La réponse est non.
Le principe de la liberté du travail et la liberté du commerce et de l’industrie permettent à une agence spécialisée d’organiser librement des événements récréatifs ou de divertissement au sein des discothèques, sans demander au préalable d’autorisation particulière aux pouvoirs publics (CE, avis, 22 novembre 2000, Société L&P Publicité, n°223645 ; CE, 3 novembre 1997, Société Million et Marais, n°169907).
Il est donc tout à fait possible d’organiser des soirées à thème au sein des discothèques, comme une soirée d’Halloween ou une soirée spéciale Saint-Valentin.
Cependant, la liberté d’organiser de tels évènements n’est pas infinie et trouve sa limite dans le respect de l’ordre public.
La sauvegarde de l’ordre public (bon ordre, sûreté, sécurité et salubrité publiques - (Article L2212-2 du Code général des collectivités territoriales) peut en effet justifier la limitation proportionnée de l’exercice d’une liberté en droit français (CE, 19 mai 1933, Benjamin, n°17413, n°17520).
C’est le maire, sous le contrôle du préfet, qui a le pouvoir d’apprécier si l’exercice d’une activité doit être limité dans la commune sur le fondement de ces considérations d’ordre public.
Plus d’un siècle de conciliation par le juge de l’exercice des libertés publiques avec la protection nécessaire de l’ordre public repose sur l’adage « La liberté est la règle et la restriction de police l’exception » (CE, 10 août 1917, Baldy, n°59855).
Par un arrêt très connu des étudiants en droit, le Conseil d’État a décidé que la dignité de la personne humaine faisait partie de l’ordre public (CE, 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, n°136727). Cet arrêt porte précisément sur l’organisation d’une attraction de « lancer de nain » dans une discothèque qui avait été interdite par les pouvoirs publics :
« Considérant que l’attraction de "lancer de nain" consistant à faire lancer un nain par des spectateurs conduit à utiliser comme un projectile une personne affectée d’un handicap physique et présentée comme telle ; que, par son objet même, une telle attraction porte atteinte à la dignité de la personne humaine ; que l’autorité investie du pouvoir de police municipale pouvait, dès lors, l’interdire même en l’absence de circonstances locales particulières et alors même que des mesures de protection avaient été prises pour assurer la sécurité de la personne en cause et que celle-ci se prêtait librement à cette exhibition, contre rémunération ».
Le maire a donc la possibilité d’interdire un événement ou une activité sur le territoire de sa commune s’il estime qu’une atteinte est portée en la matière à la dignité de la personne humaine, composante de l’ordre public.
C’est ce qui a permis à de nombreux maires d’interdire des spectacles de l’humoriste controversé Dieudonné ou très récemment encore, des concerts du sulfureux rappeur Freeze Corleone à Lyon et à Lille (CE, 9 janvier 2014, Ministre de l’Intérieur c/ Société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M’Bala M’Bala, n° 374508 - Le Monde [1]).
Le maire de Toulouse a donc le pouvoir d’interdire le « combat de nains » prévu le 11 avril 2024 dans la discothèque « Le Nine » à Toulouse au titre de ses pouvoirs de police, dans la mesure où ce spectacle est contraire à la dignité de la personne humaine, composante de l’ordre public.
Si le maire refuse d’interdire cet événement ou s’abstient de prendre la mesure, le préfet de la Haute-Garonne l’y contraindra au nom de l’Etat.
Le « combat de nains » prévu le 11 avril 2024 dans une discothèque de Toulouse n’aura donc pas lieu.
Dans un autre registre, des juristes s’interrogent actuellement sur la légalité des combats ultra-violents de MMA / UFC, où des hommes combattent dans des cages, compte tenu de ce même principe de dignité de la personne humaine.
Discussions en cours :
Il me semble que la situation d’un "combat de nains" diffère quand même très largement d’un "lancer de nains" de l’arrêt Morsang-sur-Orge.
