Le décès en cours d’instance devant le tribunal judiciaire.

Par Benoit Henry, Avocat.

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Explorer : # procédure civile # décès # interruption d'instance # héritiers

Ce que vous allez lire ici :

Le décès d'une partie en instance civile entraîne l'interruption de la procédure, permettant aux héritiers de la reprendre. Si l'action est non transmissible, l'instance s'éteint. La notification du décès doit être faite correctement pour interrompre l'instance; des jugements antérieurs restent valides pour les autres parties.
Description rédigée par l'IA du Village

Le décès d’une partie en cours d’instance peut entraîner l’interruption de l’instance qui pourra être reprise ultérieurement selon des modalités particulières.
Quelles sont les conditions et modalités de l’interruption d’instance ?
Quelles sont les conditions et modalités de la reprise d’instance ?

-

Le décès d’une partie influence le cours de l’instance civile.

Il peut arriver que le praticien du droit, au cours de son activité, soit confronté au décès d’une partie.

L’évènement funèbre sera alors appréhendé par la procédure civile, et c’est ainsi que la vie pourra reprendre son cours.

La procédure civile n’échappe pas que les autres branches du droit aux conséquences du décès.

Si une personne physique, partie à une instance décède, il faut distinguer deux cas selon que l’action est transmissible à ses héritiers ou non.

Par application de l’article 384 du Code de procédure civile, si l’action ne peut être transmise aux héritiers, l’instance s’éteindra.

En revanche, dans le cas contraire, et sous certaines conditions, le décès d’une partie provoque l’interruption de l’instance.

Dans ce cas, les héritiers conservent la possibilité de reprendre l’instance.

En procédure civile, le décès d’une partie est donc un terme plutôt qu’une fin.

Dans les cas, qui sont grandement majoritaires où l’action est de nature patrimoniale et est donc transmissible aux héritiers, l’article 370 du Code de Procédure Civile prévoit :

« qu’à compter de la notification qui en est faite à l’autre partie, l’instance est interrompue par le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible ».

L’interruption d’instance instituée par l’article 370 n’est prévue qu’au bénéfice des héritiers de la partie décédée qui entendent reprendre l’instance.

Le caractère relatif de l’interruption d’instance pour cause de décès d’une partie implique non seulement que la notification du décès émane des héritiers, mais encore que ces seuls héritiers puissent se prévaloir de ladite interruption.

A l’inverse, l’instance n’est pas interrompue s’agissant des autres parties qui ne sauraient se prévaloir de l’interruption.

Il s’ensuit que seuls les héritiers de la partie décédée peuvent le cas échéant se prévaloir des dispositions de l’article 372 du Code de Procédure Civile, à savoir de la nullité des actes accomplis en dépit de l’interruption de l’instance ou des dispositions de l’alinéa 1 de l’article 392 du Code de Procédure Civile, à savoir l’acquisition du délai de péremption.

Puisque l’instance n’aura pas été interrompue à l’égard des autres parties, les jugements prononcés contre celles-ci seront valables et le délai de péremption continuera de courir à leur encontre.

Le décès du plaideur ne fait donc qu’interrompre l’instance au visa de l’article 376 du Code de Procédure Civile.

Le décès du demandeur avant l’introduction d’une instance entraîne la nullité de l’assignation pour défaut de capacité à agir de celui-ci au visa de l’article 117 du Code de Procédure Civile.

La signification d’un jugement au nom d’une personne décédée est également affectée d’une nullité pour vice de fond au visa de l’article 117 du Code de Procédure Civile.

L’exception de nullité de l’assignation et des actes subséquents opposée par une partie en raison du décès du demandeur avant l’introduction de l’instance peut être proposée en tout état de cause.

Cette nullité ne peut être couverte au sens de l’article 121 du Code de Procédure Civile puisque sa cause ne peut avoir disparu au moment où le juge statue.

L’instance peut alors être reprise par les héritiers soit volontairement, soit à défaut de reprise volontaire par voie de citation au visa de l’article 373 du Code de Procédure Civile.

Mais l’interruption de l’instance n’est pas liée à la seule survenance du décès, elle est subordonnée à la notification du décès au visa de l’article 370 du Code de Procédure Civile.

L’instance n’est interrompue qu’à compter de la notification du décès qui en est faite à l’autre partie elle-même.

Seul l’héritier qui peut procéder à la notification du décès peut se prévaloir de l’interruption de l’instance.

I- L’interruption d’instance par le décès.

