Le droit au bonheur n’est ni un mythe ni une utopie. C’est un droit mixte relevant tant du droit public que du droit privé que toute personne peut faire valoir devant une juridiction de droit public ou de droit privé de son pays. Ce droit trouve son fondement dans plusieurs instruments régionaux ou internationaux, notamment la Charte des Nations Unies [1], la DUDH [2], le PIDCP [3], le PIDESC [4], la CESDHLF [5], la Charte de Genève des Nations Unies sur le logement durable [6], la Charte sociale européenne (ratifiée par 27 pays européens) [7], la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) [8], la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme de 1948 (préambule, 1er paragraphe).
Les États signataires ou ayant ratifié la Déclaration de 1992 de Rio sur l’environnement et le développement [9], de même que la Déclaration du 4 décembre 1986 des Nations Unies sur le droit au développement, se sont aussi, implicitement, engagés à garantir le droit au bonheur, sur le fondement des composantes du droit au développement. Ils ont pris ainsi l’engagement de garantir : 1) la quête incessante du bien-être collectif et individuel, qui suppose la quête du bonheur ; 2) la répartition équitable des richesses en leur sein, pour permettre à toutes et à tous d’en bénéficier dans les meilleures conditions possibles ; 3) la participation libre, active et significative du public aux affaires qui le concernent ; 4) les libertés et droits fondamentaux nécessaires à l’épanouissement de la personne humaine.
Ce droit peut être revendiqué en France [10], comme dans tout autre État de droit, sur le fondement tant de la législation nationale que des instruments régionaux ou internationaux des droits de la personne. Tous les pays s’y obligent par leurs textes constitutionnels ou fondamentaux, même si certains le garantissent mieux que d’autres. Certains le constitutionnalisent, explicitement, à l’instar de la France, des États-Unis d’Amérique, du Bhoutan [11], du Brésil [12], du Japon (Const.- art. 13), de la Corée du Sud (Const. - art.10) et autre.
D’autres fondamentalisent en utilisant les termes équivalents de droit au bien-être (Const. suédoise - chap. 1er, art. 1er), de droit au bien-être maximum (Constitution de l’Ouzbékistan - art. 14 et 20), de droit au développement, de droit au libre développement de sa personnalité (Constitution du Gabon - art. 1er), de droit à l’épanouissement intégral ou total ou au plein épanouissement [13], à l’exemple de l’Indonésie (Const. - préambule et art. 33.3), de l’Irlande (Const.- art. 45 (1)), de la République populaire de Chine (Const. - art. 42**) et du Vietnam (Const. - art. 16). Il y en a aussi qui garantissent le droit au bonheur en offrant de larges possibilités à tout citoyen ou à toute citoyenne de participer aux affaires publiques ou d’influer sur les décisions les concernant personnellement, à l’instar des pays nordiques et de la Suisse.
Le droit au bonheur est consacré par quasiment toutes les Constitutions ou Lois fondamentales nationales, soit explicitement ou implicitement (notamment en posant les conditions déterminantes du bonheur ou qui garantissent le droit au bonheur, sans relater le terme de bonheur ou de droit au bonheur). Le bonheur étant le résultat de plusieurs objectifs ou buts, la plupart de ces textes fondamentalisent justement ces objectifs ou buts qui permettent de le réaliser sans le relater. Le droit constitutionnel n’étant pas d’interprétation stricte, il appartient ainsi aux femmes et hommes de lois et aux philosophes du droit de remonter à la terminologie, à l’exégèse et à la finalité de certaines normes constitutionnelles, pour pouvoir y identifier les équivalents terminologiques et les dispositions implicites du droit au bonheur.
Pour accomplir son rêve de bonheur, tout individu humain doit nécessairement faire ce qui dépend de lui. C’est un impératif. Cependant, l’accomplissement de ce rêve dépend en grande partie de l’État ou de l’autorité publique. L’État ne peut pas procurer le bonheur, mais lui seul peut créer ou garantir les conditions et moyens fondamentaux nécessaires au bonheur collectif et individuel. Le bonheur est impossible en l’absence d’un bon gouvernement pour en garantir les moyens ou les conditions de base qui le déterminent ou le favorisent, pour paraphraser Félicien Lemaire [14] et Thomas Jefferson [15].
Si l’État ne rend pas le territoire, l’environnement, les espaces et les personnes qui y vivent propices au bonheur, il est impossible pour un individu humain d’avoir durablement le bonheur. Si l’État n’intervenait pas dans l’éducation des citoyennes et citoyens pour les rendre suffisamment cultivés, civilisés, humains, réceptifs du bonheur, compréhensifs, susceptibles de contribuer au bonheur d’autrui et de réagir positivement aux signes de bonheur, ç’aurait été un rêve impossible, pour paraphraser Nicolas Condorcet [16] et Laurent Pendarias [17]. Il en serait de même si l’État ne garantissait pas à chacun les droits, les libertés, les sentiments de paix, de sécurité, de sûreté, de confiance, de justice…, des services publics satisfaisants et les possibilités de jouissance heureuse des biens matériels et immatériels.
Toute personne dont le malheur ou la violation du droit au bonheur est imputable à l’État peut d’ailleurs intenter une action en responsabilité de l’État, soit du fait des lois, de l’absence de lois, du fait des institutions et services publics ou autre, sur le fondement de son droit au bonheur. Toute personne dont le droit au bonheur est violé ou menacé peut exercer un recours en réparation des préjudices liés à son bonheur ou en prévention des risques en rapport avec son bonheur. L’État s’oblige également de diverses façons, explicitement ou implicitement, à garantir le bonheur collectif et individuel.
Le fait pour lui de ne pas honorer cette obligation peut engager sa responsabilité de diverses manières. L’État garantit également le droit au bonheur, en créant des moyens pour des victimes d’obtenir réparation pour des préjudices de jouissance, d’affection et de plein d’autres en rapport avec le bonheur.
L’auteur de cet article a écrit sur cette thématique l’ouvrage "L’obligation étatique de bonheur".