Le Code monétaire et financier prévoit en son article L. 621-15 qu’une peine d’amende maximale d’un montant de 100 millions d’euros peut être prononcée par la commission des sanctions de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) dans les cas avérés d’abus de marché.
Si cette disposition du code en matière de lutte contre la délinquance financière semble normal et justifiée pour une majorité, et cela au regard de la protection des investisseurs et du bon fonctionnement du marché, cela n’a pas, il semble que d’autres ne soient pas forcément convaincus par le dispositif au point de le remettre en cause au titre de sa potentielle inconstitutionnalité.
C’est en effet la disposition citée supra qui a fait l’objet de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) auxquelles le Conseil constitutionnel vient de répondre.
Il est à noter que les questions portaient sur une version du texte antérieure à la dernière modification apportée à celui-ci par la loi Sapin du 9 décembre 2016. Toutefois, et cela a son importance, la dernière modification du texte ne remet en aucun en cause la réponse du Conseil qui a précisé : « les abus de marché sanctionnés par l’AMF sont suffisamment définis par le législateur pour ne pas heurter le principe de légalité des délits et des peines. Et la sanction pécuniaire de 100 millions d’euros qui leur est applicable n’est pas disproportionnée ».
A l’origine de cette réponse claire et ne laissant place à aucun doute, deux QPC donc, par lesquelles il a été posé au Conseil constitutionnel les questions suivantes :
« la définition des manquements susceptibles de sanction, est-elle imprécise, et par conséquent, doit-elle être annulée sur le fondement du non-respect du principe constitutionnel de légalité des délits et des peines ? ».
« l’article L 621-15 méconnait il le principe de proportionnalité des peines en sanctionnant les manquements constitutifs d’un abus de marché, d’une sanction pécuniaire maximale de 100 millions d’euros ? ».
C’est par la négative qu’a répondu le Conseil, et cela en trois fondements relatifs à la première question :
il ressort des travaux parlementaires qu’en sanctionnant tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché, le législateur a entendu uniquement réprimer des manquements à des obligations définies par des dispositions législatives ou réglementaires ou par des règles professionnelles ;
les dispositions contestées sanctionnant les manquements aux obligations édictées afin de protéger les investisseurs sur les marchés financiers et assurer le bon fonctionnement de ceux-ci, les personnes soumises à ces obligations le sont en raison de leur intervention sur ces marchés ;
en tout état de cause, le fait pour le législateur de prévoir une sanction administrative réprimant des manquements définis par le pouvoir réglementaire n’est pas contraire au principe de légalité des délits et des peines.
Il a précisé que le principe de légalité des délits et des peines s’applique de manière générale aux sanctions ayant le caractère d’une punition, ce qui est le cas des sanctions prononcées par l’AMF. Dès lors, le Conseil a considéré que la définition des manquements réprimés est précise et ne soulève aucune ambiguïté.
A la seconde question, le Conseil a fondé sa décision en rappelant qu’il est en charge de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre le manquement et la peine encourue.
Ainsi, il a considéré qu’une sanction visant à protéger l’ordre public économique ne peut être considérée comme étant disproportionnée dès lors qu’il est naturellement nécessaire que celle-ci soit dissuasive afin d’avoir une action préventive en premier lieu.
Les fondements invoqués à l’appui de sa réponse à la deuxième question sont intéressant et mettent en exergue le fait qu’il s’agit en l’espèce d’un sujet brulant car si le Conseil constitutionnel exerce normalement son contrôle sur la proportion entre le manquement et la sanction, il apparait qu’en l’espèce il soit allé au-delà de son champ d’appréciation habituel en prenant en considération les intérêts que le législateur a voulu sauvegarder, à savoir la préservation de l’ordre public économique et cela dans le cadre d’une société de plus en plus guidée et influencée par les évènements ayant cours sur les marchés financiers.