A cette époque la marque était appliquée sous forme d’un nom, dessin ou bien d’un sceau sur des poteries pour représenter les créations d’un fabricant ou encore l’origine des œuvres.
Depuis un certain temps on assistait à une guerre de marque entre propriétaire d’une marque et contrefacteurs sur le marché, car les consommateurs ne pouvaient plus distinguer le vrai du faux, d’où l’envie de mettre en place un arsenal juridique encadrant ce secteur. Ainsi a vu le jour en 1883 la Convention de Paris qui vise la protection de la propriété industrielle à laquelle les pays signataires ont adapté leur propre loi nationale tel le cas du Maroc avec la loi n° 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle.
Cet accord international constitue un arsenal juridique majeur adopté afin d’aider le créateur à obtenir la protection de ses œuvres intellectuelles à l’étranger. De ce fait, la nécessité d’une protection internationale de la propriété intellectuelle est devenue manifeste lorsqu’en 1873, à Vienne, des exposants étrangers ont refusé de participer au Salon international des inventions par crainte que leurs idées soient dérobées et exploitées sur le plan commercial dans d’autres pays.
Alors comment peut-on définir la marque ? Selon la Convention de Paris, la marque est un signe permettant de distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. Partant parmi les différentes marques retenues par la convention nous avons notamment :
La marque de commerce,
La marque de fabrique,
La marque de service.
Le propriétaire bénéficiaire de la protection législative d’une marque entend faire de sa propriété tout ce dont il veut, l’aliéner, la céder ou encore l’exploiter dans la limite des exigences de la loi et de la concurrence loyale, cependant, une question se pose est de savoir si la protection législative accordée à une marque lui confère une protection relative ou absolue ?
L’étendue de la protection accordée par la loi à une marque.
De quelques formes que ce soient, la propriété de la marque bénéficie d’une protection législative qui semble être ambiguë aux yeux des propriétaires car ils se demandent à quoi bon, une protection si cette dernière est contrefaite. C’est à travers cet aperçu que nous démontrons que la propriété d’une marque bénéficie à la fois d’une protection absolue ou d’une protection absolue.
1. La marque : Une propriété absolue ou relative.
On est propriétaire d’une marque après avoir rempli les exigences imposées par la loi à savoir la procédure d’enregistrement d’une marque auprès de l’organisme chargé de la protection de la propriété industrielle, par exemple au Maroc, c’est l’Office marocain de la propriété industrielle qui se charge de ce secteur.
L’article 140 de la loi marocaine 17-97 relative à la propriété industrielle nous parle de l’acquisition de la propriété de la marque en ces termes « la propriété de la marque s’acquiert par l’enregistrement(…) ». En effet, seul l’enregistrement d’une marque confère à son propriétaire un droit de propriété sur sa marque. Et ledit enregistrement lui confère une protection sans faille qui à l’égard des tiers contrefacteurs donne le droit au propriétaire d’agir en justice.
Aussi, l’article 153 de la loi 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle telle que modifiée et complétée par les lois 23-13 et 31-05 dispose que
« l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu’il a désigné ».
On comprend aisément de ces dispositions que le titulaire d’une marque est reconnu par la loi dès lors que sa marque a été enregistrée et peut de ce fait en disposer l’usage comme bon lui semble, en d’autres termes, le titulaire du titre est libre d’en faire usage comme il l’entend, sous réserve que cet usage ne soit pas contraire à la loi, et d’interdire à autrui d’utiliser ledit titre.
Comme il a été préalablement souligné, l’enregistrement de la marque donne le droit au propriétaire d’agir en justice. Cependant avant de parler de justice, une phase administrative très importante est souvent mise aux oubliettes celle de l’opposition avant toute action en justice. A cet effet, le propriétaire d’une marque peut faire valoir son droit à travers plusieurs moyens, d’où la perception claire et efficace de la protection absolue d’une marque.
A. L’opposition.
Etre propriétaire implique souvent les stratégies ou les mesures à adopter pour la protection ou la défense de son bien sans quoi le titre serait sans valeur. Ces moyens peuvent être soit préventifs soit curatifs.
L’opposition est un moyen de défense à la fois à titre préventif et curatif car elle s’inscrit dans le cadre de la protection des droits des marques. Ainsi l’opposition est une mesure est une procédure qui se déroule devant l’administration publique habilitée dans chaque pays en matière de propriété industrielle.
