I. Le cadre juridique du télétravail.
Selon l’article L1222-9 du Code du travail
« le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication ».
Hors circonstances exceptionnelles (telles que cas de force majeure ou crise sanitaire par exemple), la pratique du télétravail peut être mise en place selon trois modalités :
- Un accord collectif,
- A défaut, une charte unilatérale de l’employeur,
- En l’absence d’accord et de charte, un accord individuel entre l’employeur et le salarié.
La loi privilégie avant tout la mise en place du télétravail par la voie négociée, à travers la conclusion d’un accord collectif dans les conditions de droit commun.
Cela rejoint la position des signataires de l’ANI du 26 novembre 2020 relatif à la mise en œuvre réussie du télétravail, qui ont souhaité faire de la mise en place de celui-ci « un thème de dialogue social et de négociation au niveau de l’entreprise et, le cas échéant, au niveau de la branche professionnelle ».
De fait, bon nombre de conventions collectives (syntec, télécommunications, sociétés financières, entreprises d’architecture, cabinets d’experts-comptables, sociétés d’assurance…) offrent aux entreprises relevant de leur branche un cadre juridique sécurisé en la matière.
Ce n’est donc qu’à défaut d’accord collectif - résultant par exemple, au niveau de l’entreprise, d’un échec des négociations engagées en vue de la conclusion d’un accord ou de l’absence de délégué syndical - que l’élaboration d’une charte unilatérale peut être envisagée.
A noter : dans les entreprises pourvues d’un CSE, le projet de charte sur le télétravail doit donner lieu à sa consultation préalable.
Enfin, en l’absence d’accord collectif ou de charte, employeurs et salariés peuvent formaliser leur accord sur la pratique du télétravail « par tout moyen ».
Il est néanmoins vivement recommandé de procéder à cette formalisation par écrit (e-mail, courrier, avenant au contrat de travail) tant pour des raisons de clarté que de preuve en cas de litige, et de prévoir des dispositions aussi complètes que celles que l’on peut trouver dans un accord ou dans une charte.
II. Le contenu de l’accord ou de la charte régissant la mise en œuvre du télétravail.
Les dispositions que doivent obligatoirement contenir un accord collectif ou une charte unilatérale de télétravail sont listées par l’article L1222-9 du Code du travail.
Pour chacune d’entre elles, une proposition de clause est présentée ci-dessous, à adapter naturellement à la situation particulière de l’entreprise concernée.
Les conditions de passage en télétravail, notamment en cas d’épisode de pollution.
Eligibilité au télétravail.
Les parties conviennent que le télétravail est fondé sur la capacité du salarié à exercer ses fonctions de façon autonome et implique que l’activité du salarié puisse être exercée à distance. Sont dès lors éligibles au télétravail, les salariés :
- Titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée, travaillant à temps plein ou à temps partie supérieur à __%,
- Justifiant d’une ancienneté minimale de __ mois dans l’entreprise et/ou dans le poste,
- Occupant un poste dont l’exécution est compatible avec le bon fonctionnement du service et la configuration de l’équipe de rattachement et peut être réalisée de façon partielle et régulière à distance,
- Exerçant leurs fonctions de manière autonome, notamment en termes de gestion du temps de travail e de maîtrise des applications informatiques indispensables à leur activité,
- Dont le domicile répond aux exigences techniques minimales requises pour la mise en œuvre du télétravail, et, en particulier, présente un espace de travail dédié et adapté à ce mode d’organisation, une connexion internet haut débit et une installation électrique conforme.
En considération du fait que leur présence sur le lieu de travail est un élément indispensable à leur apprentissage, les salariés en contrat de professionnalisation, en contrat d’apprentissage, ainsi que les stagiaires ne sont pas éligibles au télétravail.
Formalisme de la demande.
Le salarié qui remplit les conditions et qui souhaite effectuer une partie de son activité en télétravail doit adresser une demande écrite en ce sens au service des ressources humaines. Après examen de sa candidature avec le manager concerné et la direction, le service des ressources humaines notifie sa décision par écrit au salarié dans un délai de __ jours calendaires suivant réception de sa demande. En cas de refus, la décision est motivée.
Fréquence et nombre de jours de télétravail.
Afin de maintenir le lien social avec la communauté de travail et préserver le bon fonctionnement des activités de l’entreprise, le nombre de jours maximum télétravaillés est de __ jours par semaine.
Il appartient aux managers de fixer avec chaque salarié concerné le ou les jours de la semaine qui seront télétravaillés, en veillant à assurer la présence simultanée d’un nombre minimum de salariés dans les locaux habituels de travail.
