1/ Des textes muets sur le sujet.
Le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe [1].
Le texte ajoute qu’en l’absence d’accord collectif ou de charte, lorsque le salarié et l’employeur conviennent de recourir au télétravail, « ils formalisent leur accord par tout moyen » (échange d’emails, avenant, etc.).
L’accord collectif ou la charte de l’employeur doit prévoir obligatoirement certaines dispositions listées par la loi :
1° Les conditions de passage en télétravail, en particulier en cas d’épisode de pollution mentionné à l’article L223-1 du Code de l’environnement, et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
2° Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
3° Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
4° La détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;
5° Les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail, en application des mesures prévues à l’article L5213-6 ;
6° Les modalités d’accès des salariées enceintes à une organisation en télétravail ;
7° Les modalités d’accès des salariés aidants d’un enfant, d’un parent ou d’un proche à une organisation en télétravail.
En revanche, la loi ne prévoit pas d’obligation de prise en charge, par l’employeur, des coûts découlant directement de l’exercice du télétravail (abonnements, communication, électricité, etc.).
Plus précisément, la loi ne prévoit plus une telle obligation.
En effet, avant l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, l’article L1222-10 du Code du travail imposait à l’employeur
« de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci ».
En l’absence de dispositions légales, la jurisprudence s’est prononcée sur le sujet.
2/ Le remboursement des frais.
Pour la jurisprudence, la règle générale est la suivante : les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés sans pouvoir être imputés sur sa rémunération.
Cette prise en charge est obligatoire, même lorsque la loi, la convention collective ou le contrat de travail sont muets sur la question [2].
La Cour de cassation n’a cependant pas statué sur le cas précis des frais engagés par le télétravailleur.
Pour la Cour d’appel de Versailles, la prise en charge des frais exposés dans le cadre du télétravail, y compris en cas de circonstances exceptionnelles comparables à la crise sanitaire, est obligatoire pour l’employeur [3].
A l’inverse, la Cour d’appel de Paris [4] vient de juger que les articles L1222-9 et suivants du Code du travail ne prévoient pas l’obligation, pour l’employeur, de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci.
Il résulte cependant des faits de cette affaire que le télétravail n’était pas obligatoire pour le salarié concerné.
La Cour de cassation pourrait donc adopter la solution de la Cour d’appel de Versailles en présence d’un salarié contraint de télétravailler.
Sur le plan de la paie, le Bulletin officiel de la Sécurité sociale (BOSS) détaille les modalités d’évaluation au réel des frais de télétravail considérés comme des frais professionnels exclus de l’assiette des cotisations [5].
Alternativement au remboursement au réel, le versement d’une allocation forfaitaire, dont le montant varie en fonction du nombre de jours télétravaillés, est réputé utilisé conformément à son objet et exonéré de cotisations et contributions sociales dans la limite de 10,70 euros par mois pour une journée de télétravail par semaine.
Ainsi, pour le BOSS, un salarié qui télétravaille 2 jours toutes les semaines peut bénéficier d’une indemnité de 21,40 euros par mois destinée à couvrir les frais, sans justificatif.
En cas d’allocation fixée par jour, celle-ci est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dès lors que son montant journalier n’excède pas 2,70 euros, dans la limite de 59,40 euros.
Si l’allocation forfaitaire est prévue par une convention collective ou un accord d’entreprise, elle est admise dans la limite des montants prévus par le texte, dès lors qu’elle est attribuée en fonction du nombre de jours effectivement télétravaillés et que son montant n’excède pas :
- 13 euros par mois pour une journée de télétravail par semaine ;
- ou 3,25 euros par jour de télétravail dans le mois, dans la limite mensuelle de 71,50 euros.
3/ L’indemnité d’occupation.
Si la Cour de cassation n’a pas statué sur la prise en charge des frais de télétravail, elle s’est déjà prononcée sur l’indemnité d’occupation due au salarié en télétravail (cette indemnité étant distincte du remboursement des frais).
Ainsi, le salarié contraint d’occuper son domicile à des fins professionnelles en raison de l’absence de mise à disposition d’un local professionnel par l’employeur peut prétendre à une indemnité dont le montant dépend du degré de sujétion subi, lequel relève de l’appréciation souveraine des juges du fond [6].
Il en va de même en cas de télétravail sur demande du médecin du travail, même si un local est à la disposition du salarié [7].
En dehors ces deux hypothèses, aucune indemnité n’est due au salarié s’il demande à travailler à domicile alors qu’un local professionnel est effectivement mis à sa disposition [8].
La Cour de cassation précise qu’il incombe à l’employeur, qui conteste devoir une indemnité pour occupation du domicile à des fins professionnelles, de démontrer avoir mis effectivement à la disposition du salarié un local professionnel pour y exercer son activité [9].
S’agissant du montant de l’indemnité d’occupation, aucun critère d’évaluation n’est défini par les textes et la jurisprudence.
Son montant peut tenir compte de la contrainte que représente, pour le salarié, le stockage du matériel professionnel [10].
L’indemnité peut aussi être fixée en considérant, si tel est le cas, la perte de jouissance d’une partie du domicile.
Dans tous les cas, l’indemnité d’occupation du domicile privé est soumise à cotisations et contributions sociales.
Elle doit donc figurer sur le bulletin de paie.