Droit de l’urbanisme : la reconstruction à l’identique, pourquoi et comment ?

Par Mélanie Laplace, Avocat.

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Explorer : # urbanisme # législation # autorisation

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette procédure ne permet pas de reconstruire sans autorisation sous prétexte que la construction est identique à une précédente à démolir ou démolie.
Mais alors à quoi sert-elle ?
Elle peut s’avérer très utile dans des cas particuliers mais ne dispense pas d’obtenir une autorisation.

-

A) Les conditions de la reconstruction à l’identique.

L’article L111-15 du code de l’urbanisme [1] dispose que :

« Lorsqu’un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l’identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d’urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement ».

Les dispositions de cet article parlent d’elles-mêmes puisque toutes les conditions y sont présentées.

Pour être reconstruit à l’identique :
1. le bâtiment doit avoir été démoli depuis moins de 10 ans ;
2. la construction démolie doit avoir été régulièrement édifiée ;
3. la construction doit être strictement identique ;
4. la possibilité d’une reconstruction à l’identique ne doit pas être exclue par le PLU ou la carte communale.

Il existait sous l’empire du droit antérieur une condition relative à la destruction par sinistre. Celle-ci a été supprimée par la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 [2].

1. Le bâtiment doit avoir été démoli depuis moins de 10 ans.

C’est une nouvelle condition qui apparaît avec la loi n°2009-526 du 12 mai 2009.

2. La condition tenant à la régularité de la construction initiale.

De manière générale,

« une construction est considérée légale si d’une part, elle a été construite avant la loi du 15 juin 1943 relative au permis de construire ou conformément à une législation applicable à l’époque de la construction ou conformément au permis de construire accordé. C’est au pétitionnaire d’apporter la preuve de l’existence légale de cette construction » [3].

En matière de permis de construire, il a été considéré qu’est régulièrement édifié … :
- le bâtiment édifié avant l’entrée en vigueur de la loi susvisée du 15 juin 1943, à une date à laquelle le droit de construire n’était pas subordonné à l’obtention d’une autorisation [4] ;
- un bâtiment autorisé par un permis de construire [5].

… et qu’en revanche, n’est pas régulièrement édifié :
- un bâtiment construit sans autorisation ou en méconnaissance de celle-ci [6] ;
- un bâtiment édifié sur le fondement d’une autorisation annulée par le juge administratif ou retiré par l’administration [7].

A savoir que la charge de la preuve de la régularité incombe au pétitionnaire [8].

Le Conseil d’Etat est venu préciser que le législateur

« qui n’était pas tenu de réserver la situation du pétitionnaire de bonne foi ayant acquis un bien irrégulièrement édifié ou se trouvant dans l’impossibilité d’apporter la preuve de la régularité de la construction initiale, n’a pas porté d’atteinte disproportionnée à l’exercice du droit de propriété protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » [9].

3. La construction doit être strictement identique.

La jurisprudence considère que les termes de reconstruction à l’identique doivent être entendus comme une obligation de reconstruction stricte de l’immeuble détruit ou démoli puisqu’il s’agit de reconstruire l’immeuble tel qu’il avait été initialement autorisé [10].

Ainsi, ne fait pas obstacle à reconstruction la circonstance qu’il a été procédé à un réaménagement des espaces intérieurs, sans création de surface supplémentaire ni modification du volume de construction et qu’un velux ait été remplacé par un chien assis pour rendre la toiture plus harmonieuse [11].

Une construction est considérée identique lorsque les surfaces ne sont que faiblement modifiées (une SHOB de 678 m² portée à 690m² [12]).

En revanche, ne peut être regardée comme identique :
- une reconstruction d’un bâtiment dont les dimensions sont différentes et plus importantes que celles du bâtiment initial [13] ;
- la réalisation d’un nouveau bâtiment sur de nouvelles fondations et des proportions supérieures [14] ;
- une extension de 364m² à 407 m² [15].