A titre exceptionnel, et en raison de nécessité de services, les jours initialement prévus en télétravail pourront être effectués sur site à la demande du salarié ou de son manager, en respectant un délai de prévenance de __ jours.
Hypothèses de circonstances exceptionnelles, notamment épisode de pollution
Des circonstances exceptionnelles telles que, notamment, une menace d’épidémie, des intempéries majeures, des grèves nationales, la survenance d’un épisode de pollution ou un cas de force majeure, peuvent rendre le télétravail nécessaire afin de permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des collaborateurs.
Dans ces hypothèses, et conformément aux dispositions de l’article L1222-11 du Code du travail, le télétravail peut être mis en place unilatéralement et temporairement par la direction pour la seule durée des évènements exceptionnels. L’application du présent accord/de la présente charte s’en trouvera alors suspendue.
Il est précisé que l’aménagement du poste de travail issu de l’application de cette clause ne constitue pas une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du collaborateur.
Les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail.
Une période d’adaptation au télétravail d’une durée de __ mois est prévue afin de vérifier, entre autres, la capacité du salarié à télétravailler et celle de l’entreprise à organiser le travail à distance. Durant cette période, chaque partie peut mettre fin unilatéralement et par écrit au travail hybride en respectant un délai de prévenance de __ jours.
A la suite de cette période probatoire, l’entreprise et le salarié pourront, à tout moment, mettre fin au télétravail en respectant un délai de prévenance de __ jours.
En cas de réversibilité à l’initiative de l’employeur, celui-ci devra en motiver les raisons par écrit sur la base notamment des critères d’éligibilité.
Lorsqu’il est mis fin à la situation de télétravail, quels qu’en soient la durée et les motifs, le salarié reprend son activité dans les mêmes conditions que celles applicables antérieurement.
Par ailleurs, la situation de télétravail prend fin automatiquement en cas de changement de poste du salarié sur un poste qui ne peut être exercé en télétravail.
Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail.
Le télétravail peut être mis en place soit à l’initiative du salarié, soit à celle de l’entreprise, mais suppose en toute hypothèse l’accord des deux parties. Ainsi, le télétravail ne peut être imposé ni au salarié ni à l’entreprise.
La mise en œuvre du télétravail fera l’objet d’un avenant au contrat de travail qui précisera notamment :
- Le lieu d’exercice du télétravail,
- Les modalités d’exécution du télétravail (le/les jour(s) convenu(s), les plages horaires pendant lesquelles le salarié pourra être contacté…),
- La durée de la période d’adaptation,
- Les conditions de réversibilité,
- Le matériel mis à disposition du salarié,
- Les restrictions d’utilisation des équipements informatiques et leur sanction,
- Les dispositions légales et règles propres à l’entreprise relatives à la protection de ses données et à leur confidentialité.
Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail.
Le télétravail ne doit pas avoir pour effet d’augmenter la charge de travail habituelle du collaborateur, de compromettre la bonne exécution de ses missions ou d’entraîner un dépassement des durées maximales de travail ou le non-respect des durées minimales de repos.
Il appartient conjointement à la direction de l’entreprise et au télétravailleur de veiller au respect des dispositions légales ou conventionnelles relatives aux temps de travail et de repos et au maintien d’une charge de travail raisonnable.
En cas de difficulté, il est demandé au télétravailleur de se rapprocher de son manager afin de trouver ensemble et dans les meilleurs délais les solutions appropriées à la résolution des difficultés rencontrées.
Indépendamment de points réguliers, la charge de travail et les conditions d’activité du télétravailleur sont examinées annuellement au cours d’un entretien organisé entre le manager et le salarié concerné.
La détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail.
Afin de respecter la vie privée du salarié en situation de télétravail, des plages horaires durant lesquelles il peut être contacté sont fixées d’un commun accord par le manager et le salarié.
Dans le but de permettre à chaque salarié de continuer à bénéficier d’un cadre de travail conciliant au mieux vie professionnelle et vie personnelle, la pratique du télétravail requiert une vigilance accrue quant au droit à la déconnexion.
A ce titre et sauf circonstances exceptionnelles, les managers ne doivent pas solliciter leurs collaborateurs :
- En dehors des horaires de travail pour les salariés soumis à un horaire prédéterminé ;
- Le week-end et le soir, pour les salariés soumis à un forfait annuel en jours ;
- Pendant les périodes de suspension du contrat de travail.
Durant ces périodes et hors cas d’astreinte, il ne pourra pas être reproché aux collaborateurs de ne pas répondre à leur manager et aucune sanction ne pourra être prise à leur encontre de ce fait.
