La psychiatrie au service de la Justice.

Par Juliette Daudé, Avocat.

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Explorer : # expertise psychiatrique # responsabilité pénale # dangerosité # droit de la famille

Les juges sont amenés à faire face à de nombreuses situations dans lesquelles ils ont parfois besoin d’un œil « expert » pour les orienter dans leurs prises de décisions.

Que ce soit en droit pénal ou en droit de la famille, l’expertise psychiatrique est devenue aujourd’hui un outil indispensable au service de la Justice.

-

L’expertise psychiatrique consiste à procéder à un examen médico-psychologique sur un individu.

Cet examen est réalisé par un médecin psychiatre désigné par un magistrat.

C’est la notion de responsabilité qui est recherchée dans ces deux matières bien qu’elles aient alors des significations différentes.

En droit pénal, la responsabilité s’entend en effet comme l’obligation de répondre de ses actes tandis qu’en droit de la famille, la responsabilité s’entend davantage comme la capacité à prendre en charge ses enfants notamment par la prise de décisions dans leur intérêt.

- L’expertise psychiatrique en matière pénale

En matière pénale, l’expertise psychiatrique va être utilisée pour déterminer le degré de responsabilité de l’individu mais aussi pour déterminer son degré de dangerosité.

1) La responsabilité pénale

L’article 122-1 du Code pénal dispose que « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime.
 »

Parce qu’un magistrat n’est pas médecin, il doit parfois consulter l’avis d’un expert pour déterminer le degré de responsabilité d’un individu ayant commis une infraction.

Le premier alinéa de l’article 121-3 du Code pénal dispose en effet que « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. »

Le trouble mental est dès lors considéré comme une cause objective d’irresponsabilité pénale c’est-à-dire que la personne ayant une maladie psychiatrique est dépourvue de libre arbitre et ne pourra donc pas être poursuivie pénalement si elle commet un délit ou un crime.

Le soin sera ainsi privilégié à la sanction, laissant apparaître l’expertise psychiatrique comme un filtre entre l’hôpital et la prison.

Outre son rôle dans la détermination du degré de responsabilité, l’expertise psychiatrique est un outil majeur dans la détermination du degré de dangerosité.

2) La dangerosité

Le degré de dangerosité intéresse particulièrement les magistrats en ce qu’il permet d’évaluer et donc de limiter autant que possible le risque de récidive.

Si l’article 156 du Code de procédure pénale offre la possibilité aux magistrats de requérir une expertise psychiatrique « dans le cas où se pose une question d’ordre technique », le législateur a, dans certaines hypothèses, rendue cette expertise obligatoire.

Avant la condamnation

En matière de criminalité organisée et de proxénétisme sur mineur, une expertise psychiatrique doit être réalisée pendant la garde à vue (article 706-47-1 du Code de procédure pénale).

Après la condamnation

La nécessité d’une expertise psychiatrique a été imposée pour la mise en place d’un placement sous surveillance électronique mobile par la loi du 12 décembre 2005 n°2005-1549 relative au traitement de la récidive des infractions pénales et pour le prononcé d’une mesure de rétention de sûreté par la loi du 25 février 2008 n°2008-174 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

La surveillance judiciaire n’étant admise que s’il existe un risque de récidive, l’expertise médicale est nécessaire.

Le Juge d’Application des Peines est donc très souvent amené à solliciter une expertise psychiatrique lorsqu’il s’agit d’évaluer la pertinence et la nature des soins déjà ordonnés, de décider d’une mesure plus favorable au condamné ou de décider d’un accroissement des contraintes données au condamné en liberté.

- L’expertise psychiatrique en droit de la famille

L’article 1183 du Code de procédure civile dispose que « Le juge peut, soit d’office, soit à la requête des parties ou du ministère public, ordonner toute mesure d’information concernant la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents, en particulier par le moyen d’une enquête sociale, d’examens médicaux, d’expertises psychiatriques et psychologiques ou d’une mesure d’investigation et d’orientation éducative. »

L’expertise médico-psychologique est un outil au service du Juge aux Affaires Familiales lorsqu’il a besoin d’un avis médical précis et neutre sur la situation dans laquelle se trouvent le couple et les enfants.

Elle va ainsi permettre d’évaluer la structure psychologique des deux parents, la santé psychologique de l’enfant et in fine les compétences ou la compatibilité des deux parents à s’occuper de leur enfant.

Le magistrat pourra alors se prononcer sur le mode de garde des enfants le mieux adapté en fonction des éléments que l’expertise a relevés.

