Projets de réhabilitation et règles d’urbanisme.

Par Axel Bertrand, Avocat.

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Explorer : # réhabilitation immobilière # règles d'urbanisme # travaux sur constructions existantes # conformité légale

Les projets de réhabilitation constituent une part croissante des projets immobiliers. Ils ne peuvent toutefois être autorisés qu’à des conditions bien spécifiques, plus contraignantes que celles applicables aux constructions nouvelles. Pour chaque projet, après avoir vérifié la régularité de la construction existante, il convient de s’assurer de la légalité des travaux projetés.

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Les projets de réhabilitation constituent une part croissante des projets immobiliers.

Les causes sont multiples : augmentation du coût des matériaux et des taux, raréfaction du foncier, objectif de zéro artificialisation nette, lutte contre le changement climatique, ou encore des raisons de politique locale.

Ces projets ne peuvent toutefois être autorisés qu’à des conditions bien spécifiques, plus contraignantes que celles applicables aux constructions nouvelles.

Dans le langage courant, un projet de réhabilitation consiste à remettre en état un bâtiment, voire le transformer, sans pour autant le détruire et en conservant des éléments de structure.

La réhabilitation se distingue donc de la restauration, qui implique le retour d’un bâtiment à son état originel, de la rénovation qui implique une amélioration (par exemple la rénovation énergétique) et de la reconstruction qui implique une identité à l’état antérieur.

Sur le plan juridique, les termes « réhabilitation » ou « réhabiliter » sont présents à plusieurs reprises dans le Code de l’urbanisme mais ne sont pas définis. Ils ne le sont d’ailleurs ni par les textes, ni par la jurisprudence administrative. Cette dernière évoque seulement, selon les cas, des projets de « construction » ou de « réhabilitation ».

Ces catégories se matérialisent toutefois juridiquement à travers la distinction entre « constructions nouvelles » et « travaux sur constructions existantes » (article L421-1 du Code de l’urbanisme).

Dans la plupart des cas, les projets dits de réhabilitation supposent donc des travaux sur constructions existantes.

La notion de construction existante repose sur deux conditions cumulatives : la construction doit avoir une existence physique et une existence légale [1].

L’existence physique suppose que la construction ne soit pas en état de ruine ou inachevée, sauf si elle a atteint un état d’avancement des travaux suffisants. Des travaux portant sur une construction dans un état de délabrement avancé ne portent donc pas sur une construction existante (CE, 13 novembre 2019, n°419067).

En pratique, il faut au moins que le gros œuvre ait été achevé (CAA Marseille, 11 décembre 2008, n°06MA03324) [2].

L’existence légale suppose que la construction ait été autorisée par une autorisation administrative valide et définitive, et que les travaux aient été réalisés en conformité.

Sur ce point, la preuve repose sur le pétitionnaire. La construction doit avoir été édifiée, soit avant la loi du 15 juin 1943 relative au permis de construire, soit conformément à l’autorisation requise obtenue. À défaut, la construction est réputée dépourvue d’existence légale (CAA Marseille, 9 juillet 2007, n°04MA01976).

En présence d’une construction existante, il n’est toutefois possible de réaliser des travaux si certaines conditions juridiques bien précises sont réunies.

Il s’agit de la régularité de la construction existante (I.) et de la légalité des travaux sur existant (II.).

I. La régularité de la construction existante.

La construction existante doit avoir été autorisée et les travaux réalisés en conformité, cette condition s’appréciant au jour où les travaux sont exécutés.

Dans le cas contraire, toute nouvelle demande d’autorisation doit porter sur les éléments non autorisés, sans quoi l’administration est tenue de rejeter la demande(CE, 9 juillet 1986, Thalamy, n°51172).

Il s’agit d’une compétence liée pour l’administration qui doit inviter le pétitionnaire à présenter une demande portant sur l’ensemble des éléments soumis à autorisation (CE, 27 juillet 2012, n°316155). Cette invitation constitue une simple information qui n’a pas à précéder le refus de permis de construire ou l’opposition à déclaration préalable (CE, 30 décembre 2020, Commune de Villeneuve-Loubet, n°432421).

Si l’autorisation est malgré tout accordée, cette illégalité ne peut alors être régularisée en application des articles L600-5 ou L600-5-1 du Code de l’urbanisme (CE, 6 octobre 2021, société Marésias, n°442182).