Quelles sont les conditions et modalités de l’interruption d’instance ?

1°- La preuve du décès et de sa notification.

Elle incombe à la partie qui se prévaut de l’interruption d’instance.
NB : Le Tribunal judiciaire doit donc être en possession de la copie de l’acte de décès et de sa notification à la partie adverse.

2°- La forme de la notification.

La forme de la notification du décès est celle prévue par les articles 665 et suivants du Code de Procédure Civile.

Il s’ensuit qu’une simple lettre d’avocat ne vaut pas notification et n’interrompt pas l’instance.
NB : L’auxiliaire de justice doit donc notifier par RPVA la copie de l’acte de décès et l’acte de dénonciation du décès à la partie adverse.

3°- Le moment de la notification.

L’article 371 du Code de Procédure Civile prévoit :

« qu’en aucun cas l’instance n’est interrompue si l’évènement survient ou est notifié après l’ouverture des débats ».

NB : L’instance ne sera donc pas interrompue si le décès est notifié après l’ouverture des débats.

4°- Les effets de la notification du décès sur l’interruption d’instance.

La notification du décès d’une partie n’emporte interruption d’instance et par voie de conséquence interruption du délai de péremption que lorsqu’elle émane des héritiers du défunt.

Après la notification du décès, l’instance ne peut plus continuer et aux termes de l’article 372 du Code de Procédure Civile, les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l’interruption sont réputés non avenus.
NB : Le tribunal judiciaire saisi doit constater le caractère non avenu des actes de procédure.

La demande tendant à faire déclarer un jugement non avenu ayant pour objet de lui faire perdre son caractère de titre exécutoire, le défendeur défaillant doit saisir le JEX ou le tribunal judiciaire chargé des difficultés concernant les titres exécutoires au visa des articles L213-6 du Code de l’organisation judiciaire et 478 du Code de Procédure Civile.

Cette sanction est relative car seule la partie au profit de laquelle l’interruption est prévue peut invoquer le caractère non avenu des actes accomplis ou des jugements rendus.

Cette sanction n’est pas absolue puisque la partie au profit de laquelle l’interruption est prévue peut toujours expressément (quand il conclut au fond en invoquant les dispositions de l’article 372 du Code de Procédure Civile) ou tacitement (quand il conclut au fond sans invoquer les dispositions de l’article 372 du Code de Procédure Civile) et confirmer les actes de procédure accomplis pendant l’interruption.

5°- L’interruption du délai d’appel.

Le délai d’appel est interrompu par le décès de la partie à laquelle le jugement a été notifié au visa de l’article 532 alinéa 1 du Code de Procédure Civile.
NB : Un nouveau délai de même durée ne commencera à courir que si une nouvelle notification est faite aux héritiers au visa de l’article 532 alinéa 2 et 3 du Code de Procédure Civile.

6°- L’interruption du délai pour conclure.

L’interruption d’instance emporte celle du délai imparti pour conclure et fait courir un nouveau délai à compter de la reprise d’instance au visa des articles 376 et 908 du Code de Procédure Civile.

7°- L’interruption du délai de péremption.

La notification du décès interrompt le délai de péremption qui était en cours et non expiré, sil elle émane de la partie qui entend se prévaloir de l’interruption d’instance.

L’interruption d’instance ne profite qu’aux ayants droits de la partie décédée, de sorte que seuls ceux-ci peuvent se prévaloir de l’interruption du délai de péremption qui découle de l’interruption d’instance.
NB : Par voie de conséquence, la péremption est acquise au profit des parties à l’égard desquelles l’instance n’a pas été interrompue.

8°- Les effets de l’absence de la notification du décès.

La notification tardive du décès d’une partie n’interrompt pas l’instance en cours et une décision peut valablement être rendue.
Pour déclarer des demandes irrecevables au motif que le défendeur est décédé, l’arrêt doit constater que le demandeur avait connaissance de ce décès avant l’ouverture des débats.
Le décès d’une partie intervenu postérieurement aux débats est sans incidence sur le cours de l’instance.
NB : L’instance n’est donc pas interrompue lorsque la partie décède après la clôture des débats.

II - La reprise d’instance.

Quelles sont les conditions et modalités de la reprise d’instance ?

1°- Les prérogatives du juge.

Le juge qui n’est pas dessaisi de l’instance interrompue dispose de prérogatives pour inciter les parties à reprendre l’instance dans un délai raisonnable au visa de l’article 376 alinéa 1 du Code de Procédure Civile.