Il s’agit, en somme, si j’ai bien compris, d’organiser un tournoi de boxe, et d’y faire participer des personnes de petite taille entre elles.
Où se trouve l’atteinte à la dignité humaine ?
Devrait-on interdire toute activité sportive aux nains sous prétexte de leur "handicap" ? (j’ignorais d’ailleurs que le nanisme était considéré comme un handicap en tant que tel)
Les sports de combat sont toujours organisés en fonction de critères physiques, notamment en termes de poids et de sexe, et ce pour des raisons évidentes d’équité.
Il ne me paraît pas aberrant d’établir en outre un critère de taille : je doute qu’un combat entre un individu mesurant 1m40 et un autre 1m90 soit considéré "équitable" au prétexte que les deux belligérants ont le même poids ...
Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait, a priori et in abstracto, interdire les "combats de nains" au prétexte de la dignité humaine.
Ou alors faudrait-il s’interroger sur la légalité des jeux paralympiques, puisqu’on y fait là aussi participer des personnes handicapées se livrant compétition entre elles ...
Merci pour votre intérêt. Le lieu choisi pour ce « combat », une discothèque, laisse peu de doute sur le caractère récréatif de ce « spectacle » de pur divertissement, de très mauvais goût. Partant, le caractère « sportif » doit être écarté et l’interdiction fondée sur le principe de dignité de la personne humaine, indiquée. Il en irait différemment d’un même « combat » organisé à Paris-Bercy, c’est d’ailleurs toute la question de l’interdiction possible, ou pas, de l’UFC / MMA.
Je suis de ces juristes qui contestent la notion de dignité humaine telle que défendue par le CE en 1995 et contraire à la notion qu’en a donné le Conseil Constitutionnel en 1994. Que le spectacle soit de "mauvais goût’ comme vous le répondez à l’un des commentateurs n’est pas un argument juridique. Ce n’est qu’un avis (qu’a d’ailleurs suivi le CE en 1995) et donne du corps aux critiques de l’arrêt de 1995 qui défend uniquement une conception "morale" (et donc anti-droits humains) de la "dignité humaine". Vous semblez dire que le CE fera (vous êtes là affirmatif) comme un "copié-collé" là de son arrêt de 1995. Rien n’est certain. En 1995 le CE fondait sa décision sur le fait d’utiliser le nain "comme un projectile" (chosification de la personne). Tel n’est pas le cas dans un match de boxe, même dans une discothèque à des fins commerciales/récréatives. Qui s’est ému des "matches de catch seins nus de femmes dans la boue" organisés dans nombre de ces établissements ? Faut-il faire du nain une sorte de "symbôle expiatoire" de la différence des droits humains dont bénéficieraient les non handicapés ou non nains (vous et moi) et dont ne bénéficieraient pas les personnes de petite taille ? Qu’est-ce qui pourrait justifier cette discrimination ? le handicap ? vous conviendrez que les handicapés ont les mêmes droits et les même libertés que ceux qui ne le sont pas. Alors pourquoi moi je peux aller, dans une boîte de nuit, boxer et pas le nain (dés lors qu’il n’y subit aucun traitement dégradant et tel n’est pas le cas d’un match de boxe entre nains, peut-être même devant des spectateurs aussi nains...) ? Que peut-on penser de l’atteinte à la dignité humaine des mannequins handicapés qui défilent à la Fashion week, manifestation récréative/commerciale s’il en est ? Sauf à dire que ce qui change c’est que ce sont des nains car en 1995, le CE statuait sur des nains... Ce n’est pas "le nain" qui fait la question ici. C’est la différence entre un "lancer de nain" (réification du nain) et un "combat de boxe" (entre deux personnes libres, volontaires, éclairées etc selon notre constitution) qu’il faut analyser, me semble-t-il. "Les hommes naissent libres et égaux en droits" (DDHC), qu’ils naissent nains ou pas...
J’ai épuisé mon nombre de caractères, je vous souhaite donc une excellente soirée
Bien sincèrement