Si en théorie, le magistrat n’est pas lié par l’expertise qui ne constitue qu’un avis consultatif, il apparaît difficile en pratique pour ce dernier de ne pas suivre l’expert dans ses constations.

Comment se déroule l’expertise psychiatrique en droit de la famille ?

En pratique, les parents et les enfants seront reçus séparément par l’expert.

En fonction de l’âge des enfants, l’expertise pourra avoir lieu avec un parent accompagnant pendant l’expertise de ce dernier.

L’expert rendra ensuite un rapport au Juge aux Affaires Familiales.

Il convient de noter que si l’une des parties est en désaccord avec les constatations de l’expert, il lui est possible de demander une contre-expertise.

Remarque : l’expertise est à la charge des parties (sauf si elles bénéficient de l’aide juridictionnelle), il convient donc de ne pas les solliciter de façon systématique.

Juliette Daudé
Avocate à la Cour
Site : http://cabinet-avocat-daude.fr/

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Discussions en cours :

  • Vous avez oublié de mentionner le psychologue (qui est toujours associé au médecin-psychiatre dans une expertise dite "médico-psychologique", les aspects de la personnalité sont aussi abordés.

    • par CHRIS , Le 27 mars 2014 à 13:17

      J’ai eu à vivre une expertise médico psychologique (au civil). Il n’y avait qu’un expert, qui s’est laissé enfumer par la mère, me considérait coupable des faits dont on m’accusait (j’ai ensuite été relaxé en correctionnelle), qui n’a même pas écrit le mot "conflit de loyauté" en parlant de la situation de mon enfant, et qui étant vieux garçon, ne sait pas ce que peut être la douleur du père séparé et sans droit de visite depuis plusieurs mois, et qui donc ne comprend pas que sur un sujet aussi sensible pe père hausse vle ton.
      Ce monsieur est sans doute un bon thérapeute, mais un piètre expert (à la limite de l’escroquerie).
      Malheureusement, devant le manque d’experts, il est trés sollicité.
      Il se vante d’ailleurs d’en faire beaucoup, mais comme personne ne vient jamais les contrôler, son manque de rigueur n’est pas un problème pour les magistrats.

      Ce qui ne l’interdit pas de facturer 1600 euros pour un couple avec enfant.

    • par Stéphan P. , Le 10 mai 2014 à 23:13

      Vous voulez avoir une idée du contenu et du niveau d’une expertise psychiatrique ? De la part d’experts qui passent pour des sommités dans les médias ? Allez jeter un oeil sur le livre intitulé Festin de haines (facile à trouver via Google).

    • par Citoyenne , Le 12 mai 2015 à 15:23

      Il faudrait penser à dire que la psychiatrie est d’abord là pour enrichir les lobbyistes des laboratoires pharmaceutiques puisque les médicaments seront payés par la secu ...
      la psychiatrie n’est pas une science mais un art puisque non vérifiable :
      - au mieux elle maintient (dans des prisons médicalisés et utilisant parfois des électro chocs) des personnes ayant de graves troubles : jamais ce type de personne n’a été reconnu soigné par la psychiatrie.
      - au pire par le biais de loi très flou , très notamment par la justice avouons nous le : jeu d’avocat et d’influence, la psychiatrie impose a des personnes n’ayant aucun troubles des soins parfois avec des médicaments qui donneront à ces personnes saines d’autres troubles, donc d’autres médocs qui seront payés par la sécu , pour que les labos pharmaceutiques n’aient plus besoin d inventer de fausses épidémie d’hepatite B ou un faux vaccin contre le cancer du col de l utérus : par le biais de la psychiatrie c’est plus discret.
      [
      « http://www.ccdh.fr/Les-enfants-et-la-psychiatrie_r24.html» (CCDH : la nouvelle cible des psychiatres : les enfants, pour vendre plus de médicaments psychiatriques et satisfaire les lobbying des laboratoires pharmaceutiques.)

      https://comitecedif.wordpress.com/2013/07/13/larme-de-linternement/

      http://www.politique-actu.com/osons/militant-psychiatrie-hospitalisation-sous-contrainte-militant-violent/388163/