De manière générale, les salariés veilleront au respect de l’application des pratiques suivantes relatives au bon usage de leur messagerie professionnelles et des outils numériques mis à leur disposition :- Envoyer des e-mails et passer des appels professionnels exclusivement pendant les temps de travail habituel ;
- Ne pas, sauf urgence ou nécessité impérieuse et immédiate du service, envoyer des correspondances ou passer des appels à des collègues/collaborateurs/tiers pour un motif professionnel en dehors du temps de travail ;
- Eviter de consulter ses e-mails ou messages et de répondre au téléphone en dehors du temps de travail ;
- Utiliser, si besoin, la fonction « envoi différé » de la messagerie Outlook ;
- Eviter de solliciter une réponse immédiate.
Les modalités d’accès au télétravail des travailleurs handicapés, des salariées enceintes et des salariés aidants.
Pour faciliter leur insertion professionnelle et à leur maintien dans l’emploi et lutter contre toute discrimination en matière de recrutement, d’emploi et d’accès à la formation professionnelle, une attention particulière est portée par le management et les ressources humaines aux demandes formulées par les salariés se trouvant dans des situations personnelles particulières ou faisant l’objet de contraintes médicales spécifiques leur permettant de bénéficier en priorité du télétravail, dans des conditions adaptées. Entrent dans cette catégorie les collaborateurs :
- En situation de handicap ;
- Ayant déclaré leur état de grossesse ;
- Dont la situation médicale s’avère particulière ;
- Reconnus comme aidant d’un enfant, d’un parent ou d’un proche.
Les conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail seront définies en concertation avec le service des ressources humaines, le salarié concerné et son manager, ainsi que les services de santé au travail, le cas échéant.
III. Les clauses facultatives et les bonnes pratiques.
Outre ces dispositions obligatoires, il est fortement recommandé de prévoir dans l’accord ou la charte des clauses précisant :
- Le lieu d’exécution du télétravail : domicile principal du salarié uniquement/résidence secondaire également/tiers lieu/en France exclusivement ou également à l’étranger…,
- La liste des matériels et équipements fournis au salarié (ordinateur, téléphone, siège, casque…), leur usage strictement professionnel et les démarches à accomplir en cas de dysfonctionnement,
- L’éventuelle indemnisation des coûts liés au télétravail,
- Les garanties exigées relatives à la santé et à la sécurité du salarié : espace de travail approprié au travail et exempt de toute forme de nuisances extraprofessionnelles, déclaration immédiate en cas de maladie ou d’accident du travail, conformité des installations électriques à la réglementation en vigueur, assurance habitation couvrant le logement où est effectué le télétravail,
- Les garanties exigées relatives à la confidentialité et à la protection des données de l’entreprise : respect des dispositions de la charte informatique en vigueur, verrouillage systématique de la session informatique en cas d’interruption d’activité, conservation du caractère strictement confidentiel de l’identifiant et du mot de passe d’accès aux outils téléphoniques et informatiques professionnels,
- Les modalités de formation des salariés et/ou managers au travail et/ou au management à distance,
- La liste des postes non éligibles au télétravail.
Enfin, pour assurer une information précise et complète des salariés et des managers, il peut être utile de leur remettre un livret ou guide des bonnes pratiques du télétravail, comprenant notamment :
- Une synthèse des dispositions de l’accord/charte,
- La liste des différentes pièces à produire par le salarié (attestation d’assurance habitation, diagnostique électrique récent ou attestation sur l’honneur de la conformité des installations électriques à la réglementation en vigueur) à l’appui de sa demande de télétravail,
- Une présentation de la procédure de saisie des jours de télétravail dans le système d’information des ressources humaines, le cas échéant,
- Des conseils pratiques à destination des salariés sur :
- L’organisation de la journée de travail en télétravail (respect des horaires, prises de pauses, disponibilité, rappel du droit à la déconnexion),
- L’importance d’aménager un espace de travail adapté à domicile, notamment en termes d’éclairage et de conditions matérielles de travail ergonomiques (siège/bureau/écran),
- Des conseils pratiques à destination des managers sur :
- L’organisation des plannings de télétravail des membres de l’équipe ;
- Le respect des règles relatives aux durées maximales de travail, à la charge de travail et au droit à la déconnexion,
- Le maintien du contact avec l’équipe (utilisation des outils numériques et réalisation de points réguliers).
- L’identité et les coordonnées des personnes à contacter en cas de difficultés rencontrées dans le cadre du télétravail (manager, ressources humaines, service informatique…).