L’article 10 faisait partie en 1993 avec l’article 9 du Traité [1], des articles dont la rédaction rendait l’interprétation difficile.
En 2001 à la demande de la République de Côte d’Ivoire, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage rendait l’Avis n°001/2001/EP du 30 avril 2001 dans lequel elle donnait son point de vue sur le sens des dispositions de l’article 10.
En 2008, lors de la révision du Traité, seul l’article 9 avait été modifié [2].
Le point de vue de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage n’étant pas contraignant, la question du sens de l’article 10 demeurait.
Selon l’article 10 du traité relatif à l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure.
Les actes uniformes sont applicables soit parce qu’ils ont une valeur juridique supérieure à celle des dispositions de droit internes, soit parce que les dispositions de droit internes ont été abrogées.
Ces deux hypothèses ne sont pas conciliables car les moyens utilisés pour permettre l’application des normes s’opposent. En effet, si l’on accorde aux actes uniformes une valeur juridique supérieure aux dispositions de droit interne, son application est assurée sans qu’il soit besoin d’abroger ces dispositions. De ce fait, l’abrogation des dispositions de droit interne est nécessaire pour l’application des actes uniformes que s’ils n’ont pas une valeur juridique supérieure à ces dispositions. L’on ne saurait parler d’une norme ayant une valeur juridique supérieure lorsque la norme contraire a été abrogée pour son application.
La possibilité pour des normes internationales d’abroger des normes internes n’a pas été consacrée par les constitutions des Etats parties, seule la valeur juridique supérieure des normes internationales l’a été [3]. Par conséquent, s’il faut choisir entre la valeur juridique supérieure des actes uniformes et l’abrogation des dispositions internes, nous choisirons la supériorité des actes uniformes.
Lorsque l’article 10 dispose que les actes uniformes sont directement applicables dans les Etats parties, cela signifie que leur application n’est pas conditionnée à l’abrogation par les Etats Parties des dispositions de leur droit internes. Dire que les dispositions contraires de droit interne demeurent applicables et qu’elles ne peuvent empêcher l’application des actes uniformes revient à dire que les actes uniformes ont une valeur juridique supérieure à ces dispositions. L’application des actes uniformes est assurée par leur valeur juridique.
Étonnamment, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage soutient que les actes uniformes ont une valeur juridique supérieure aux dispositions de droit interne et que ces dispositions sont abrogées [4].
Les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure. Pour qu’un conflit entre les dispositions contraires de droit interne adoptées postérieurement à la date d’entrée en vigueur des actes uniformes puisse exister, il faut d’une part que les dispositions internes contraires puissent être adoptées et d’autre part, qu’elles soient applicables. Par conséquent, les Etats peuvent conserver mais aussi faire évoluer leur droit interne ce qui est incompatible avec l’affirmation de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage selon laquelle l’article 10 contient une règle relative à l’abrogation du droit interne par les actes uniformes.
Les actes uniformes ont une valeur juridique supérieure à celle des dispositions de droit internes mais, de quelles dispositions s’agit-il ?
L’application des actes uniformes ne peut être empêchée par les dispositions internes.
L’absence de distinction entre ces dispositions fait que cela vaut aussi pour les dispositions constitutionnelles. Les constitutions des Etats parties ne reconnaissent cependant pas aux traités une valeur supra-constitutionnelle [5]. Il se pose dès lors la question de savoir si un texte de loi peut conférer à un autre, une valeur supérieure à celle qui lui a été attribuée.
A cette question, l’on ne peut répondre que par la négative. Le texte de loi qui confère la valeur juridique, a une valeur juridique supérieure à celui qui le reçoit. Conformément à ce principe, un texte de loi ne peut pas conférer à un autre, une valeur juridique supérieure ou égale à celle qui lui a été attribuée. Il ne peut tout au plus accorder qu’une valeur supérieure aux textes de loi qui lui sont inférieurs.
Le traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ne peut pas du fait de sa valeur juridique infra-constitutionnelle conférer aux actes uniformes une valeur supérieure à celle qui lui a été attribuée par les constitutions des Etats parties. Dès lors, les actes uniformes n’ont pas dans les Etats parties une valeur supra-constitutionnelle.
Les dispositions constitutionnelles des Etats parties au traité relatif au droit des affaires en Afrique empêchant l’application de l’article 10 de ce traité, la valeur juridique des actes uniformes doit être recherchée dans les constitutions de ces Etats.
Les constitutions des Etats parties au traité relatif au droit des affaires en Afrique reconnaissent aux traités une valeur infra-constitutionnelle mais supra-législative. La valeur juridique des actes uniformes dépendant de la valeur juridique du traité, les actes uniformes ont comme ce traité une valeur infra constitutionnelle mais supra législative. C’est d’ailleurs, cette valeur juridique que la République de Côte d’Ivoire reconnaît aux actes uniformes [6].
La valeur juridique supra législative des actes uniformes leur permet de s’appliquer au détriment des dispositions contraires de droit interne. Cela étant, demeurent applicables les dispositions non contraires de droit interne. Ce principe a plusieurs fois été repris par les actes uniformes, c’est notamment le cas dans l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général lorsqu’il dispose en son article premier que les commerçants de même que les entreprenants demeurent soumis aux lois non contraires, qui sont applicables dans l’Etat partie où se situe son établissement ou son siège social.
De notre analyse des dispositions de l’article 10 du traité, l’on peut retenir que les actes uniformes n’ont pas besoin pour être appliqués que les dispositions contraires de droit internes soient abrogées par les Etats Parties. Ceux-ci peuvent conserver leur droit interne et le faire évoluer, l’application des actes uniformes étant assurée par leur valeur juridique supra-législative.
Discussion en cours :
Bonjour M. Je suis bindé anoh-blé Alain Charles, étudiant de droit (licence3) en côte d’ivoire plus précisément à l’université nord-sud de vridi. veuillez recevoir mes plus sincères salutations. Alors ma préoccupation ici est que nous voyons clairement dans l’explication que vous aviez donné à l’article 10 de l’acte uniforme, une explication sur l’application directe des actes uniformes dans les états parties. cependant après lecture du sens de l’acte je constate qu’une explication n’a pas été donnée sur le caractère obligatoire de l’acte uniforme dans les états parties. Ceci dire en quoi est-ce-que les actes uniformes sont obligatoires aux Etats-parties ? j’espère recevoir une réponse favorable à cette interrogation.merci bien