Au Maroc l’organisme en charge de ce secteur est l’office marocain de la propriété industrielle (OMPIC) qui à travers les dispositions de la loi n°17-97 diligente cette procédure. Elle est un droit d’action prévue à l’article 148.2 relative à la protection de la propriété industrielle qui donne le droit à toute personne se sentant lésée sur ses droit antérieurs qu’elle détient sur sa marque, d’agir en opposition aux fins d’obtenir le rejet d’une demande d’enregistrement nationale ou internationale de sa marque qui est contrefaite ou encore similaire ou identique.
Il faut rappeler que c’est une procédure contradictoire qui permet aux parties d’échanger leurs différentes observations et arguments afin que l’Office puisse statuer sur le bien-fondé de la demande.
Mais qui peut agir en action en opposition ?
En effet, les personnes à qui le droit d’action en opposition est accordé sont limitativement désignées par la loi.
Autrement, ne peuvent agir en opposition que les titulaires de droit légalement prévus :
le titulaire d’un droit antérieur, c’est-à-dire celui dont la marque a déjà été protégée ou ayant fait simplement l’objet d’un dépôt antérieur et dont l’enregistrement n’est pas encore confirmé,
Ensuite, bien que la loi ne définisse pas la marque notoire, elle accorde le droit d’action en opposition au titulaire d’une marque notoire,
Aussi, la loi reconnait le droit d’action en opposition au titulaire d’une indication géographique ou d’une appellation d’origine protégées,
Enfin, ce droit est également accordé au bénéficiaire d’une licence d’exploitation, à moins que les stipulations du contrat de licence en aient prévu autrement.
Lorsque l’action de l’opposant n’est pas fondée sur l’un des droits ci-dessus énumérés, elle sera automatiquement jugée irrecevable sans qu’il soit besoin d’examiner le fond. Le droit d’agir en opposition est prescrit dans un délai de deux mois (2 mois) et ce, à compter de la publication de la demande d’enregistrement de la marque visée, à défaut les titulaires susvisés perdent le droit d’agir en opposition.
Il peut sembler vrai que l’opposition est un moyen efficace pour défendre sa marque contrefaite ou imitée mais il reste encore plus intéressant de se prévaloir des actions en justice quand on sent que tout est perdu en opposition car les actions en justice sont une solution ultime pour assurer la protection absolue de sa marque.
B. Les actions en justice.
Les titulaires des marques sont souvent désemparés quand ils perdent en opposition toutefois, les actions judiciaires ont été prévues par la loi 17-97 comme voies et moyens pour permettre aux titulaires des droits antérieurs de défendre leurs marques. Ces actions sont automatiquement suivies par le versement des dommages-intérêts en compensation du préjudice subi.
- L’action en nullité.
La nullité en droit des contrats est une sanction qui frappe un acte juridique entaché d’irrégularité dans sa formation, d’où son effet rétroactif. En principe, le droit de marque se perd lorsque son titulaire décide délibérément et expressément d’y renoncer, laquelle renonciation peut être totale ou partielle (voir article 160 de la loi 17-97).
L’action en nullité de la marque est une action qui est accordée à tout tiers intéressé, de pouvoir invoquer en justice par voie principale ou reconventionnelle, la nullité d’une marque enregistrée. De fait, l’enregistrement d’une marque ne lui confère pas la garantie sur sa validité, mais seulement une présomption de validité qui peut être combattu par la preuve contraire que la marque ne satisfait pas aux exigences légales.
L’article 161 de la loi 17-97 nous parle à propos de la nullité en ce sens :
« Tout intéressé, y compris le ministère public, peut demander la nullité de l’enregistrement d’une marque effectué en violation des dispositions des articles 133 à 135 ci-dessus. Seul le titulaire d’un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l’article 137 ci-dessus. Toutefois, son action n’est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s’il en a toléré l’usage pendant cinq ans. La décision d’annulation a un effet absolu ».
Cette action est également accordée au titulaire d’une marque notoire dans un délai de 5 ans à compter de la date de l’enregistrement, sous peine de voir l’irrecevabilité de son action cause de la prescription du délai (article 162 de la loi 17-97).
Lorsqu’elle intentée sur la base des faits de contrefaçon, l’action est également prescrite de cinq ans selon la Cour de cassation marocaine.
Il ressort de ces dispositions qu’il faut nécessairement, afin de pouvoir agir en nullité d’une marque, être titulaire d’un droit antérieur ou d’une marque notoire, et ne pas être frappé de forclusion. Quant à la bonne foi, elle est appréciée par les juges du fond. Ainsi, l’annulation peut être totale ou partielle et la décision du juge à un effet rétroactif.