Il peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l’instance dans un délai qu’il détermine.

Il peut radier l’instance du rôle si les parties ne répondent pas à son injonction ou leur accorder un délai supplémentaire pour effectuer les diligences nécessaires à la reprise d’instance sanctionné par la radiation au visa de l’article 376 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
NB : Le juge ne peut donc en aucun cas statuer au fond en l’absence de reprise de l’instance.

2°- Les conditions de la reprise d’instance.

La partie qui souhaite le prononcé d’un jugement exécutoire à l’encontre de tous les héritiers de la partie assignée doit nécessairement réaliser une reprise d’instance sans omettre un seul ayant-cause si le litige porte sur un bien sur lequel porte le droit.

Il appartient au juge de vérifier que la reprise d’instance a été accomplie par ou contre la personne réunissant toutes les conditions pour agir en justice.

Ainsi, une cour d’appel saisie d’un appel contre un jugement rendu au profit d’une personne décédée en laissant deux héritiers ne peut infirmer le jugement tout en relevant que seul l’un des deux héritiers avait repris l’instance sans constater que les formalités nécessaires à la reprise d’instance à l’égard de l’autre avaient été accomplies.

La reprise d’instance peut être volontairement reprise : « dans les conditions de formes prévues pour la présentation des moyens de défense » au visa de l’article 373 alinéa 1 du Code de Procédure Civile.
NB : Le tribunal judiciaire ou la Cour d’appel saisi doit constater l’intervention volontaire par voie de conclusions valant constitution.
Elle peut intervenir après l’ordonnance de clôture par exception au principe d’irrecevabilité sans qu’il y ait lieu à révocation au visa de l’article 802 alinéa 3 du Code de Procédure Civile.

A défaut de reprise volontaire, la reprise d’instance peut l’être par voie forcée par voie de citation selon les mêmes modalités prévues pour la formation de la demande initiale devant la juridiction saisie de l’instance interrompue au visa de l’article 373 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

L’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption.
Ce délai continue à courir en cas de suspension de l’instance sauf si celle-ci n’a lieu que pour un temps ou jusqu’à la survenance d’un événement déterminé ; dans ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l’expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement.

Un nouveau délai court à compter de l’extinction de la convention de procédure participative aux fins de mise en état.
Lorsque l’instance a été interrompue par la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable, un nouveau délai court à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juge saisi de l’affaire.
NB : Une reprise d’instance même irrégulière interrompt la péremption de l’instance au visa de l’article 392 du Code de Procédure Civile

3°- Les conséquences de la reprise d’instance.

L’instance reprend son cours : « en l’état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue au visa de l’article 374 du Code de Procédure Civile ».
Les actes antérieurs conservent donc toute leur efficacité.

En appel, les ayants droits des appelants cités en reprise d’instance sont appelés à reprendre la procédure et disposent du même délai de trois mois pour conclure prévu par l’article 908 du Code de Procédure Civile.
NB : Le texte ne distingue pas entre l’appelant initial et ses héritiers. Elle constate à bon droit la caducité de la déclaration d’appel relevée d’office lorsqu’ils ne remettent pas leurs conclusions au greffe dans le délai de trois mois pour conclure au soutien de l’appel.

Si la partie citée en reprise forcée ne comparaît pas, il est procédé au visa de l’article 375 du Code de Procédure Civile comme il est dit à l’article 471 du Code de Procédure Civile.

Les règles applicables aux jugements rendus par défaut ou réputés contradictoires peuvent donc être mises en œuvre.

L’article 472 du Code de Procédure Civile précise que si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond au visa de l’article 472 du Code de Procédure Civile, si la demande est recevable et bien fondée.
NB : Les articles 471 et suivants du Code de Procédure Civile ne visent que la défaillance du défendeur.

Sources.

  • Articles 370 à 376 du Code de Procédure Civile
  • Articles 117 à 121 du Code de Procédure Civile
  • Articles 471 à 472 du Code de Procédure Civile
  • Article 532 du Code de Procédure Civile
  • Articles 665 et suivants du Code de Procédure Civile
  • Article 908 du Code de Procédure Civile.

Benoit Henry,
Avocat Spécialiste de la Procédure d’Appel
Barreau de Paris
http://www.reseau-recamier.fr/
bhenry chez recamier-avocats.com
Président du Réseau Récamier
Membre de Gemme-Médiation
https://www.facebook.com/ReseauRecamier/

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