4. Le droit de reconstruire à l’identique n’est pas sans limites.

Une telle reconstruction peut être refusée :
- si les occupants du bâtiment sont exposés à un risque certain et prévisible de nature à mettre gravement en danger leur sécurité [16] ;
- le bâtiment est situé dans une zone dangereuse selon un plan de prévention des risques [17] ;
- si elle est interdite par le PLU lui-même [18].

B) La nécessité d’obtenir tout de même une autorisation.

Attention, il convient de garder à l’esprit que le principe du droit à reconstruire à l’identique ne dispense pas de la nécessité d’obtenir une autorisation [19].

En effet, même si elle est identique à l’ancienne, une construction peut nécessiter une autorisation selon qu’elle entre dans telle ou telle catégorie du code de l’urbanisme.

Pour rappel :
- les construction soumises à permis de construire sont listées aux articles R421-14 à -16 et suivants du code de l’urbanisme ;
- les constructions soumises à déclaration préalable sont listées par les articles R421-9 à -12 et -17 et -17-1 du Code de l’urbanisme ;
- l’article R421-28 du code recense les constructions pour lesquelles une autorisation est nécessaire en cas de démolition.

Il permet juste la reconstruction « à l’identique » (au sens des dispositions précitées) si la construction n’est pas conforme aux dispositions d’urbanisme en vigueur au jour de la reconstruction.

Autrement dit, la procédure de reconstruction à l’identique n’est opportune que si votre construction envisagée méconnait les règles d’urbanisme en vigueur au jour où vous souhaitez la reproduire.

Il conviendra alors avant toute chose de s’interroger sur la régularité de la reconstruction aux règles d’urbanisme en vigueur au jour de la reconstruction, car dans la positive, la procédure n’est pas pertinente et peut même s’avérer plus complexe qu’une procédure plus classique.

Mélanie Laplace, Avocat en droit public au barreau de Dax

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Notes de l'article:

[1Ancien article L111-3.

[2Confirmé par CAA Lyon 1er octobre 2013, n°13LY00315.

[3Rep min publiée au JO du 15 novembre 2012 page 2607.

[4CAA Marseille, 30 janvier 2018, n°16MA01168.

[5CE 23 février 2005, n°271270.

[6CAA Marseille précité et CE, 5 mars 2003, n°252422.

[7CAA Marseille précité et CE 5 mars 2003 précité.

[8Voir notamment arrêt CAA Marseille précité.

[9CE, 7 juin 2019, n°426966.

[10CAA Marseille 20 novembre 2009, n°07MA03486, CAA Douai 17 janvier 2013 n°12DA00852.

[11CAA Nancy, 1er juin 2006, n°04NC00320.

[12TA Strasbourg 30 novembre 2004 n°0300175.

[13CAA Douai 5 juillet 2007 n°06DA01662.

[14TA Rennes 10 mars 2005 n°042382.

[15CAA Marseille 31 janvier 2007 n°06MA01827.

[16Article R111-2 du code de l’urbanisme.

[17loi n°2010-788 du 12 juillet 2010

[18CAA Douai 17 janvier 2013, n°12DA00717

[19CE, 20 février 2002, n°235725.

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Discussions en cours :

  • Bonjour, Etant architecte en charge des travaux et auteur du permis initial pour une rénovation d’une maison sur une zone N du PLU dans une commune de bord de littoral en Finistère, je vous contact après un incident de chantier. Un pignon s’est effondré et les élus ont contacté la préfecture pour établir un arrêté disant qu’on n’était plus conforme au permis en cours. Suite à une réunion en semaine dernière, il a été conclu de déposer un permis de construire pour restaurer à l’identique la maison. Ensuite on avait des extension et modifications de façades que je pense refaire apparaître dans un second permis. Les conditions du permis restauration à l’identique passent-elles par un dépôt classique de cerfa 13406-14 (maison individuelle) ?

