Reconnaissance du divorce algérien par répudiation avec compensation par les juges français.

Par Amel Farahoui, Elève-Avocate.

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Explorer : # divorce international # répudiation # Égalité des époux # exequatur

Le divorce par répudiation n’est pas contraire à l’ordre public international et ne crée pas une rupture d’égalité des époux s’il est demandé par l’épouse et ce même s’il est conditionné au versement d’une compensation à l’époux.

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Le juge français peut être saisi d’une demande de reconnaissance d’un jugement rendu par une juridiction étrangère, c’est ce que l’on nomme l’exequatur.

Nous aborderons ici le cas d’un jugement de divorce rendu par un tribunal algérien.

La question se pose lorsqu’un couple franco-algérien marié en France ou en Algérie décide de divorcer sur le territoire algérien et entend rendre exécutoire sur le territoire français le jugement de divorce rendu par la juridiction algérienne saisie.

La juridiction algérienne va appliquer sa propre législation sans considération de celle de l’État ou a été célébré le mariage ou encore la nationalité de l’autre époux. Dès lors que l’un ou l’autre des époux est de nationalité algérienne, le juge algérien se déclare compétent.

Rappelons que le Code de la Famille Algérien (CFA) prévoit les cas de divorce suivants :
- Divorce par la volonté du mari (répudiation judiciaire),
- Divorce par consentement mutuel des deux époux,
- Divorce à la demande de l’épouse et pour les causes visées à l’article 53 du CFA,
- Divorce à la demande de l’épouse moyennant le versement d’une somme d’argent, « khol » (répudiation par compensation).

Lorsque le juge français est saisi dans le cadre d’une procédure d’exequatur il va en premier lieu vérifier que le jugement rendu à l’étranger est conforme à l’ordre public international mais également que le divorce ne crée pas une rupture d’égalité entre les époux.

Cette dernière condition a systématiquement motivé les décisions rendues par les juridictions françaises ayant refusé de reconnaitre le divorce par répudiation prononcé par une juridiction étrangère.

Ainsi, les époux ayant divorcés en Algérie sur la base d’un divorce par répudiation se retrouvent dans une situation délicate car divorcés en Algérie mais dans l’impossibilité de transcrire ce divorce dans l’état civil français ni d’en faire produire les effets sur le territoire français. De ce fait, ils doivent de nouveau entamer une procédure de divorce devant les juridictions françaises.

Cette solution concerne uniquement le divorce par répudiation judiciaire qui est considéré par les juridictions françaises comme contraire à l’ordre public international et comme portant atteinte au droit de l’épouse dans la mesure où seule la volonté de l’époux est prise en considération au prononcé du divorce.

Toutefois, la Cour de Cassation a eu à se prononcer sur le cas d’un divorce algérien prononcé sur le fondement de la répudiation par compensation qui contrairement à la répudiation judiciaire ouvre la possibilité à l’épouse d’entamer la procédure de divorce avec la condition de verser une somme d’argent à l’époux [1].

En l’espèce, les juges ont eu à se prononcer sur la question de savoir si le droit français considère ce type de divorce comme conforme à l’ordre public international et plus précisément si ce dernier ne crée pas une rupture de l’égalité entre époux.

La 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation a rendu un arrêt le 17 mars 2021 (n°20-14.506) par lequel elle a considéré qu’une décision de justice rendue sur le fondement d’une loi qui ne réserve pas le même accès selon le sexe des époux n’est pas contraire à l’ordre public international dans la mesure où :
- l’épouse qui l’invoque est soumise à des règles moins favorables que l’époux (qui lui peut obtenir un divorce pour répudiation lequel n’est pas subordonné au paiement d’une somme d’argent) ;
- que la procédure suivie n’a pas été entachée de fraude ;
- enfin, et que l’autre époux a pu faire valoir ses droits (droits de la défense notamment).

Il semblerait donc que la Haute Juridiction a apprécié la situation de l’épouse et son accès à la procédure de divorce de manière générale dans l’État où le divorce a été prononcé nonobstant la condition financière qui lui était imposée pour y avoir accès.

Ainsi, ça n’est pas tant la notion de répudiation qui retient la solution adoptée par les juges français mais une analyse globale de la situation de l’épouse ayant demandé le divorce.

Cette décision est singulière car si on se base sur l’existence d’égalité entre les époux, celle-ci ne peut être qu’écartée dans la mesure où l’époux qui souhaite divorcer a la possibilité de le faire sur le seul fondement de sa volonté alors que l’épouse doit verser une somme à titre de compensation.

Même si cette solution peut être critiquable au regard de la notion d’égalité retenue par la Cour de Cassation, elle a au moins le mérite de permettre aux époux divorcés à l’étranger de voir cette décision exécutoire sur le territoire français sans délai si ce n’est celui de la procédure d’exequatur.

Reste à savoir si cette jurisprudence va s’inscrire dans le temps.

Amel Farahoui, Elève-avocate.

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Notes de l'article:

[1Article 54 du Code de la Famille Algérien.

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