La procédure disciplinaire des chirurgiens-dentistes.

Par Avi Bitton, Avocat et Lucine Bertrand, Juriste.

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Explorer : # déontologie # sanctions # procédure disciplinaire # chirurgiens-dentistes

Comment se déroule la procédure disciplinaire des chirurgiens-dentistes ?
Quels sont les manquements sanctionnés ?
Qui peut introduire l’action disciplinaire ?
Quelles sont les sanctions encourues ?
Quels sont les recours ?

-

L’action disciplinaire introduite à l’encontre du chirurgien-dentiste vise à sanctionner des manquements aux obligations déontologiques, c’est-à-dire les devoirs inhérents à l’exercice de la profession.

1. Quels sont les manquements sanctionnés ?

Les règles déontologiques applicables aux pharmaciens sont codifiées aux articles R4127-201 et suivants du Code de la santé publique (CSP).

Les principales obligations déontologiques sont les suivantes :
- R4127-204 : « Le chirurgien-dentiste ne doit en aucun cas exercer sa profession dans des conditions susceptibles de compromettre la qualité des soins et des actes dispensés ainsi que la sécurité des patients. Il doit notamment prendre, et faire prendre par ses adjoints ou assistants, toutes dispositions propres à éviter la transmission de quelques pathologies que ce soit ».

La chambre disciplinaire nationale de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes a jugé le 28 avril 2014 (n° 2147) que le patient en consultant Docteur B. en mars 2009 pour la pose de quatre implants et un blanchiment de ses dents « en procédant à la pose de facettes  » s’est vu proposer, à la place de la pose de facettes, la mise en place de couronnes sur chacune des dents ; que la réalisation par le Docteur B. de dix-neuf inlayscore sur des dents initialement saines et exemptes de toute obturation a correspondu à des soins inutiles qui doivent être tenus pour gravement fautifs, le condamne à l’interdiction d’exercice pendant 4 mois ;
- R4127-212 : « Le chirurgien-dentiste ne doit pas abandonner ses patients en cas de danger public, si ce n’est sur ordre formel et donné par écrit des autorités qualifiées » ;
- R4127-233 : « Le chirurgien-dentiste qui a accepté de donner des soins à un patient s’oblige : 1° A lui assurer des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science, soit personnellement soit lorsque sa conscience le lui commande en faisant appel à un autre chirurgien-dentiste ou à un médecin » ;
- R4127-236 : « Le consentement de la personne examinée ou soignée est recherché dans tous les cas, dans les conditions définies aux articles L1111-2 et suivants. Lorsque le patient, en état d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le chirurgien-dentiste doit respecter ce refus après l’avoir informé de ses conséquences ». A titre d’exemple, une patiente avait donné son consentement à la pose d’une couronne dentaire ; en revanche, elle n’avait pas consenti à la pose d’une couronne de type à incrustation vestibulaire, faute d’avoir été informée et consultée sur ce point par son chirurgien-dentiste. La patiente avait porté plainte devant la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des chirurgiens-dentistes. Le Conseil d’Etat rappelle ainsi que hors les cas d’urgence ou d’impossibilité de consentir, la réalisation de soins dentaires ou d’un traitement auquel le patient n’a pas consenti constitue une faute disciplinaire. Il précise encore que la circonstance qu’un patient détienne des connaissances en la matière ne saurait dispenser le chirurgien-dentiste de satisfaire à son obligation de l’informer, par un entretien individuel, de manière loyale, claire et appropriée sur son état de santé et les soins et traitements qu’il propos ;
- R4127-240 : « Le chirurgien-dentiste doit toujours déterminer le montant de ses honoraires avec tact et mesure ».

Un praticien a été condamné à huit mois d’interdiction d’exercice dont 6 mois avec sursis pour avoir imposé à ses patients de régler la totalité des honoraires avant le début des soins et le système de crédit organisé par le cabinet dentaire ; ces faits étaient non seulement gravement fautifs au regard des obligations déontologiques des chirurgiens-dentistes qui ne prévoient que le versement éventuel d’acomptes et interdisent la participation du praticien à des opérations bancaires de financement des soins.

En 2018, 48.73 % des procédures examinées par le Conseil de l’Ordre portaient sur la qualité de soins (absence de soins consciencieux, soins dangereux ou inadaptés – articles R4127-204 et 4127-33 et suivants du CSP)

2. Qui peut introduire une action disciplinaire ?

L’action disciplinaire contre un chirurgien-dentiste peut être introduite par (Art R4126-1 CSP) :
- Les patients, les particuliers, les organismes d’assurance maladie, les chefs ou responsables du service du contrôle médical, les associations de défense des droits des patients ;
- Le Conseil national ou le Conseil départemental agissant de leur propre autorité ou à la suite de plaintes formées notamment par les patients, les particuliers, le service médical… ;
- Le ministre de la santé, le préfet, le directeur général de l’agence régionale de santé, le procureur de la République du tribunal judiciaire ;
- Un syndicat ou une association de praticiens.

