Le praticien mis en cause a reconnu les faits, lesquels étaient objectivés par un constat d’huissier. Il a tenté de les justifier par une volonté d’éviter des difficultés économiques à sa consœur, qui selon lui ne facturait pas les actes pratiqués à leur juste valeur. De plus, le praticien mis en cause soutenait avoir été tacitement autorisé à accéder aux dossiers via le logiciel de gestion du cabinet commun aux 2 praticiens.
Il soutenait enfin que dans le cadre de la continuité des soins souhaité par le cabinet, il était amené à prendre en charge certains patients de sa consœur de même spécialité dans le cadre du planning d’astreinte mis en place.
La plaignante contestait lesdites explications au regard des modifications constatées par l’huissier de justice. En effet, les patients concernés n’avaient jamais été suivis par son confrère et les rectifications de cotations nécessitaient que le praticien soit rentré dans le dossier patient en violation du secret médical. Elle précisait avoir découvert les faits suite aux plaintes des patients concernés dont les facturations ne correspondait pas au devis initial.
En l’absence de conciliation, la plainte était transmise à la Chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins, le Conseil de l’Ordre s’étant associé à la procédure.
La plainte reposait sur la violation directe des principes énoncés dans le Code de déontologie médicale. Il était ainsi reproché au praticien d’avoir accédé sans autorisation aux dossiers médicaux de patients, et de les avoir modifiés, portant ainsi atteinte aux articles R4127-4 (secret professionnel), R4127-31 (déconsidération de la profession) et L1110-4 du Code de la santé publique.
Dans une décision rendue en début d’année 2025, la Chambre Disciplinaire de première instance des Médecins de Nouvelle Aquitaine a sanctionné le praticien par une interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois, dont deux mois avec sursis.
La Chambre rappelle que toute manipulation unilatérale d’un devis ou toute consultation non autorisée de données médicales constitue une faute disciplinaire majeure. Elle souligne la gravité des faits dénoncés et leur répétition ainsi que les conséquences négatives que ces modifications ont eu sur la relation entre le médecin plaignant et ses patients.
La juridiction a ainsi relevé les violations multiples du Code de déontologie médicale et a rappelé les principes suivants :
- Article L1110-4 CSP : le secret médical est un droit fondamental du patient. Son respect s’impose à tout professionnel, sauf exceptions expressément prévues. Ici, l’accès aux dossiers sans justification thérapeutique ni consentement explicite est une entorse frontale à ce principe.
- Article R4127-3 CSP : exigence de probité, de moralité et de dévouement. Modifier un devis à la hausse, sans concertation, est une atteinte à la probité.
- Article R4127-4 CSP : le secret médical couvre non seulement ce qui a été confié par le patient, mais aussi tout ce que le médecin voit, entend ou comprend dans l’exercice de ses fonctions.
- Article R4127-31 CSP : interdiction pour un médecin de se livrer à des actes susceptibles de déconsidérer la profession. Le détournement de la cotation des actes y entre pleinement.
- Article R4127-56 CSP : obligation de loyauté confraternelle. L’acte reproché traduit non seulement une absence de concertation mais aussi une trahison de la confiance indispensable à l’exercice en commun.
La juridiction souligne qu’appartenir à une même structure (type SCM ou SEL) ne dispense en rien de respecter les droits des patients ni la frontière professionnelle entre praticiens.
Le raisonnement est limpide : l’intention subjective (aider un confrère financièrement) ne peut justifier un manquement aux obligations fondamentales du médecin. La loyauté professionnelle, la transparence, et le respect des données médicales s’imposent en toutes circonstances.