Recours devant la DREETS et prorogation du mandat des élus au CSE.

Par Maximilien Bouchard, Juriste.

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Explorer : # prorogation des mandats # négociation syndicale # saisine de la dreets # Élections professionnelles

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Cet article traite de la question de l'incidence d'un recours devant la Directeur de la Direction Régionale de l'Économie, de l'Emploi, du Travail et des Solidarités (DREETS) sur la prorogation du mandat des élus au CSE. La Cour de cassation confirme que la saisine de l'administration entraîne la prorogation des mandats en cours, indépendamment de la décision de l'administration.
Description rédigée par l'IA du Village

Dans un arrêt du 8 novembre 2023 (Cass. soc., 8 nov. 2023, n° 22-22.524) la chambre sociale de la Cour de cassation répond à une question inédite en ce qui concerne le devenir des mandats en cours en cas d’échec des négociations du protocole d’accord préélectoral suivi d’une saisine de l’Administration.

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En l’espèce, un employeur procède à l’invitation des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, des syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel, et des syndicats qui ont constitué une section syndicale au sein de l’entreprise, pour négocier le Protocole d’Accord Préélectoral (PAP) en vue des élections professionnelles. À l’issue des négociations, seulement deux des sept organisations syndicales participantes aux négociations ont signé le protocole.

En droit, le PAP est soumis à une condition de double majorité, il doit être signé par la majorité des organisations syndicales participantes à la négociation et être signé par les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles [1].

Confrontée à l’échec des négociations du PAP, la société saisit le Directeur de la Direction Régionale de l’Économie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DREETS).

En effet, la loi indique qu’en cas d’échec des négociations, la DREETS est compétente pour répartir les sièges entre les différentes catégories de personnel et répartir le personnel entre les différents collèges électoraux. [2].

Cette saisine de la DREETS est obligatoire pour l’employeur qui fait face à l’échec des négociations du PAP. [3].

En l’espèce, la DREETS refuse de statuer sur la demande de répartition des sièges, estimant que l’employeur n’avait pas procédé à une tentative loyale de négociation du PAP, l’administration renvoie l’employeur à une nouvelle négociation.

L’administration applique les exigences de la jurisprudence qui oblige les employeurs à négocier de bonne foi avec les organisations syndicales, en imposant aux employeurs à ce que la saisine de l’administration soit précédée d’une tentative loyale de négociation. [4].

En réaction, l’employeur saisit le tribunal judiciaire afin d’obtenir l’annulation de l’ordonnance de la DREETS.

Le législateur a créé un bloc de compétence en faveur du juge judiciaire en cas de recours contre la décision de l’administration [5]

Le tribunal judiciaire constate, à l’occasion de cette saisine, la prorogation des mandats des élus au CSE (Comité social et économique) jusqu’à la date du prochain scrutin conformément à la lettre de l’article L2314-13 du Code du travail. En d’autres termes, le juge judiciaire considère que la durée des mandats en cours au sein du CSE pourra dépasser leur durée maximale [6] jusqu’à ce que l’employeur procède à la proclamation des résultats du scrutin de l’élection professionnelle qui sera organisée à l’issue de cette procédure.

Le juge estime de facto que la prorogation légale des mandats en cours prévue en cas de saisine de l’administration [7] est valable même si l’administration a refusé de statuer sur la demande de l’employeur.

L’employeur se pourvoit en cassation, il fait grief au jugement d’avoir constaté la prorogation des mandats des élus au CSE d’établissement.

Le droit identifie une série d’hypothèses permettant exceptionnellement de proroger la durée des mandats en cours.

Une prorogation exceptionnellement reconnue. La loi permet aux partenaires sociaux de proroger les mandats en cours en cas de transfert d’entreprise, pour aligner les cycles électoraux au sein d’une entreprise [8], ou bien comme dans le cas d’espèce, lorsque l’employeur a procédé à la saisine de la DREETS pour obtenir la répartition des salariés et des sièges entre les collèges électoraux, l’article L2314-13 dispose ainsi que :

« la saisine de l’autorité administrative [...] entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu’à la proclamation des résultats du scrutin » [9].

Par ailleurs, la jurisprudence reconnaît aux partenaires sociaux la faculté de prorogation des mandats en cours sous réserve d’un accord collectif unanime, c’est-à-dire à la seule condition que l’accord ait été conclu par l’ensemble des organisations syndicales représentatives de l’entreprise et par l’employeur. [10].

À l’occasion de ce pourvoi, la Cour de cassation doit répondre à une question inédite :

Est-ce que les mandats en cours doivent être prorogés lorsque l’administration a refusé de statuer sur la demande de répartition des salariés et des sièges entre les collèges électoraux ?

D’après l’employeur, la disposition relative à la prorogation de la durée du mandat en cas de saisine de la DREETS n’a pas lieu d’être appliquée du fait du refus de l’administration de statuer, dès lors l’article L2314-13 alinéa 4 est inapplicable pour constater la prorogation. L’employeur considère alors, qu’à défaut d’accord unanime relatif à la prorogation de la durée des mandats, il ne revenait pas au juge judiciaire de constater la prorogation des mandats en cours.

La seule saisine de l’administration produit l’effet de la prorogation des mandats en cours. La Cour de cassation rejette le pourvoi. Les conseillers de la Cour suprême retiennent une interprétation stricte de la lettre de l’article L2314-13, constatant que la prorogation des mandats n’est conditionnée qu’à la seule saisine de l’administration, indifféremment du refus de statuer de cette dernière administration. La saisine emporte prorogation des mandats, indifféremment de la décision de l’administration.

La garantie de l’effectivité du principe de participation des travailleurs. La Cour de cassation précise toutefois que seuls les mandats en cours avant la saisine de l’administration peuvent bénéficier de cette prorogation. Cette solution garantit la continuité de la représentation collective dans l’entreprise, assurant par la même l’effectivité du principe constitutionnel de participation des travailleurs issue de l’alinéa 8 du préambule de la constitution de 1946.

En conclusion, dès la saisine de l’administration, les mandats en cours se trouvent prorogés tout au long de la procédure et jusqu’à la proclamation des résultats, et cela même si l’administration refuse de statuer sur la demande formulée par l’employeur. Seul inconvénient, les salariés se retrouvent face à une représentation collective figée du fait de cette procédure, et ceci malgré les fluctuations que connaît l’entreprise et sa communauté de travail, la « dictature du cycle électoral » [11] croît au gré des aléas des négociations infructueuses.

Que retenir : La saisine de la DREETS en cas d’échec de la négociation du PAP entraîne automatiquement la prorogation des mandats en cours jusqu’à la proclamation des résultats des élections professionnelles suivantes, ceci même si l’administration s’estime incompétente à statuer.

Maximilien Bouchard
Juriste en droit social

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Notes de l'article:

[1C. trav., art. L2314-6.

[2C. trav., art. L2314-13, 3e al.

[3Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-26.522.

[4Cass. soc., 12 juillet 2022, n° 21-11.420.

[5C. trav., art. L2314-13, al. der.

[6Qui est limitée à 4 ans conformément à l’article L2314-33.

[7C. trav., art. L2314-13, al. 3.

[8C. trav., art. 2314-35.

[9C. trav., art. L2314-13, al. 4.

[10Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 05-60.331 F-PB ; Cass. soc., 26 juin 2013, n° 12-60.246 FS-PB.

[11E. Jeansen et Y. Pagnerre, JCP S 2014, 1121.

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