Très peu connue des justiciables, la responsabilité de l’Etat du fait de la lenteur de ses juridictions notamment administratives pour dysfonctionnement du service public de la justice existe bel et bien.
En effet le Conseil d’Etat a eu l’occasion d’affirmer que « les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable » [1].
L’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 stipule que :
« toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».
Selon la Cour européenne des droits de l’Homme, chaque Etat membre doit veiller :
« à ce que la justice ne soit pas rendue avec des retards propres à en compromettre l’efficacité et la crédibilité » [2].
A ce titre, la Cour européenne des droits de l’Homme fait valoir que :
« il incombe aux États contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que les juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à des droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable » [3].
Dès lors, il convient de souligner à cet égard que la Cour européenne des droits de l’Homme ne retient pas les justifications des États lorsqu’elles s’appuient sur des difficultés structurelles internes : complexité de l’organisation juridictionnelle, la surcharge de travail, le manque de magistrats, le sous-équipement, le manque de moyens budgétaires [4].
Quels critères d’appréciation ?
Par une décision Magiera [5], Publié au recueil Lebon, fondatrice en la matière, le Conseil d’Etat a repris les critères dégagés par la jurisprudence européenne.
Ainsi, l’appréciation du caractère raisonnable de la durée de la procédure se fonde sur les éléments suivants :
- Les circonstances de l’affaire, étant pris en compte la complexité de l’affaire ;
- Le comportement de la requérante ou du requérant ;
- Le comportement des autorités compétentes.
Quelle réparation ?
L’action en responsabilité précédemment décrite permet la réparation de l’ensemble des dommages matériels et/ou moraux, directs et certains trouvant leur origine dans le délai déraisonnable de la procédure. Il s’agit en outre de préjudices qui n’ont pu être réparés dans le cadre du litige principal.
Notons que s’il existe une présomption de préjudice moral [6], il n’est pas automatiquement reconnu.
Il appartient dès lors au requérant d’apporter l’ensemble des éléments permettant de justifier de ses préjudices pour favoriser ses chances de réparation.
Comment agir ?
En vertu de l’article R311-1 du Code de justice administrative, le Conseil d’Etat est compétent en premier et dernier ressort pour connaître « des actions en responsabilité dirigées contre l’Etat pour durée excessive de la procédure devant la juridiction administrative » [7].
Dans cette hypothèse, les avocats aux conseils [8], seuls compétents pour porter l’action susmentionnée, seront les interlocuteurs privilégiés des justiciables.
Soulignons que l’aide juridictionnelle peut être sollicitée auprès du bureau d’aide juridictionnelle du Conseil d’Etat [9].