L’importance de la preuve de l’existence du contrat de cession de créance.

Par Florian Desbos, Avocat.

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Explorer : # preuve de contrat # cession de créance # droit civil # contentieux juridique

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Le contrat de cession de créances permet à une partie de transférer sa créance à une autre, sous certaines conditions de formalisme. Une cour d’appel a annulé des actions d'un organisme de recouvrement en raison de preuves insuffisantes concernant la cession, soulignant l'importance du droit à une preuve solide.
Description rédigée par l'IA du Village

Le droit de la preuve ne doit jamais être négligé. Certains créanciers institutionnels tentent parfois de l’écarter, notamment dans le cadre des contrats de cession de créances (voir par exemple : l’impossibilité d’Eos France de prouver l’existence de sa créance obtenue suite à cession (Cour d’appel de Lyon, 6ᵉ chambre, 2 décembre 2021, n° 20/01922 [1]).

La Cour d’appel de Versailles, dans son arrêt du 6 mars 2025, RG 24/03284 en fait une exacte application en rejetant la demande du créancier cédant, celui-ci n’apportant pas d’éléments suffisants susceptibles de justifier de la réalité de la cession de créances.

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Qu’est-ce qu’un contrat de cession de créances ?

Les contrats de cessions de créances sont régis par les articles 1321 et suivants du Code civil.

Il s’agit d’un contrat par lequel une partie cède sa créance à une autre partie, habituellement en contrepartie d’une rémunération.

Les banques utilisent souvent ce procédé dans le but de diminuer leur portefeuille de créances douteuses.

Le contrat de cession de créances est soumis à un certain formalisme : la cession de créance doit être constatée par écrit, à peine de nullité (article 1322 du Code civil).

Par ailleurs la cession de créance n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte (article 1323 du Code civil).

Quelles sont les règles régissant la preuve des contrats de cession de créance ?

Un contrat de cession de créance est un acte juridique.

La preuve est par conséquent régie par l’article 1359 du Code civil qui dispose que

« L’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privé ou authentique. Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique, même si la somme ou la valeur n’excède pas ce montant, que par un autre écrit sous signature privé ou authentique. Celui dont la créance excède le seuil mentionné au premier alinéa ne peut pas être dispensé de la preuve par écrit en restreignant sa demande. Il en est de même de celui dont la demande, même inférieure à ce montant, porte sur le solde ou sur une partie d’une créance supérieure à ce montant ».

Le créancier doit donc en principe produire le contrat de cession de créances.

Dans le cadre d’un contentieux les originaux des écrits sont très rarement produits, seule une copie étant présentée.

La question de la fiabilité de la copie se pose.

En la matière l’article 1379 du Code civil précise :

« la copie fiable a la même force probante que l’original. La fiabilité est laissée à l’appréciation du juge. Néanmoins est réputée fiable la copie exécutoire ou authentique d’un écrit authentique. Est présumée fiable jusqu’à preuve contraire toute copie résultant d’une reproduction à l’identique de la forme et du contenu de l’acte, dont l’intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Si l’original subsiste sa présentation peut toujours être exigée ».

Quels étaient les faits du dossier ?

Un organisme de recouvrement avait mis en place plusieurs voies d’exécution, se prévalant d’une prétendue créance achetée auprès d’une banque et arrêtée à près de 300 000 €.

Cette créance était contestée. En première instance il a été demandé à cet organisme de fournir la preuve du contrat de cession de créance.

Or celui-ci a produit un contrat cadre, la liste des créances cédées étant censée être annexée à ce contrat.

Après injonction le créancier a produit une copie de l’annexe sans qu’il soit possible de faire le lien entre l’annexe et le contrat principal.

Il lui a par ailleurs été demandé, tant en première instance qu’en appel, de produire l’original de l’acte, mais il n’a pas été déféré à cette injonction.

Consciente de la faiblesse de la preuve apportée l’organisme de recouvrement a produit une attestation de la banque cédante censée justifier de la réalité de la cession de créance.

Comment la Cour d’appel a statué ?

Tant en première instance qu’en appel il a été procédé à une analyse précise des preuves produites. Aucune mention dans les documents ne permettait de faire le lien entre le contrat principal et ses annexes.

Ce point a été ainsi soulevé, la preuve produite étant manifestement insuffisante.

La Cour d’appel de Versailles a suivi cette argumentation, indiquant « en l’état, rien ne permet d’affirmer que les informations, manifestement extraites d’une annexe et ainsi rassemblées pour constituer la pièce 8, se rattachent au contrat du 30 juin 2021 versé séparément. En outre, alors que le contrat prévoit au point 1.3 que chaque créance cédée est identifiée dans l’annexe notamment par sa valeur faciale, aucun intitulé des colonnes du tableau ci-dessus décrit ne prévoit l’annonce de la valeur faciale des créances censées être mentionnées à la suite ».

Concernant l’attestation de la banque censée justifier de la réalité de la cession de créance la cour d’appel a indiqué « en revanche, la pièce 14 de la société X, portant attestation de la société Y de ce qu’elle aurait bien cédé les créances qu’elle détenait contre M M et Mme B, qui s’apparente à une preuve faite à soi-même, ne peut être tenue comme probante eu égard à la teneur de la contestation qui ne porte pas sur l’identification de créances cédées mais sur la présence de ces créances dûment identifiées sur l’annexe 1 telle qu’elle se rapporte à l’acte de cession du 30 juin 2021 ».

La Cour d’appel a fait ainsi application du principe « Nul ne peut se constituer de preuve à soit même ».

Enfin le créancier tentait de se prévaloir du règlement général sur la protection des données, faisant selon lui obstacle à la communication du contrat.

Il s’agit aussi d’un argument souvent invoqué.

Néanmoins le RGPD indique, dans son préambule :

« Le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu. Il doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité (…) ».
Le RGPD ne prévaut pas sur le droit de la preuve. Là encore la Cour d’appel de Versailles a suivi cette argumentation, précisant que « la confidentialité n’est pas opposable à la juridiction appelée à trancher une contestation portant sur la preuve de l’acte alléguée »
.

Cet arrêt rappelle une fois de plus que le droit de la preuve est souvent déterminant dans un procès et est l’un des piliers du droit à un procès équitable.

La Cour d’appel en a fait une exacte application en annulant l’ensemble des voies d’exécution diligentées par l’organisme de recouvrement.

Florian Desbos
Avocat au Barreau de Lyon
www.avocats-desbosbarou.fr

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