  • Dernière réponse : 3 septembre 2024 à 14:56
    par BLANC , Le 28 juin 2021 à 11:16

    Bonjour,

    Je constate que vous ne citez pas la décision suivante :
    Conseil d’État, 2ème - 7ème chambres réunies, 16/05/2018, 406645, Inédit au recueil Lebon - Légifrance (legifrance.gouv.fr)

    Cordialement

    • par Azzopardi , Le 20 janvier 2022 à 08:39

      Bonjour,
      Dans le cadre d’une reconstruction à l’indentique suite à un incendie sur une résidence principale privée, qu’en est-il ?
      Sachant que les fondations ainsi qu’une partie des murs porteurs seront conservés.

    • par LAPLACE Mélanie , Le 24 janvier 2022 à 12:25

      Réponse à AZZOPARDI

      Bonjour,

      Comme il est indiqué dans l’article, le sinistre n’est plus une condition de l’application des dispositions. C’est-à-dire que les dispositions sont applicables que la destruction résulte d’un sinistre ou non.
      En ce qui concerne la conservation de certaines parties de la construction, cela n’exclut pas par principe la nécessité d’obtenir une autorisation.
      Mais encore une fois, la nécessité de l’utilisation de la procédure de reconstruction à l’identique n’est utile que si la construction projetée est problématique vis-à-vis des règles d’urbanisme en vigueur au jour de la reconstruction. Sinon vous pouvez passer par un dossier de permis de construire "classique".
      N’hésitez pas à me contacter pour une consultation juridique ciblée.

      Dans l’attente,
      Maître LAPLACE Mélanie

    • par REBRICARD , Le 25 janvier 2022 à 13:17

      Bonjour,

      Le respect de la RE 2020 doit-il être imposé dans le cas d’une reconstruction à l’identique ?

    • Bonjour

      Une ancienne maisonnette (1) qui fait partie d’une copropriété horizontale était située à 1m d’une fenêtre d’une autre maison (2) (de la même copropriété) lui bouchant la vue.

      Cette configuration des lieux existe depuis l’origine et selon le plan de la copropriété de 1950.

      La maisonnette (1) a été détruite il y a plus de 10ans.

      Peut-on reconstruire celle-ci à l’identique et donc replacer le mur qui bouchait la vue de la maison (2) ?

      Sincères remerciements

    • par LAPLACE MELANIE , Le 3 septembre 2024 à 14:56

      Bonjour Monsieur,

      Comme vous l’aurez compris, la reconstruction à l’identique est un mécanisme juridique qui est utile vis-à-vis des règles d’urbanisme uniquement.

      Or les règles de distance de construction, ou de vue, sont des règles civiles et non d’urbanisme. A savoir que les autorisations d’urbanisme sont délivrées sous réserves des droits des tiers.

      Autrement dit, le mécanisme de la reconstruction à l’identique ne saurait vous affranchir de respecter les règles civiles.

      Pour plus de détails et obtenir une véritable consultation juridique complète, n’hésitez pas à me contacter directement pour convenir d’un rdv.

  • Bonjour, je souhaite savoir dans le cadre de l’article L 111-15, si l’ensemble des dispositions d’architecture de l’enveloppe bâti existantes avant le sinistre étaient reconduites, peut on modifier de façon mineure la destination de certains locaux intérieurs ? Je vous remercie d’avance de vos réponses.

    • par Mélanie LAPLACE , Le 9 février 2024 à 14:32

      Bonjour Jean-Charles,
      La reconstruction à l’identique implique une reconstruction strictement à l’identique, notamment sur l’aspect extérieur. En revanche il est possible de faire des modifications mineures, sur la surface de plancher par exemple. Je ne peux pas répondre à votre question en l’état car il conviendrait de savoir si vous parlez de véritables changement de destination au sens de la réglementation applicable, de modifications mineures ou bien seulement de changement de répartition intérieure. Dans les cas si vous souhaitez étudier la faisabilité de votre projet, il conviendrait de réaliser une consultation juridique précise.
      Demeurant à votre disposition si besoin.

