Il est à noter que la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie a proposé plusieurs offres de prêt mais il s’agit d’un prêt immobilier libellé en francs suisses et remboursable soit en euros soit en CHF.
Ce prêt en devise est généralement à taux variable pour un montant révisable avec une indexation sur le franc suisse à trois mois, et ce prêt est destiné au financement de l’acquisition d’un appartement de résidence principale des emprunteurs.
Un risque de change peut peser sur l’emprunteur, dans la mesure où il expose à un risque d’augmentation de deux composantes essentielles du crédit, celle du taux et du capital.
La dette ayant augmenté au cours du temps l’emprunteur doit souvent rembourser une somme quasi analogue à la somme empruntée, cela malgré de nombreuses années d’amortissement.
Dans la mesure où l’amortissement réel ne se fait pas mécaniquement en fonction des versements opérés, un risque de change est suspecté.
L’emprunteur doit faire reconnaitre l’existence du risque de change.
Si l’emprunt en devises étrangères est réservé aux emprunteurs percevant leur revenu en francs suisses, il n’en demeure pas moins que ce dernier peut être reconnu comme abusif.
Il sera ici rappelé la prééminence du droit européen et la notion de consommateur européen, au sens de la directive 93/13.
Les travailleurs frontaliers sont naturellement des consommateurs au sens du droit de l’Union européenne et doivent en conséquence être informés, de manière suffisante et exacte, sur les risques de perte de change auxquels ils sont exposés en souscrivant un crédit immobilier en francs suisses (CJUE, 21 septembre 2023, AM et PM c/ mBank S.A., aff. C 139/22).
Dans un premier cas datant de 2018 - Cour de cassation (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 septembre 2018, 17-17.650) (prêt en CHF, remboursable en euros), qui concerne des emprunteurs percevant tout ou partie de leur revenu en francs suisses, un des deux coemprunteurs travaillant pour une banque, la banque est pourtant condamnée.
Deux principes soutiennent cette condamnation :
- le banquier doit mettre en garde l’emprunteur non averti contre les risques inhérents aux prêts à taux variable non « capé » indexés sur une devise étrangère, sans pouvoir se contenter de la seule remise d’une notice d’information ;
- le juge est tenu de rechercher si une clause conclue entre un professionnel et un consommateur n’est pas abusive en ce qu’elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Dans un second cas - Cour d’appel Nîmes 2023 (CA Nîmes 23 mars 2023 RG N°21/03684) (prêt en CHF, remboursable en CHF), la banque est « blanchie » (après une condamnation en première instance) dans la mesure où la Cour d’appel considère cette fois que la clause de remboursement est valable et parfaitement claire, la banque n’ayant d’après la cour commis aucun manquement à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde.
La Cour d’Appel de Nîmes considère dans cette espèce qu’il n’existait pas de risque de change au moment de la conclusion du contrat.
Cette conception semble peu compatible à ce jour avec le droit européen.
Dans un troisième cas datant de janvier 2024 - Cour d’appel de Lyon (Cour d’appel de Lyon 31 Janvier 2024, 1er chambre A, RG 20/7057) (prêts en CHF, remboursables en CHF), la banque est cette fois condamnée.
Les contrats de prêts Crédit agricole prévoyaient un taux variable, renvoyant pour le taux de référence au taux CHF à 3 mois mais l’offre ne permettait pas de déterminer avec précision le taux de référence utilisé.
La cour d’appel a considéré que l’ensemble contractuel de la stipulation d’intérêt n’était pas clair et compréhensible et qu’il créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, dans la mesure où il ne permettait pas à l’emprunteur de connaître le taux de révision appliqué à l’intérêt conventionnel de son prêt.
La sanction retenue a été la substitution du taux conventionnel par le taux légal, ce qui constitue une alternative intéressante pour l’emprunteur.
Dans un dernier cas de mars 2024 (Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 mars 2024 22-24812) (prêts en CHF, remboursables en CHF), la Cour de cassation donne raisons aux emprunteurs et casse un arrêt de la Cour d’appel de Chambéry qui déboutait les emprunteurs sur leur demande d’examen de la clause de remboursement, tendant à la faire déclarer abusive.
La Cour de cassation considère notamment qu’une opération de change était nécessairement réalisée, et que le contrat ne contenait aucun avertissement sur les risques encourus.
La cour d’appel qui ne recherche pas d’office, si le risque de change ne pèse pas exclusivement sur les emprunteurs et si, en conséquence, la clause de remboursement n’a pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment des consommateurs ne fait pas une correcte application des textes.
Par conséquent, les possibilités offertes aux usagers bancaires de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie sont réelles pour contester leurs prêts en devise et solliciter la nullité voire désormais la déchéance du droit aux intérêts contractuels.