Les sociétés prestataires de loteries de bienfaisance pour le compte d’associations.

Par Edmond Pailloux, Avocat.

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Explorer : # loteries de bienfaisance # jeux d'argent et de hasard # réglementation # associations

Un bref aperçu de la viabilité juridique de la création d’une société de conseil en évènementiel digital qui aurait pour objet l’organisation de loteries ou tombolas de bienfaisance pour le compte d’associations.

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Il conviendra en premier lieu de nous intéresser au cadre législatif et réglementaire qui encadre l’exploitation de jeux d’argent et de hasard par des personnes non-opérateurs de jeu (I), pour ensuite envisager la possibilité de créer une société ayant pour objet l’organisation de loteries et de tombolas de bienfaisance pour le compte d’associations (II).

Nb : Par soucis de commodité, nous utiliserons le terme générique de loterie dans les développements à venir, pour désigner les lotos et les tombolas, considération prise du fait que ces deux jeux sont soumis au même régime juridique.

A titre liminaire, il convient de distinguer les lotos traditionnels organisés dans un cercle restreint des loteries de bienfaisance ou promouvant les arts et les sports.

Par exception au principe général d’interdiction des jeux d’argent et de hasard posé à l’article L320-1 du Code de la sécurité intérieure, les lotos traditionnels sont tolérés et leur régime juridique est développé à l’article L322-4 du même Code.

Les lotos traditionnels, qui sont notamment très populaires en milieu rural, sont tolérés, lorsqu’ils sont organisés par des personnes non-opérateurs de jeux, si quatre conditions sont respectées :
- Le loto doit être organisé dans un cercle restreint ;
- Il doit être organisé dans un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d’animation social ;
- Les mises doivent être de faible valeur, en tout cas, inférieures à 20 euros ;
- Les lots proposés aux participants ne doivent, en aucun cas, consister en des sommes d’argent, ni être remboursés.

La loi ne fixe pas de valeur maximale pour les lots proposés.

Ces lotos ne sont soumis à aucune autorisation préalable et se déroulent sous la responsabilité civile et pénale de leurs organisateurs.

Seul le secteur associatif a vocation à organiser de tels évènements. Les projets de nature commerciale, consistant en l’organisation de soirées loto clef en main, en raison de la recherche du profit qui leur est inhérente, sont illégaux.

En effet, il arrive que des sociétés commerciales, agissant en véritables prestataires de soirées lotos clefs en main, se substituent complètement aux associations.

Ce faisant, elles encourent un risque pénal , pour organisation de loteries prohibées, faits prévus et réprimés par l’article L324-1 du Code de la sécurité intérieur.

I- L’exploitation de jeux d’argent et de hasard par des personnes non-opérateurs de jeux.

En principe, en France, conformément à l’article L320-1 du Code de la sécurité intérieur, les jeux d’argent et de hasard, en ce compris les loteries et les tombolas, sont prohibés.

Cet article donne la définition suivante des jeux de hasard :

« Sont réputés jeux d’argent et de hasard et interdits comme tels toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l’espérance d’un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé de la part des participants ».

Cependant, les articles L320-6 et L322-3 du même Code, prévoient des exceptions au principe général d’interdiction.

Ainsi, l’article L322-3 du Code de la sécurité intérieure prévoit que :

« Sont exceptées des dispositions de l’article L320-1 les jeux d’argent et de hasard exploités par des personnes non opérateurs de jeux et pour lesquels le gain espéré est constitué d’objets mobiliers exclusivement destinées à des actes de bienfaisance, à l’encouragement des arts ou au financement d’activités sportives à but non lucratif, lorsqu’elles ont été autorisées par le maire de la commune où est situé le siège social de l’organisme bénéficiaire et, à Paris, par le préfet de police ».

Les tombolas et les loteries de bienfaisance relèvent de cette catégorie.

Les critères d’autorisation d’une tombola ou loterie de bienfaisance.

- Organismes bénéficiaires.

L’organisme qui sollicite une autorisation de loterie ou de tombola doit avoir statutairement pour principale activité la bienfaisance, l’encouragement des arts ou le financement d’activités sportives, le tout, dans un but non lucratif.

- Affectation des sommes récoltées.

Les loteries doivent être organisées pour mener à bien des actions spécifiques et les sommes récoltées ne doivent pas être employées au règlement des frais de fonctionnement de l’association, à régler ses dépenses courantes ou à combler un déficit.

Les sommes récoltées doivent consister en une aide directe, matérielle et immédiate qui ne doit pas bénéficier uniquement aux seuls adhérents de l’organisme.

- Le montant du capital d’émission.

Le capital d’émission autorisé, c’est-à-dire la valeur cumulée des tickets émis, doit correspondre aux besoins réels créés par les actions envisagées.

Par ailleurs, les frais d’organisation doivent être limités afin de ne pas pénaliser la réalisation des actions envisagées.

Les frais d’organisation de la loterie, en ce compris l’achat des lots, ne doivent pas dépasser 15% du capital d’émission.