Ce principe s’applique également si les éléments de construction résultant des travaux ne prennent pas appui sur la partie édifiée sans autorisation (CE 16 mars 2015, M. et Mme La Marque, n°369553).

Cette imprescriptibilité administrative étant l’objet de nombreuses critiques, le législateur a finalement créé une prescription administrative (article 9 de la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement).

Désormais, la jurisprudence “Thalamy” ne s’applique pas si la construction est achevée depuis plus de 10 ans (article L421-9 du Code de l’urbanisme).

Il existe toutefois de nombreuses exceptions à cette prescription, dont la principale concerne les hypothèses où la construction a été réalisée sans permis de construire alors qu’il était requis. Il s’agit des cas suivants :

  • Lorsque la construction est de nature à exposer ses usagers ou des tiers à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;
  • Lorsqu’une action en démolition a été engagée, que le permis a été annulé et se situe dans certaines zones ;
  • Lorsque la construction est située dans un parc national ou dans un site classé ;
  • Lorsque la construction est située sur le domaine public ;
  • Lorsque la construction a été réalisée sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu alors que celui-ci était requis ;
  • Dans les zones de risque des PPR (inondations, mouvements de terrain, incendies…) ;
  • Lorsque la construction a été réalisée sans consignation de la somme prescrite par l’autorisation d’urbanisme.

II. La légalité des travaux sur existant.

Si la construction existante a été régulièrement édifiée, ou qu’elle bénéficie de la prescription administrative, deux hypothèses se présentent en cas de travaux.

Première hypothèse : la construction existante est conforme aux règles d’urbanisme en vigueur. Dans ce cas, les travaux doivent également l’être pour être autorisés, comme pour une construction nouvelle.

Seconde hypothèse : la construction existante n’est pas conforme aux règles d’urbanisme en vigueur.

Dans ce cas, les travaux ne peuvent être autorisés que s’ils rendent l’immeuble plus conforme aux règles d’urbanisme méconnues ou lui sont étrangers (CE, Section, 27 mai 1988, Sekler, n°79530).

Il s’agit toutefois de conditions supplétives. Si le PLU encadre les travaux sur constructions existantes à d’autres conditions, ce sont ces dernières qu’il convient d’appliquer. Les PLU prévoient souvent une condition de « non-aggravation » à la place du critère tenant à l’amélioration de la conformité (par exemple le PLU de Paris en vigueur).

La condition tenant à l’amélioration de la conformité, ou la non-aggravation, ne pose pas de difficultés.

La condition tenant à la réalisation de travaux étrangers aux règles d’urbanisme méconnues est plus difficile à apprécier.

Ce sont des travaux dépourvus de lien avec la règle méconnue par l’existant, ou sans effets sur le respect de cette règle.

Il s’agit par exemple :

En revanche ne sont pas étrangers aux règles d’urbanisme :

  • La surélévation d’un bâtiment lorsque la règle d’alignement est méconnue (CE, Section, 15 mai 1992, n°103051), ou celle de retrait avec les limites séparatives (CE, 29 décembre 1993, n°131613) ;
  • La surélévation d’une construction lorsque la règle de distance d’implantation des constructions sur une même propriété est méconnue (CE, 1er février 1991, n°88131) ;
  • La création de logements par rapport à une règle imposant un nombre minimal de place de stationnement par logement ou l’extension de logements par rapport à une règle imposant un nombre nombre minimal de place de stationnement en fonction de la surface de plancher a contrario (CE, 4 avril 2018, n°407445) ;
  • La transformation d’une toiture plate en toiture-terrasse par rapport à la règle de retrait avec les limites séparatives (CAA Lyon, 30 mai 2017, n°15LY01374).

Cette condition doit impérativement faire l’objet d’une appréciation au cas par cas, en fonction des caractéristiques du projet et des prescriptions du PLU applicable.

En définitive, les projets de réhabilitation, qui supposent des travaux sur une construction existante, ne peuvent donc être autorisés qu’après s’être assuré, d’une part, de la régularité de la construction existante, et, d’autre part, de la légalité des travaux projetés selon les conditions ainsi exposées.

Axel Bertrand
Avocat en droit de l’urbanisme au barreau de Paris, associé du cabinet Asten Avocats
https://astenavocats.com/

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Notes de l'article:

[1Rép. Min. Ecologie QE n°15368 ; Rép. Min. Ecologie QE n°89615 https://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-89615QE.htm

[2Rép. Min. Egalité des territoires et logement QE n°37112 https://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-37112QE.htm

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