La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) en 10 points.

Par Caroline Pierrey, Avocate et Nadia Belkacem, Etudiante.

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Explorer : # rqth # handicap # emploi # aménagements

En raison de l’altération de son état de santé physique et/ou mentale, une personne en situation de handicap peut rencontrer d’importantes difficultés pour obtenir ou conserver un emploi. Il est alors fondamental pour elle d’obtenir le statut de « travailleur handicapé » qui est consacré dans le Code du travail aux articles L5211-1 à L5215-1. Cet article propose de faire le tour des avantages et de la procédure liés à cette reconnaissance, en 10 points.

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N.B : La RQTH est distincte de l’invalidité. L’invalidité fait référence à l’état reconnu par l’Assurance maladie pour attribuer une pension d’invalidité. Toutefois, la décision attribuant une pension d’invalidité vaut RQTH.

1) Pouvoir être orienté vers le milieu ordinaire ou vers le milieu protégé.

Une fois la qualité de travailleur handicapé reconnue, plusieurs choix s’offrent à la personne concernée.

Selon son orientation professionnelle, la personne bénéficiant de la qualité de travailleur handicapé peut accéder aux entreprises du secteur privé et du secteur public (soumises ou non à l’obligation d’emploi), aux trois fonctions publiques, aux établissements et services d’aide par le travail (ESAT), aux entreprises adaptées (EA), ou à un centre de rééducation professionnelle.

2) Obtenir un aménagement du poste de travail.

En cas de besoin d’aménagements particuliers pour exercer un emploi, un titre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) lui sera demandé pour justifier sa demande, dont la RQTH fait partie.

Les aides au financement proposées par l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) pour le secteur privé ou par le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) pour le secteur public, dont il peut bénéficier concernent l’aménagement de poste, l’aide à l’achat de matériels adaptés ou l’aide à la communication.

Un employé reconnu « travailleur handicapé » par le biais de la RQTH peut bénéficier d’aménagements d’horaires en fonction des conséquences de son handicap.

3) Doubler la durée du préavis de licenciement.

Le travailleur handicapé peut également bénéficier de règles particulières en cas de rupture de contrat de travail, notamment le doublement de la durée du préavis de licenciement.

En cas d’inaptitude à son précédent emploi, la RQTH offre l’accès à des stages de réadaptation ou de rééducation professionnelle.

Cependant, la RQTH n’entraîne aucun supplément de revenu.

4) Être comptabilisé dans l’OETH de l’entreprise.

Afin de favoriser l’intégration au monde du travail, qu’il s’agisse du secteur privé ou du secteur public, la loi est intervenue pour poser une obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH). Celle-ci impose à toute entreprise et tout établissement public d’au moins 20 employés, l’embauche de 6% de travailleurs handicapés sur la totalité de leurs effectifs.

En cas de non-respect de cette obligation, l’entreprise est contrainte de verser une contribution financière à l’AGEFIPH. Les administrations versent leur contribution au FIPHFP.

Parmi les bénéficiaires de l’obligation d’emploi, listés à l’article L5212-13 du Code du travail, figurent les titulaires de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).

Aucune obligation légale ne pèse sur la personne en recherche d’emploi de déclarer sa qualité de travailleur handicapé. C’est un choix qui lui revient.

Dans un arrêt de la chambre sociale du 7 novembre 2006 (n°05-41.380), la Cour de cassation prévoit que le fait pour une salariée de ne pas révéler à l’employeur sa qualité de travailleur handicapé ne revêt pas de caractère fautif. En effet, les dispositions régissant l’emploi des travailleurs handicapés ont été adoptées dans l’intérêt exclusif de ceux-ci.

5) Les conditions et la durée d’attribution.

Plusieurs conditions de principe doivent être remplies pour prétendre à la RQTH :
- être en situation de handicap (physique ou mental) mais en capacité de travailler,
- exercer une activité professionnelle ou être en recherche d’emploi,
- avoir au moins 16 ans,
- avoir une résidence stable en France,
- être de nationalité française, être ressortissant de l’espace économique européen ou disposer d’un titre de séjour régulier pour les personnes de nationalité étrangère.

En principe, la qualité de travailleur handicapé est attribuée pour une durée déterminée comprise entre 1 et 5 ans. Cependant, lorsque le handicap est irréversible, la qualité de travailleur handicapé peut être attribuée de façon définitive comme le prévoit l’article L5213-2 du Code du travail.

6) La procédure classique et la procédure accélérée.

En premier lieu, pour être reconnu travailleur handicapé, une demande doit être déposée auprès des services de la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH) du lieu de résidence du demandeur.

La demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) est constituée :
- du formulaire Cerfa n°15692*01. Il s’agit d’un formulaire unique de demande de RQTH qui a été généralisé au 1er mai 2019 ;
- du formulaire Cerfa n°13878*01 « Certificat médical pour une demande MDPH » ;
- de toutes les pièces justificatives demandées. Celles-ci sont précisées dans le dossier à remplir.

En pratique, le dossier à remplir peut-être retiré au siège de la MDPH du département auquel est rattaché le domicile du demandeur ou sur le site de la MDPH ou de la Maison Départementale de l’Autonomie (MDA). Pour des raisons d’accessibilité, ce dossier peut également être retiré à la mairie, au Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) ou au Centre Local d’Information et de Coordination (CLIC). Il est également possible de faire la démarche en ligne, pour certaines MDPH.

La constitution du dossier mérite une attention particulière. Une information ou une pièce manquante pourrait entraîner le rejet de la demande sans même qu’il ne soit étudié de manière approfondie au motif que le dossier est incomplet. La demande devra être renouvelée et l’éventuelle attribution de la RQTH n’en sera que retardée.