En tout état de cause, sauf exception dument justifiée, il n’est pas souhaitable que le capital d’émission dépasse la somme de 150 000 euros.

En cas de première demande d’une association, il est préférable que le capital d’émission soit faible.

Une fois que l’association aura pu démontrer le bon usage des fonds récoltés, elle pourra augmenter son capital d’émission pour les prochains lotos ou tombolas.

- Les autorisations administratives préalables.

La demande d’autorisation s’effectue au moyen du formulaire Cerfa n° 11823*03.

Conformément à l’article D. 322-1 du Code de la sécurité intérieure, l’organisation d’une loterie est soumise à l’autorisation du maire de la commune où est situé le siège social de l’association.

Si l’association a son siège social à Paris, c’est au préfet de police qu’il convient d’adresser la demande.

Conformément à l’article D. 322-2 du Code de la sécurité intérieure, lorsque le capital d’émission dépasse la somme de 30 000 euros, le maire statue après avis du directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques.

- Le règlement de la loterie.

Dans le cadre de l’organisation d’une loterie, il est fréquemment demandé aux associations d’établir un règlement régissant l’évènement. Il convient dès lors d’y inclure les éléments suivants :
- La nature des tickets et le nombre maximum d’acquisitions possibles
- Le prix du billet
- La date d’ouverture de la souscription et la date de clôture de la souscription
- Les modalités de tirage au sort
- Les délais et les modalités de retrait des lots
- La destination des sommes récoltées à l’occasion de l’évènement

- Régime fiscal des sommes collectées dans le cadre d’une loterie associative.

En application de l’article 261-7-1°-c du Code général des impôts, les recettes tirées de loteries-tombolas et des lotos entrent dans le champ d’application de l’exonération de tous les impôts et taxes prévus au titre des six manifestations exceptionnelles par an.

- La décision d’autorisation ou de rejet.

Une fois l’instruction du dossier achevé, un arrêté municipal ou préfectoral sera pris afin d’autoriser la tenue de la loterie.

Le refus d’autorisation fera l’objet d’un courrier motivé.

En cas de refus, un recours sera possible devant le juge administratif.

II- Sur la possibilité de créer une société prestataire de tombolas ou loteries pour les associations.

Si la loi ne semble pas autoriser des entreprises privées à exercer des missions de prestation de service pour organiser des loteries traditionnelles pour le compte d’associations, en revanche, elle ne semble pas interdire au secteur privé de prendre en charge l’organisation de loteries de bienfaisance pour le comptes d’associations.

C’est ce qu’a confirmé le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie en 2012 en réponse au questionnement d’un parlementaire.

« Les loteries prévues à l’article 5 de la loi du 21 mai 1836 doivent faire l’objet d’une autorisation administrative. Cette autorisation est accordée suivant la qualité de l’organisateur de la loterie, son régime légal et statutaire, le nombre de ses adhérents, les subventions éventuellement reçues, l’utilisation prévue des fonds récoltés. Ainsi, les sommes recueillies ne doivent pas être employées en totalité à des frais de fonctionnement ou à des dépenses courantes, rien n’interdit à une association de faire appel, à titre onéreux, à un prestataire de service qui organiserait la loterie en son nom et pour son compte. En pratique, le montant de la rémunération de ce prestataire ne doit cependant représenter qu’une part modeste des recettes récoltées et la prestation doit faire l’objet d’un mandat clair et précis entre le prestataire et l’association qui doit rester responsable de l’opération ».

L’étude de la jurisprudence en la matière ne fait état d’aucune décision qui aurait sanctionné ou désapprouvé le principe de l’organisation de loteries de bienfaisances par des entreprises privées.

- Sur le modèle juridique ad hoc.

Les associations loi 1901 ayant un objet à but non lucratif, il ne sera pas possible, via une cette personne morale, d’exercer une activité commerciale à but lucratif.

Il sera donc nécessaire d’exercer cette mission de prestation de service via une société commerciale.

Les deux formes sociales les plus usuelles pour ce type d’activité sont la Société à responsabilité limitée (SARL) et la Société par action simplifiée (SAS).

La SARL est la forme sociale la plus usitée dans la création des nouvelles entreprises.

Elle offre en effet l’avantage de la simplicité tant dans son organisation que dans son fonctionnement. La responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports. La loi ne fixe pas de capital minimum. Elle doit comprendre au minimum deux associés. La co-gérance est par ailleurs possible.

La SAS offre l’avantage d’une très grande souplesse aux associés qui peuvent organiser librement, dans le respect des dispositions d’ordre public, son fonctionnement dans le cadre de ses statuts. Cette société doit comprendre au minimum deux associés, lesquels sont responsables dans la limite de leurs apports.

Il conviendra de choisir la forme sociale qui vous semblera le plus adaptée à vos besoins.

- Sur la possibilité de facturer les associations pour l’organisation de tombolas.

