétence judiciaire

La question mérite d’être posée car elle embarrasse les praticiens et divise la doctrine.
La jurisprudence des juges du fond est divisée et bon nombre de magistrats à la Cour d’Appel de Paris sont favorables à la compétence de la Cour plutôt qu’à celle du CME ou du Président de Chambre dans les procédures sans CME pour prononcer l’irrecevabilité des demandes pour défaut de droit d’agir en appel.
On attend avec impatience l’avis ou l’arrêt par lequel la Cour de cassation arrêtera sa position.
Article actualisé par l’auteur en janvier 2024.

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Il est à souhaiter qu’elle fera prévaloir la logique et la cohérence des textes sur des considérations de politique jurisprudentielle qui conduiraient immanquablement à des distinctions ésotériques, obscures, incompréhensibles entre les différentes fins de non-recevoir et provoqueraient à coup sûr de nouveaux contentieux au sein des Cours d’appels.

I - Le Code de procédure civile.

Tout a changé depuis le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019.

Depuis le 1er janvier 2020, les instances introduites à compter de cette date sont soumises au nouvel article 789 du Code de procédure civile qui en son 6° accorde compétence au JME du tribunal judiciaire pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Le renvoi de l’article 907 du même code à l’article 789 implique qu’en appel le CME quand il existe est désormais compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Le 3 juin 2021, la Cour de cassation a précisé que le CME ne pouvait connaître ni des fins de non-recevoir tranchées par le JME ou par le tribunal ni de celles qui bien qu’ayant été tranchées en première instance auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies de remettre en cause ce qui avait été jugé au fond par le premier juge.

Ce point de vue est parfaitement logique car la mission du CME lorsqu’il se prononce sur une fin de non-recevoir n’est pas de statuer sur l’appel à la place de la Cour.

La mission du CME consiste à régler des problèmes procéduraux préalables de procédure relatifs à la seule instance d’appel.

On ne peut donc qu’approuver l’avis du 3 juin 2021.

II- Les points à retenir.

Le nouveau décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 (JORF n°0304 du 31 décembre 2023) entre en vigueur le 1ᵉʳ septembre 2024.

Il est applicable aux instances d’appel et aux instances consécutives à un renvoi après cassation introduites à compter de cette date.

Le décret simplifie et clarifie les dispositions relatives à l’appel et à la procédure d’appel et notamment, celles relatives à la procédure d’appel ordinaire avec représentation obligatoire.

Le décret restructure la sous-section 1 de la section I du chapitre Ier du sous-titre Ier du titre VI du livre II du Code de procédure civile relative à la procédure ordinaire avec représentation obligatoire devant la cour d’appel.

Il opère un partage clair entre les dispositions qui relèvent de la procédure à bref délai et celles qui relèvent de la procédure avec mise en état. Il procède en outre, à l’autonomisation des dispositions relatives à la procédure d’appel en supprimant, notamment, les renvois aux dispositions applicables au tribunal judiciaire.

Cette restructuration, selon la Chancellerie, permet ainsi de distinguer avec clarté et certitude entre d’une part, les dispositions qui relèvent de la procédure à bref délai en application des articles 906-1 à 906-5 du Code de procédure civile et d’autre part, celles qui relèvent de la procédure avec mise en état en application des articles 907 et suivants du Code de procédure civile.

Il est désormais consacré un sous-paragraphe 2 au paragraphe 4 aux « attributions du conseiller de la mise en état ». Avec les nouvelles dispositions, les pouvoirs du conseiller de la mise en état ne procèdent plus par renvoi aux règles d’instruction devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire (article 780 à 807 du Code de procédure civile).

L’article 907 du Code de procédure civile disposait en effet : « A moins qu’il ne soit fait application de l’article 905, l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807 et sous réserve des dispositions qui suivent ».

Ce renvoi aux dispositions relatives aux compétences du juge de la mise en état était de nature à susciter de nombreuses interrogations, notamment celle de savoir qui du conseiller de la mise en état ou de la formation collégiale de la cour d’appel était compétent pour connaître de la recevabilité de demandes nouvelles.

Le nouvel article 913-5 du Code de procédure civile, pendant de l’actuel article 914 du Code de procédure civile, fixe la compétence exclusive du conseiller de la mise en état pour :

  • Prononcer la caducité de « la déclaration d’appel » ;
  • Déclarer l’appel irrecevable ;
  • Déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 lorsque les délais pour conclure n’ont pas été respectés ;
  • Déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l’article 930-1 « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique » ;
  • Au regard de la précédente version, le conseiller de la mise en état est désormais « explicitement » compétent pour :
    « 5° Statuer sur les exceptions de procédure relatives à la procédure d’appel, les demandes formées en application de l’article 47, la recevabilité des interventions en appel et les incidents mettant fin à l’instance d’appel ;
    « 6° Allouer une provision pour le procès ;
    « 7° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le conseiller de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5, 517 et 518 à 522 ;
    « 8° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
    « 9° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction. Le conseiller de la mise en état contrôle l’exécution des mesures d’instruction qu’il ordonne, ainsi que de celles ordonnées par la cour, sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l’article 155. Dès l’exécution de la mesure d’instruction ordonnée, l’instance poursuit son cours à la diligence du conseiller de la mise en état (…) ».

Le conseiller de la mise en état est donc désormais cantonné à son rôle de juge de la procédure d’appel et n’a donc plus compétence à connaître de toutes fins de non-recevoir.

III- En pratique.

Question n°2 :

Le CME est-il compétent pour prononcer l’irrecevabilité des demandes pour défaut de droit d’agir en appel ?

Réponse :

La Cour de cassation n’a pas encore répondu à la question.

Le pouvoir réglementaire a voulu mettre fin à l’application de la règle qui consistait à confier aux magistrats de la mise en état le soin de se prononcer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance et la mission de statuer sur les fins de non-recevoir.

Le nouveau décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 (JORF n°0304 du 31 décembre 2023) entre en vigueur le 1ᵉʳ septembre 2024.

Le conseiller de la mise en état est donc désormais cantonné à son rôle de juge de la procédure d’appel et n’a donc plus compétence à connaître de toutes fins de non-recevoir telle que celle du défaut de droit d’agir en appel.

Vous en souhaitant bonne réception.

Pour aller plus loin sur le sujet :
- La structuration des conclusions devant le tribunal judiciaire.
- Focus sur le décret d’application du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile.
- Guide pratique du décret d’application du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile.
- Guide pratique du décret du 11 décembre 2019 : quels pièces et actes à produire devant le tribunal judiciaire par type de contentieux.
- Avis n°15008 du 3 juin 2021 de la Deuxième Chambre Civile de la Cour de cassation.
- Qui peut connaitre de la recevabilité des demandes nouvelles, le conseiller de la mise en état ou la cour ?
- Civ. 2e, avis, 11 oct. 2022, n° 22-70.010 [1].

Benoit Henry, bhenry chez recamier-avocats.com
Avocat Spécialiste de la Procédure d’Appel
Barreau de Paris
http://www.reseau-recamier.fr/
bhenry chez recamier-avocats.com
Président du Réseau Récamier
Membre de Gemme-Médiation
https://www.facebook.com/ReseauRecamier/

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