    • par Jean-Charles FRANCESCHI , Le 9 février 2024 à 17:33

      Merci pour votre réponse. Après vérification c’est la destination d’un niveau entier (1er étage 80m2) qui était occupé : commerces et services, pourrait elle changer en : logement ? Par avance merci

    • par Mélanie LAPLACE , Le 13 février 2024 à 18:55

      Cher Monsieur,
      Je suis désolée mais je ne peux malheureusement pas répondre à votre question sans connaître l’entier dossier, voir les plans, l’état initial et le projet, connaître le territoire et les règles applicables.
      Autrement dit, votre question appelle une consultation juridique car votre question est en réalité une sollicitation pour un conseil précis et personnalisé.
      Je vous laisse joindre mon cabinet pour échanger si vous le souhaitez.
      Merci pour votre compréhension.

  • Bonjour,

    Suite à un sinistre (tornade) , une reconstruction à l’identique du bien sinistré est envisagée (autorisée par le PLU). Or le règlement départemental de Défense Extérieure Contre l’Incendie (DECI) de l’Eure impose une borne incendie à moins de 200m. Le bien à reconstruire est situé dans une zone où il n’y a pas de borne à moins de 200m. Le permis de construire peut-il être refusé à ce titre ?
    Merci

    • par LAPLACE Mélanie , Le 18 juillet 2023 à 15:00

      Bonjour Jean-Marc. La véritable question à se poser n’est pas si le permis peut être refusé, mais s’il est refusé, ce refus est-il légal ?
      Cela peut vous paraître jouer avec les mots mais n’oubliez pas que l’autorité qui délivre les permis peut refuser de délivrer les autorisations sollicitées même si la demande est parfaitement légale, il faudra alors entrer en contestation de ce refus, mais en s’assurant en amont que le motif de refus est bien illégal.
      Dans votre cas, selon mes dernières recherches sur le sujet dans un dossier similaire (fin 2022), la juridiction administrative considérait que les réglementations DECI et d’urbanisme étaient deux législations distinctes et qu’une autorisation ne pouvait pas être légalement refusée sur des considérations purement DECI (voir notamment CAA Marseille 27 octobre 2022,20MA03836 ).

      Rapidement, c’est tout ce que je peux vous dire. Pour d’autres conseils et si besoin, un accompagnement, n’hésitez pas à joindre le cabinet.
      www.laplaceavocat.com

      Mélanie LAPLACE

  • Nous voulions refaire les façades vieillissantes d’un hangar attenant à une construction pour éviter une chute certaine. Une tempête a balayé ledit hangar juste avant le dépôt du dossier. La mairie ne considère plus notre projet comme un remplacement de pans de façades - déclaration préalable - mais comme une reconstruction complète qui nécessite une étude d’architecte (permis de construire) car la surface nouvellement considérée (hangar + construction attenante), dépasse les 150m2. Il n’y a pourtant pas création d’espace au sol, le volume du bâtiment effondré étant même visible sur le cadastre.
    J’ai du mal à comprendre/accepter cette explication. Pourriez-vous m’éclairer ?

    • par LAPLACE Mélanie , Le 18 juillet 2023 à 15:05

      Bonjour Victorino,
      Votre situation n’est pas forcément inquiétante. Dans la mesure où en effet le bâtiment a été détruit, l’autorisation sollicitée (permis ou déclaration préalable) et la nécessité ou non de faire appel à un architecte, dépendra du projet.
      Mais ce n’est pas parce que vous avez (malheureusement) besoin de faire d’autres démarches que celles prévues initialement que cela posera problème pour la réalisation de votre projet.
      Il faut juste vous assurer que le projet de reconstruction est envisageable légalement.
      La reconstruction à l’identique peut-être une piste envisageable si votre cas s’y prête.

      J’espère avoir répondu à vos interrogations mais malheureusement, une réponse précise et complète nécessite une étude approfondie du dossier
      Si besoin, n’hésitez pas à contacter le cabinet.

      Mélanie LAPLACE
      www.laplaceavocat.com

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