Les fondements juridiques du reclassement du salarié inapte.
1. Déclaration d’inaptitude et obligations de l’employeur.
Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur se trouve face à deux choix :
- Proposer un reclassement conforme aux capacités résiduelles du salarié.
- Procéder à un licenciement pour inaptitude, si aucune solution de reclassement n’est possible.
Ces obligations découlent des articles L1226-2 et L1226-10 du Code du travail, qui précisent que le reclassement doit être effectué dans un délai d’un mois après la déclaration d’inaptitude. En l’absence de solution, l’employeur doit reprendre le paiement du salaire du salarié.
2. Bonne foi dans l’exécution du contrat de travail.
L’article L1222-1 du Code du travail impose l’exécution de bonne foi du contrat. Cet impératif s’applique particulièrement en cas d’inaptitude, où l’employeur doit démontrer une démarche proactive et transparente dans la recherche de reclassement [2].
La lenteur dans le reclassement : manquement ou tolérance ?
1. Analyse des délais de procédure.
Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation en décembre 2024, l’employeur a tardé à entreprendre les démarches de reclassement, laissant le salarié dans une situation d’inactivité forcée pendant plusieurs mois. Bien que le salaire ait été repris, cette inaction a été perçue comme un manquement à l’obligation de bonne foi.
Il est important de noter que le Code du travail n’impose pas un délai strict pour finaliser le reclassement, mais uniquement pour initier les démarches. Cependant, une prolongation injustifiée peut être interprétée comme une violation de l’article L1222-1 [3].
2. Résiliation judiciaire et licenciement.
Le salarié peut, face à une inaction prolongée, demander une résiliation judiciaire de son contrat. La jurisprudence reconnaît cette possibilité lorsque l’inactivité est le résultat d’une négligence ou d’un abus de l’employeur [4].
Les critères de gravité du manquement de l’employeur.
1. L’obligation de diligence dans la recherche de reclassement.
Le non-respect des délais, bien qu’il ne soit pas explicitement sanctionné, peut constituer une faute si :
- L’employeur ne consulte pas le salarié sur ses préférences.
- Il tarde à solliciter le médecin du travail pour clarifier les conditions de reclassement.
Dans l’affaire précitée, l’employeur avait attendu plusieurs mois avant de consulter les filiales du groupe pour des solutions de reclassement, ce qui a contribué à une condamnation partielle.
2. Maintien dans une situation d’inactivité.
Laisser un salarié sans perspective, même avec le paiement du salaire, est perçu comme un manquement grave. Cela empêche le salarié de se projeter dans son avenir professionnel et peut justifier une résiliation judiciaire [5].
Les enseignements jurisprudentiels récents.
1. L’affaire de décembre 2024 : clarification des obligations.
Dans cette affaire, la Cour de cassation a rappelé que :
- Le paiement du salaire ne dispense pas l’employeur de son obligation de reclassement.
- Une lenteur excessive peut être interprétée comme un manquement à l’exécution de bonne foi.
La cour a ainsi censuré la décision de la cour d’appel, estimant que le maintien du salarié dans une situation d’inactivité forcée constituait une faute [6].
2. Une jurisprudence en évolution.
Les décisions récentes montrent une volonté de protéger davantage les salariés contre les abus liés à l’inaptitude. Les employeurs doivent donc agir avec diligence et respecter les procédures pour éviter des sanctions lourdes.
Recommandations pour les employeurs.
Pour limiter les risques juridiques, il est recommandé aux employeurs de :
- Initier rapidement les démarches de reclassement : consulter le médecin du travail et le salarié.
- Documenter chaque étape : réunions, propositions, refus éventuels.
- Impliquer les sociétés du groupe : rechercher activement des postes compatibles.
- Respecter la bonne foi : agir dans l’intérêt du salarié, même en cas de difficulté.
Conclusion.
Le reclassement des salariés inaptes est une obligation légale et morale pour l’employeur. Bien que le Code du travail ne fixe pas de délai pour finaliser la procédure, toute négligence ou inaction prolongée peut être considérée comme un manquement à l’exécution de bonne foi du contrat. Les enseignements jurisprudentiels récents renforcent cette exigence, appelant les employeurs à une gestion proactive et diligente de ces situations sensibles.
Face à ces enjeux, il est essentiel pour les entreprises de mettre en place des procédures internes adaptées et de recourir à un conseil juridique spécialisé pour éviter des contentieux coûteux et préjudiciables à leur image.