La demande de RQTH est d’abord traitée par une équipe pluridisciplinaire chargée d’établir un Plan Personnalisé de Compensation (PPC).

Une fois le dossier instruit par la MDPH, la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), organe décisionnel de la MDPH, statue sur le bien-fondé de la demande et rend une décision, favorable ou non. Pour rendre sa décision, la CDAPH se fonde sur le Plan Personnalisé de Compensation.

Face à une situation d’urgence, les délais de la procédure classique de la RQTH sont trop longs, notamment en cas de risque d’inaptitude ou de licenciement. C’est pourquoi, une procédure accélérée d’attribution de la RQTH peut être initiée par le médecin du travail. Seul le médecin du travail est compétent pour enclencher cette procédure.

7) L’instruction automatique de la demande.

L’article L821-7-3 du Code de l’action sociale et des familles prévoit qu’une procédure de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est engagée à l’occasion de l’instruction de toute demande d’attribution ou de renouvellement de l’allocation aux adultes handicapés.

Nouveauté : afin de favoriser l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, la loi n°2022-217 du 21 février 2022 dite « 3DS » relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action locale pose le principe d’une délivrance automatique de la RQTH pour les jeunes de plus de 16 ans, déjà accompagnés par la MDPH. Dès leur entrée en apprentissage, ils pourront ainsi bénéficier de moyens nécessaires à la sécurisation de leurs parcours de formation. Cet accompagnement pourra se concrétiser à travers la mise en œuvre d’aménagement technique, d’aide humaine ou d’heures de soutien personnalisé.

8) Le renouvellement de la RQTH n’est pas automatique.

Le bénéficiaire de la RQTH doit former une demande de renouvellement auprès de la MDPH compétente. Il est conseillé de ne pas attendre l’échéance de la durée d’attribution de la RQTH pour en faire la demande de renouvellement, étant donné les délais de traitement qui peuvent être supérieurs aux 4 mois prévus légalement.

Conformément à l’article R5213-1-1 du Code du travail et de l’article R241-33 du Code de l’action sociale et des familles, si la demande de renouvellement de la RQTH est déposée avant son échéance, les effets du bénéfice de la RQTH sont prorogés jusqu’à ce que la MDPH statue sur la demande de renouvellement, avant l’expiration du délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande de renouvellement. En effet, à l’issue des quatre mois, le silence de la CDAPH vaut décision de rejet. Le bénéfice de cette prorogation demeure acquis que la demande de renouvellement de la RQTH soit favorable ou non.

9) La procédure à suivre en cas de décision de rejet de la CDAPH.

L’article R241-33 du Code de l’action sociale et des familles dispose que « le silence gardé pendant plus de quatre mois par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées à partir de la date à laquelle la demande présentée auprès de la maison départementale des personnes handicapées doit être regardée comme recevable dans les conditions mentionnées à l’article R146-26 vaut décision de rejet ».

En cas de décision de rejet, deux voies de recours sont possibles auprès de la MDPH avant tout recours contentieux.

a) La procédure facultative de conciliation.

Une demande de conciliation peut être déposée auprès de la MDPH dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de rejet.

Cette conciliation se présente en deux temps :
- En premier lieu, le conciliateur est missionné pour expliquer la décision à la personne intéressée et de recueillir tout élément complémentaire justifiant la contestation de la décision ;
- En deuxième lieu, le conciliateur est chargé de rédiger un rapport reprenant les éléments pertinents évoqués lors de l’entretien et soumettra des préconisations le cas échéant.

Tenu au secret professionnel dans le cadre de sa mission, le conciliateur est une personne extérieure à la MDPH et indépendante.

Cette procédure de conciliation suspend le délai de recours. C’est pourquoi, si rapport établi par le conciliateur n’est pas jugé satisfaisant, il est toujours possible de former un recours administratif préalable obligatoire.

b) Le recours administratif préalable obligatoire (RAPO).

Pour contester le rejet de la demande de RQTH, un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) doit être formé auprès de la MDPH, comme son nom l’indique, obligatoirement et préalablement à tout contentieux.

En cas de rejet du RAPO, la MDPH doit motiver sa décision et un recours contentieux peut être formé devant le juge administratif.

c) La compétence du juge administratif.

Le recours contentieux est formé devant le juge administratif à l’encontre de la décision prise par la CDAPH, suite au RAPO.

Le ministère d’un avocat n’est pas obligatoire mais en pratique, il est fortement recommandé en raison de la complexité de la procédure et de la règle de droit.

10) La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé en droit européen.

La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu une décision « DW c. Nobel Plastique Ibérica S.A » sur la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé en date du 11 septembre 2019 sous la référence C-397/18.

La Cour considère que le licenciement pour « raisons objectives » d’un travailleur handicapé au motif que celui-ci répond aux critères de sélection pris en compte par l’employeur pour déterminer les personnes à licencier (une productivité inférieure à un taux donné, une moindre polyvalence dans les postes de travail de l’entreprise, un taux d’absentéisme élevé) constitue une discrimination indirecte fondée sur le handicap, à moins que l’employeur n’ait préalablement adopté, à l’égard de ce travailleur, des aménagements raisonnables, afin de garantir le respect du principe de l’égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées.

Caroline Pierrey
Avocate au Barreau de Paris
Co-écrit avec Nadia Belkacem, étudiante en Master 2 Droit de la Santé
avocat chez carolinepierrey-avocat.fr
https://www.carolinepierrey-avocat.fr

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