L’action disciplinaire est introduite devant la Chambre disciplinaire de première instance, présidée par un magistrat de l’ordre administratif et composée de membres titulaires et suppléants élus parmi les membres du conseil régional et les membres et anciens membres des conseils de l’ordre.

3. Comment se déroule la procédure disciplinaire ?

Le praticien peut se faire assister soit par un avocat ou par un confrère inscrit au tableau de l’ordre auquel ils appartiennent, soit par l’un et l’autre.

Aucune peine disciplinaire ne peut être prononcée sans que le chirurgien-dentiste en cause ait été entendu ou appelé à comparaitre (Art L4126-1 CSP).

3.1. La phase préalable : la conciliation.

Cette phase est obligatoire et conditionne la validité de l’action disciplinaire contentieuse (Art R4127-259 CSP). D’ailleurs, le refus d’y participer est considéré comme un manquement disciplinaire.

L’objectif est d’encourager le règlement à l’amiable des procédures disciplinaires.

Au sein de chaque Conseil central ou régional, trois conseillers sont désignés conciliateurs ; ils sont compétents pour examiner les plaintes et tenter une résolution amiable.

Les parties sont convoquées dans le délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte en vue d’être entendues pour rechercher une résolution amiable.

Si cette phase n’aboutit pas, la plainte est transmise, avec l’avis motivé du conseil, à la chambre disciplinaire de première instance dans un délai de trois mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte.

3.2. La procédure contentieuse.

L’article L4124-1 du Code de la santé publique dispose que :

« La chambre disciplinaire de première instance doit statuer dans les six mois du dépôt de la plainte. A défaut, le président de la chambre disciplinaire nationale peut transmettre la plainte à une autre chambre disciplinaire de première instance ».

Pour ce faire, elle désigne un rapporteur qui instruit le dossier qui peut procéder à l’audition du praticien poursuivi, recueillir tout témoignage et procéder ou faire procéder à toutes constatations nécessaires à la manifestation de la vérité.

Aux termes de l’article R4126-14 du Code de la santé :

« le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit reçoit communication des mémoires et pièces produites par les parties, peut produire des observations qui sont communiquées aux parties, qu’il se soit ou non associé à la plainte qu’il a transmise ».

Une fois l’instruction clôturée, les parties sont convoquées à l’audience. Le chirurgien-dentiste doit obligatoirement comparaitre devant la juridiction ordinale. L’audience est publique, sauf exceptions.

4. Quelles sont les sanctions encourues ?

La juridiction disciplinaire prononce, s’il y a lieu, l’une des peines suivantes (L4124-6, CSP) :
- L’avertissement ;
- Le blâme ;
- L’interdiction temporaire avec ou sans sursis ou l’interdiction permanente d’exercer une, plusieurs ou la totalité des fonctions de chirurgien-dentiste ;
- L’interdiction temporaire d’exercer avec ou sans sursis pour une durée ne pouvant excéder trois ans ;
- La radiation du tableau de l’Ordre.

Les deux premières de ces peines comportent, en outre, la privation du droit de faire partie d’un conseil, d’une section des assurances sociales de la chambre de première instance ou de la section des assurances sociales du Conseil national, d’une chambre disciplinaire de première instance ou de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre pendant une durée de trois ans ; les suivantes, la privation de ce droit à titre définitif.

Les peines et interdictions s’appliquent sur l’ensemble du territoire de la république.

Lorsqu’un chirurgien-dentiste a été condamné par une juridiction pénale pour tout autre fait qu’un crime ou délit contre la nation, l’État ou la paix publique, la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre peut prononcer, s’il y a lieu, à son égard, dans les conditions des articles L4126-1 et L4126-2, une des sanctions prévues à l’article L4124-6 cité ci-dessus.

5. Quels sont les recours ?

Les personnes ayant qualité pour faire appel sont l’auteur de la plainte ; le professionnel sanctionné ; le ministre chargé de la Santé ; le directeur général de l’agence régionale de santé ; le procureur de la République ; le conseil départemental ou territorial ; le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes.

L’appel est porté devant la chambre disciplinaire nationale, siégeant auprès du Conseil National. Elle est présidée par un membre du Conseil d’État.

L’appel doit être interjeté dans le mois qui suit la notification de la décision.

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris
Ancien Membre du Conseil de l’Ordre
Site : https://www.avibitton.com

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