La loi autorise les sociétés commerciales à se faire rémunérer pour leur mission d’organisation d’une loterie ou d’une tombola de bienfaisance pour le compte d’une association.

Cependant, les frais d’organisation doivent être limités afin de ne pas pénaliser la réalisation des actions envisagées.

La règle à respecter est la suivante, à savoir que frais d’organisation de la loterie, en ce compris l’achat des lots, ne doivent pas dépasser 15% du capital d’émission.

- Sur l’indexation des factures sur le résultat de la tombola.

Comme vu précédemment, il est préférable, pour que la loterie soit autorisée par l’administration, que cette dernière soit limitée à un montant de 150 000 euros, sauf circonstances particulières.

Ainsi, l’indexation des factures sur le résultat de la tombola ne semble pas très opportune et à tout le moins peu compatible avec l’esprit que le législateur a entendu donner à l’organisation de telles manifestations de bienfaisance.

Pour la question de la rémunération du prestataire de service, il convient de se référer à la règle selon laquelle les frais d’organisation de la loterie, en ce compris l’achat des lots, ne doivent pas dépasser 15% du capital d’émission.

- Le nombre de tombolas que nous pouvons organiser est-il limité ?

La loi ne fixe pas un nombre maximum de loteries ou tombolas qu’une association peut réaliser sur une année.

En revanche, en application de l’article 261-7-1°-c du Code général des impôts, les recettes tirées de loteries-tombolas et des lotos entrent dans le champ d’application de l’exonération de tous les impôts et taxes prévus au titre des six manifestations exceptionnelles par an.

Ainsi, au-delà de six loteries ou de toute autre manifestation d’ampleur ayant pour objet ou pour effet de collecter des fonds, le bénéfice de la défiscalisation ne sera plus octroyé.

- Les éléments d’appréciation d’autorisation de la tombola.

Les autorités publiques, avant d’autoriser la tenue d’une tombola, prennent en compte plusieurs critères, conformément à la Circulaire NOR INTD1223493C du 30 octobre 2012 et à l’instruction NOR FCPE1610430J du 15 avril 2016 sur les loteries et tombolas.

Ces critères ont été rappelés plus haut.

- Sur le montant maximum du capital d’émission de la tombola.

Il n’existe pas un montant maximum d’émission de la tombola.

Cependant, capital d’émission autorisé, c’est-à-dire la valeur cumulée des tickets émis doit correspondre aux besoins réels crées par les actions envisagées.

En tout état de cause, sauf exception dument justifiée, il n’est pas souhaitable que le capital d’émission dépasse la somme de 150 000 euros au risque de se voir opposer un refus de l’administration.

- Sur le risque pénal.

L’organisation illicite d’une loterie ou d’une tombola est pénalement réprimée. En effet, l’article L324-1 du Code de la sécurité intérieure dispose que :

« Sans préjudice des opérations autorisées en application de l’article L320-6, le fait d’accomplir ou de faire accomplir des opérations de jeux d’argent et de hasard en violation de l’article L320-1 est puni de trois ans d’emprisonnement et à 200 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée ».

Ainsi, avant d’organiser une loterie, il est nécessaire de vous assurer que vous disposez de l’ensemble des autorisations administratives pour ce faire, au risque de faire l’objet de poursuites pénales.

Edmond PAILLOUX, Avocat

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Discussions en cours :

  • par Maître Sylvie PERSONNIC , Le 13 avril 2022 à 12:00

    Mon Cher confrère,

    Un article extrêmement complet et clair sur les difficultés juridiques liées à la création d’une entreprise ayant pour objet l’organisation de loteries.

    Très instructif sur un sujet méconnu et technique.

  • par Solene B , Le 3 avril 2021 à 14:49

    Article très interessant.
    Cependant, la circulaire NOR INTD1223493C dit " aux besoins réels créés par les actions envisagées et les frais d’organisation être limités afin de ne pas pénaliser la réalisation de ces actions. Consacrer aux frais d’organisation un maximum de 15 % du capital d’émission semble une proportion raisonnable."
    Il est écrit " semble". Cela signifie que les 15 % peuvent être dépassés ?
    D’autre part, est-ce le même cadre pour les jeux concours. Je ne trouve rien. Il semble y avoir un vide juridique.
    Un grand merci par avance pour votre aide.

  • par Ayala sebastien , Le 22 février 2021 à 10:51

    Bonjoir j ai bien lu vitre article et il y a une information que je n arrive pas a retrouver et notamment le rapport entre les frais d organisation qui ne doivent pas depasser les 15% de la somme récoltée de la tombola.
    Je vois plusieurs operateurs sur internet qui proposent des kits tombolas coutant jusqu’à plus de 50% des sommes récoltées.
    Est ce legal ?
    Merci pour votre reponse
    Cordialement

  • par Oscar , Le 30 décembre 2020 à 14:25

    Article clair et synthétique. Une excellente première approche de la matière. Bravo

  • par Jacques Pailloux , Le 30 décembre 2020 à 15:54

    TRES intéressant, judicieux !

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