- L’action en déchéance.
La déchéance du droit de marque est une sanction de justice qui frappe le titulaire d’une marque, alors que cette dernière remplissait au moment du dépôt, toutes les conditions d’acquisition et de validité du droit. Il ne s’agit pas d’un défaut de paiement des annuités comme en droit des brevets.
Elle intervient à la demande de tout tiers intéressé par l’exploitation de la marque.
Les articles 163 et 164 de la loi 17-97 énumèrent les causes pouvant entrainer la déchéance de marque. Tout d’abord, la non-exploitation de la marque pendant un certain délai. La durée de l’absence d’exploitation est de 5 ans. De fait, toute marque à naturellement une raison d’être commerciale, inexploitée, la marque perd donc cette raison d’être, ce qui autorise tout tiers intéressé à demander sa disparition.
Encourt également la déchéance, une marque devenue la désignation usuelle dans le commerce par le fait de son titulaire ou frappée d’une dégénérescence qui lui fait perdre son caractère distinctif. Dans ce dernier cas, la marque perd son caractère réceptif qui lui avait permis de s’enregistrer.
Enfin, la marque risque la déchéance, lorsque par le fait de son propriétaire, elle acquiert un caractère propre à induire le public en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique, du produit ou du service.
L’effet principal de la décision de déchéance est, l’extinction du droit sur la marque.
La décision a un effet erga omnes (opposable à tous) et doit être reportée au registre national des marques pour assurer la publicité des tiers.
Cette problématique est illustrée par la célèbre affaire française Inès de la Fressange. Inès de la Fressange avait créé une société à son nom et déposé, par le biais de celle-ci, différentes marques reprenant les termes « Inès de la Fressange ».
La société a ensuite été rachetée par un tiers, qui en a également repris les marques, prenant la décision peu après de licencier la fondatrice. Inès de la Fressange a alors saisi la justice en sollicitant notamment la déchéance des marques « Inès de la Fressange ». Cette dernière estimait en effet que ces marques étaient devenues trompeuses, puisque le public était porté à croire que les produits lui étaient toujours liés, alors qu’elle ne faisait plus partie de la société.
Le tribunal de grande instance et la cour d’appel de Paris firent droit à cette demande, considérant que la marque était devenue trompeuse pour le consommateur.
Cette jurisprudence a cependant été contredite au niveau européen peu de temps après, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) ayant jugé dans une affaire similaire que la marque n’était pas trompeuse de ce seul fait, en l’absence d’un argument de vente faisant croire faussement au consommateur que la personne au nom de laquelle la marque correspondait participait toujours à la fabrication du produit alors qu’elle n’avait en réalité plus de lien avec la société.
- L’action en contrefaçon.
Ainsi, l’action en contrefaçon permet au titulaire de droit de défendre son droit patrimonial, notamment contre toute fabrication, importation ou mise en vente d’un produit protégé par un brevet, toute reproduction de son modèle ou de sa marque, usage ou apposition de cette marque, sans son autorisation. L’action sanctionne en réalité, un droit privatif spécialement protégé par la loi.
En raison de sa gravité, la contrefaçon est sanctionnée à la fois sur le plan civil et pénal.
Selon les dispositions de la loi 17-97 ci-dessus citée, l’action en contrefaçon est accordée au propriétaire de la marque, mais aussi au détenteur d’une licence exclusive, sauf dispositions contractuelles contraires (article 202). La prescription de l’action est de trois ans, à compter de la date des faits qui en sont la cause.
Le tribunal saisi de l’action peut interdire, à titre provisoire ou sous astreinte, la poursuite des actes argués de contrefaçon, ou subordonner cette poursuite à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation du propriétaire du titre de propriété industrielle ou du bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation. Les juges du fond détiennent en effet, un large pouvoir souverain d’appréciation de l’acte de contrefaçon.
Sur le plan pénal, l’action est punie d’une peine de deux à six mois d’emprisonnement et d’une amende de 50 000 à 500 000 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement, conformément à la loi 17-97. Ces peines pouvant passer au double en cas de récidive.
