À ce jour, le voile islamique est autorisé à l’université pour les étudiantes (1) et lors des sorties scolaires pour les mères accompagnatrices (2) comme tous les autres signes religieux. Mais des pistes d’évolution existent (3).
I. L’autorisation du voile islamique à l’université pour les étudiantes.
La loi du 15 mars 2004 est claire : « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ».
Les signes religieux comme le voile islamique sont donc interdits aux élèves dans les écoles, les collèges et les lycées publics.
Cependant, la loi de 2004 ne vise pas les universités et il en résulte donc que le voile islamique reste autorisé à ce jour pour les étudiantes dans les établissements d’enseignement supérieur.
Cette autorisation ne concerne toutefois que le voile islamique et pas le voile intégral, qui reste interdit à l’université comme dans tous les lieux publics par la loi du 11 octobre 2010.
II. L’autorisation du voile islamique lors des sorties scolaires pour les mères accompagnatrices.
Concernant les sorties scolaires, il faut d’abord comprendre que le droit applicable dépend de la qualité du sujet auquel il s’applique.
L’usager d’un service public (l’élève) n’est pas soumis aux mêmes règles juridiques qu’un agent du service public (l’enseignant) ou qu’un collaborateur occasionnel du même service public (le parent d’élève accompagnateur de sorties scolaires).
Alors que l’usager du service public (l’élève) reste soumis à une stricte laïcité pendant les sorties scolaires, il n’existe pas de règle générale similaire qui concerne le parent accompagnateur de sorties scolaires.
Dans le silence de la loi, la jurisprudence administrative a d’abord pris des positions divergentes :
Le tribunal administratif de Montreuil a estimé que le principe de neutralité de l’école laïque faisait obstacle à ce que les parents d’élèves manifestent, dans le cadre de l’accompagnement des sorties scolaires, par leur tenue ou par leur propos, leurs convictions religieuses [1].
Pour le TA de Montreuil, les parents d’élèves accompagnateurs de sorties scolaires sont juridiquement des « collaborateurs occasionnels du service public » et l’interdiction de porter un signe religieux leur est opposable ;
Le tribunal administratif de Nice a estimé que seules des « considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service » pouvaient fonder une interdiction d’accompagner une sortie scolaire opposée à un parent manifestant par sa tenue ou par ses propos, des convictions religieuses [2].
Selon le TA de Nice, les parents d’élèves accompagnateurs de sorties scolaires sont juridiquement des « usagers » et une interdiction leur est possible, mais seulement au cas par cas.
Face à ces hésitations jurisprudentielles, le Conseil d’État s’est prononcé le 23 décembre 2013 dans le cadre d’un avis (non publié) en indiquant que si les mères accompagnatrices devaient être considérées juridiquement comme des usagers du service public, les « exigences liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation ou au respect de l’ordre public » pouvaient conduire l’autorité compétente à « recommander de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses » (Livret laïcité de l’éducation nationale, page 28).
Il résulte donc de l’état du droit applicable que l’autorité compétente (le chef d’établissement) est fondée juridiquement à interdire aux mères voilées (comme à toutes les autres religions) d’accompagner une sortie scolaire (si elles portent le voile pendant la sortie), mais seulement si des exigences liées au bon fonctionnement du service public ou à l’ordre public le justifient.
Reste donc à définir concrètement quelles circonstances pourraient être telles, que le bon fonctionnement du service public ou l’ordre public seraient menacés par le port d’un voile islamique par une mère accompagnatrice (par exemple). Il nous semble que le curseur soit celui du prosélytisme, qui est appliqué par les chefs d’établissement au cas par cas.
Pour complexifier encore la situation, il a été jugé en 2019 que les parents accompagnateurs de sorties scolaires doivent d’abstenir du port de tout signe religieux lorsque les activités se déroulent à l’intérieur des établissements scolaires [3].
Il n’y a donc pas à ce jour de règle générale d’autorisation ou d’interdiction du voile islamique pour les mères accompagnatrices de sorties scolaires, mais une situation de cas par cas en fonction de la sortie scolaire et du contexte.
III. Les pistes d’évolution.
Dans une interview au journal « Le Parisien » le 6 janvier 2025, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau [4] s’est déclaré favorable à l’interdiction du voile islamique à l’université et lors des sorties scolaires.
Nous avons vu que cette interdiction n’était pas prévue par les textes applicables à ce jour (voir partie 1 et 2).
L’interdiction du voile islamique à l’université pourrait passer par une modification de la loi du 15 mars 2004 pour ajouter l’université aux établissements déjà mentionnés « les écoles, les collèges et les lycées publics ». Cet ajout suppose donc un vote du Parlement pour modifier la loi. Le sujet est rendu complexe par l’absence de majorité claire à l’Assemblée nationale et par les nombreux partenariats des universités avec les établissements étrangers, qui accueillent de nombreux étudiants étrangers.
De la même manière, une modification de la loi du 15 mars 2004 serait nécessaire pour appliquer aux collaborateurs occasionnels du service public (les parents accompagnateurs de sorties scolaires) les mêmes règles de laïcité qu’aux usagers. Si la loi du 15 mars 2004 était modifiée pour s’appliquer également aux mères accompagnatrices de sorties scolaires, le port de tout signe religieux leur serait interdit. Mais ici encore, une telle modification suppose un vote du Parlement, avec une majorité qui est loin d’être acquise à ce jour.
Une alternative serait une jurisprudence du Conseil d’État venant trancher le sujet. Mais, la Haute juridiction ne peut se saisir seule et il faudrait donc qu’un contentieux en cours s’y prête pour poser une nouvelle règle.