Une rationalisation de la purge des nullités.

Par Simon Takoudju, Avocat et Célia Doerr, Juriste.

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Explorer : # purge des nullités # droits de la défense # recours juridictionnel effectif # code de procédure pénale

Le 28 Septembre 2023, le Conseil constitutionnel saisi d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), déclarait contraire à la Constitution le premier alinéa de l’article 385 du Code de procédure pénale (décision n°2023-1062). Cette décision pourrait constituer un tournant important en matière de procédure pénale.

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Condamné en 2020 par le Tribunal correctionnel de Paris pour détournement de fonds publics, Monsieur François Fillon interjetait appel de cette décision. La condamnation était confirmée deux ans plus tard par la cour d’appel.

En juin 2023, il soulevait une Question Prioritaire de Constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel à laquelle se joignait Monsieur Nicolas Sarkozy.

Pour rappel, la QPC permet à toute personne, partie à un procès ou à une instance, de contester une disposition législative si elle estime qu’elle est contraire aux droits et libertés garanties par la Constitution.

Les requérants contestaient la conformité de l’alinéa premier de l’article 385 du Code de procédure pénale à la Constitution.

L’article 385 dudit code dispose que

« Le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités des procédures qui lui sont soumises sauf lorsqu’il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction ».

L’article 179, alinéa 1er du Code de procédure pénale précise en effet que lorsque le juge d’instruction

« estime que les faits constituent un délit, il prononce, par ordonnance, le renvoi de l’affaire devant le tribunal correctionnel ».

L’alinéa 6 dispose alors que lorsqu’elle est devenue définitive, l’ordonnance de renvoi couvre, s’il en existe, les vices de la procédure.

Ainsi, lorsque l’instruction du dossier est terminée et que l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction est rendue, les parties ne peuvent plus soulever de vices de procédure. Ce système est plus communément appelé « purge des nullités ».

En effet, les parties peuvent soulever des nullités au cours de l’information judiciaire mais elles sont tenues de le faire avant l’ordonnance de clôture du juge d’instruction.

Cette ordonnance a pour effet de couvrir tous les vices de nullités antérieurs.

S’il est possible de soulever des moyens de nullité dont la partie a eu connaissance avant la clôture de l’instruction, le Conseil constitutionnel affirme qu’aucune exception à la purge des nullités n’est prévue, dans le cas où le prévenu n’a pu avoir connaissance de l’irrégularité éventuelle d’un acte ou d’un élément de la procédure qu’après l’ordonnance de clôture de l’instruction.

En l’espèce, Monsieur François Fillon, accompagné de son Conseil, soutenait avoir eu connaissance d’un motif d’annulation de la procédure après la fin de l’instruction.

Le Conseil constitutionnel, sans se prononcer sur le fond du litige, décidait d’abroger l’alinéa 1 de l’article 385 du Code de procédure pénale, le jugeant contraire à la Constitution.

Les Sages du Conseil constitutionnel estimaient que la disposition contestée méconnaissait « le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense ».

En effet, le droit à un recours juridictionnel effectif dans le respect des droits de la défense est consacré non seulement à l’échelle européenne, par l’article 13 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), qu’en droit interne, par l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC).

Cette décision est assortie d’un délai d’un an, autrement dit, l’alinéa 1 de l’article 385 du Code de procédure pénale ne sera abrogée qu’à partir du 1ᵉʳ octobre 2024. Les juges du Conseil constitutionnel ont assorti leur décision d’un délai d’un an en attendant l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi.

En outre, ils précisent qu’en attendant la nouvelle loi et l’abrogation de l’alinéa 1er de l’article 385 du Code de procédure pénale, l’inconstitutionnalité dudit alinéa peut être invoquée dans les instances en cours ou à venir à condition que «  la purge des nullités a été ou est opposée à un moyen de nullité qui n’a pu être connu avant la clôture de l’instruction  ».

Simon Takoudju, Avocat
Célia Doerr, Juriste
Barreau de Bordeaux
Canopia Avocats
mail : st chez canopia-avocats.com
site web : https://www.stakoudju-avocat.fr

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