La Cour d’appel dans une décision a estimé qu’en matière d’imitation et de mise en vente des produits contrefaits, la mauvaise foi est présumée, en vue de protéger la propriété industrielle de la contrefaçon. La responsabilité est engagée du simple fait qu’il y ait mise en vente du produit contrefait. Par ailleurs la Cour suprême enjoint aux juges de fond en matière de contrefaçon, de donner une base légale à leur décision en établissant l’existence des différents éléments constitutifs de l’infraction et notamment le fait que l’imitation était de nature à tromper l’acheteur et que le prévenu a agi avec intention frauduleuse. L’action en contrefaçon peut être connexe à une action en concurrence déloyale, mais ne se confond pas elle.
- L’action en concurrence déloyale.
L’accord révisé de Bangui de 1977 instituant l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI), dispose que : « constitue un acte de concurrence déloyale tout acte ou pratique qui, dans l’exercice d’activités industrielles ou commerciales, est contraire aux usages honnêtes ». L’élément majeur dans cette pratique ou manœuvre déloyale, est le détournement de la clientèle.
Toutes les définitions légales vont dans le même sens. Ainsi, les actes de concurrence déloyale se matérialisent très souvent par :
La recherche de confusion dans l’esprit du public ;
Le dénigrement de nature à lancer du discrédit sur le concurrent ;
Les indications ou allégations de nature à tromper le public sous forme d’un parasitisme, pouvant même engendrer une désorganisation.
Les éléments clés qui caractérisent cette définition sont le risque de confusion, allégation fausses ou trompeuses, le parasitisme et la non-conformité. De façon générale, c’est sur ces éléments que se fonde l’appréciation du juge pour identifier les actes constitutifs de concurrence déloyale.
Selon la jurisprudence marocaine, « constitue une concurrence déloyale, le fait d’user d’un nom ou d’une marque à peu près similaire à ceux appartenant légalement à une maison ou fabrique déjà connue, ou à une localité ayant une réputation collective, de manière à induire le public en erreur sur l’individualité du fabricant et la provenance du produit » ; ou encore, le fait de commercialiser des produits sous le nom d’une marque déjà protégée, ce qui peut justifier la radiation de la marque incriminée des registres de l’office marocain de la propriété industrielle et commerciale, même si les deux sociétés n’interviennent pas dans le même secteur d’activité et qu’il n’y a aucun point commun entre les produits commercialisés.
De même, la Cour de cassation précise que le fait d’adopter un logo similaire à celui protégé par le droit de propriété intellectuelle constitue un acte de concurrence déloyale, même s’il y a une différence de couleurs entre les deux logos. Dans le même sens, la Cour suprême marocaine dans une affaire a confirmé le fait que le tribunal ait considéré que l’importation par la demanderesse d’un mixeur d’imitation constitue un acte de concurrence déloyale, au sens de l’article 84 du C.O.C., conformément aux dispositions de l’article 90 du Dahir du 23/06/1916 concernant la propriété industrielle.
L’action en concurrence déloyale s’inspire des techniques de la responsabilité civile. En conséquence, sa mise en mouvement est conditionnée par l’existence d’une faute, un dommage et un lien de causalité. L’action en concurrence déloyale a pour principal effet, la cessation des faits ou actes de concurrence visés, ainsi que des dommages et intérêts conséquent.
- L’action en revendication.
L’action en revendication est une action qui autorise tout présumé titulaire d’un droit de propriété, de pouvoir revendiquer sa propriété part voie judiciaire, dans quelques mains qu’elle se trouve. Cette action est une conséquence du caractère absolue et erga omnes de la propriété telle que décrite plus haut.
L’action est prévue à l’article 142 de la loi 17-97 en ces termes
« Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice ».
L’action est prescrite de trois ans à compter de la date de l’enregistrement de la marque au registre national des marques, sauf mauvaise foi du déposant. La décision a pour effet de réhabiliter le titulaire légitime de la propriété ou de la marque dans ces droits.
En définitive, la propriété d’une marque est absolue dès lors que le titulaire de la marque fait enregistrer sa marque pour enfin bénéficier des moyens judiciaires qu’offre la loi 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle.
Parler de la relativité de la propriété d’une marque ne trouve pas son fondement dans la loi car la propriété d’une marque n’est relative que si son titulaire n’a pas pris le soin de l’enregistrer auprès des autorités compétentes en charge de ce secteur.
D’où le principe pas d’enregistrement, pas de propriété de la marque.
Discussion en cours :
La réflexion a été profonde sur ce sujet, et en fin de compte l’étude menée est belle et bien celle là. Belle rédaction mon cher juriste.