      Lundi 26 mars 2012, un militant défenseur de l’environnement ........
      La municipalité refuse de donner toute information. La gendarmerie indique que l’action troublait l’ordre public et que le militant présentait un danger… pour lui-même !
      Depuis la promulgation de la nouvelle loi du 5 juillet 2011, sur les hospitalisations psychiatrique sans consentement, des situations analogues sont malheureusement de plus en plus fréquentes envers les militants ou les syndicalistes. En effet, tous les « troubles à l’ordre public » peuvent être dorénavant psychiatrisés, solution de facilité qui entraîne une privation de liberté pendant au moins 48h.

      http://www.egaliteetreconciliation.fr/Laurent-Wetzel-ou-Le-scandale-des-internements-arbitraires-6546.html
      Laurent Wetzel* ou Le scandale des internements arbitraires

      NOUS DEVONS NOUS POSER DES QUESTIONS , car nombreux praticiens ( psychiatre et autres )ne souhaitent pas ces dérives mais peu à peu découvrent qu’elles sont bien réelles et qu’il y a de moins en moins de recours...

    • par annouch , Le 26 novembre 2020 à 15:58

      petite question : pourquoi un juge d’instruction fait il appel a un expert psychiatre ou bien à un expert psychologue ? existe t il une règle dans le choix de l’un ou l’autre ?

    • par Suzanne El kenz , Le 20 mai 2021 à 15:52

      Bonjour, quand le juge demande une expertise psychiatrique aux deux parties et que l’une des parties refuse de la faire, que se passe t’il ?
      Merci pour votre réponse.

  • par LPA , Le 13 mars 2021 à 07:40

    Bonjour, dans le le cadre d’une procédure pour attouchements sur mineur, mon enfant âgé de 4 ans et demi -victime de sa belle mère- a bénéficié d’une expertise auprès de d’une psychologue victimologue, ordonnée par le procureur. En tant que représentant légal, puis-je récupérer le rapport d’expertise ? Si oui, par quel moyen ?

  • Bonjour, j’ai été mis sous contrôle judiciaire avec obligation de soins , j’ai vu un psychologue, un psychiatre , c’est deux spécialistes me suivre depuis trois mois et me fournissent un certificat à chaque consultations. Lors de ma recherche d’un psychiatre l’un d’eux m’a reçu et m’a écouté . A l’a fin de l’entretien je lui est demandé à lui payer la consultation il n’a pas voulut et m’a dit qu’il envoyé son rapport à la juge es-que c’est normal ? Les spécialistes qui me suivent ne le font pas !! Je suis un peu inquiet car personne ne lui a demandé
    merci de votre réponse

    • par Mme REDA-BESSE, Expert judiciaire psychologue clinicienne , Le 20 janvier 2021 à 15:17

      Bonjour Jérémy, j’ai lu votre commentaire avec attention et je peux vous affirmer qu’en tant qu’expert, on ne pas faire n’importe quoi. Un psychiatre ou un psychologue ne peut envoyer son rapport d’expertise au juge que lorsqu’il est missionné par celui-ci, autrement, dans le cadre d’un suivi psy, il est tenu par le secret professionnel. Dans le cadre d’une injonction de soin, le psy doit informer le patient que tout ce qu’il dit n’est pas sous couvert du secret et qu’il peut rendre un rapport au juge d’application des peines pour décrire l’évolution du suivi si cela lui est demandé. cela étant, avant toute chose, le psy doit expliquer son rôle, informer le patient de ses intentions et ne pas juste prendre la personne au dépourvu.

  • par Poudat , Le 2 février 2020 à 09:04

    Bonjour madame je suis actuellement un détenu de la prison de aiton. J’ai pris quinze ans de réclusions criminel et comme la loi l’indique je suis obligé d’avoir une expertise psychiatrique. Mais voilà aujourd’hui je veux faire un aménagement de peine le problème ses que aucun expert ne veux venir dans la prison ou je me trouve. De plus je ne suis pas le seul cas de se genre. Savez vous si cela est normal ? Nous cherchons plusieurs solutions mes nous somme démunie face à cette situation sachant que nous ne somme ni soutenu pas nos spip ni par l’administration pénitentiaire. Auriez vous une solution à nous proposé.J’espère que vous me répondez. Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire se message

  • par Nobody , Le 1er novembre 2019 à 13:47

    Bonjour,

    Suite à la prise et arrêt brutale de plusieurs antalgiques connus pour leurs effets secondaires de type psychiatrique (agressivité, irritabilité, troubles du comportement, risque d’addiction et donc de servage...) il y a eu un accès de violence. Un bilan psychiatrique indique une absence de maladie de ce type. Comment faire reconnaître que cet accès de violence est directement lié aux différents médicaments pris par le patient ?

    Cordialement

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