Quels sont les contrats concernés ?
La passation du contrat doit être soumise à des obligations de publicité et de mise en concurrence.
Le contrat doit être passé par un « pouvoir adjudicateur » ou une « entité adjudicatrice ».
Le contrat doit être un « contrat administratif ».
Enfin, le contrat doit avoir pour objet :
- l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation ;
- la délégation d’un service public ;
- ou la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique (SEMOP).
Dès lors qu’elles n’ont pas pour objet ou pour effet de confier la gestion d’un service public au cocontractant, les AOT « pures » permettant simplement au titulaire d’aménager et d’occuper le domaine public n’entrent pas dans le champ du référé précontractuel.
Quand le juge du référé précontractuel peut-il être saisi ?
Le dépôt d’un référé précontractuel n’est enfermé dans aucun délai et les personnes ayant intérêt à conclure le contrat ne sont pas tenues de saisir le tribunal administratif dans un délai raisonnable à partir du moment où elles ont eu connaissance du ou des manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence.
En revanche, le juge du référé précontractuel doit obligatoirement être saisi avant la conclusion du contrat.
Le juge peut donc être saisi tant que le contrat n’a pas été signé.
Attention : pour les marchés publics passés en procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de respecter le délai de « standstill » de 11 jours applicable aux procédures formalisées.
Quel est le juge territorialement compétent ?
En matière précontractuelle, contractuelle et quasi contractuelle, le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu prévu pour l’exécution du contrat.
Si l’exécution du contrat s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal, le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel l’autorité publique compétente pour signer le contrat a son siège.
Attention : les éventuelles dérogations à la compétence territoriale du tribunal administratif mentionnées dans les documents de la consultation n’ont aucune valeur.
En effet, il ne peut être dérogé aux règles de compétence territoriale du tribunal administratif en matière de contrats antérieurement à la conclusion du contrat.
Quels sont les effets de la saisine du juge du référé précontractuel ?
À compter de la saisine du tribunal administratif, l’acheteur a l’obligation de suspendre la signature du contrat jusqu’à la notification de la décision juridictionnelle.
Afin d’éviter la signature du contrat en méconnaissance de l’obligation de suspension, l’auteur d’un référé précontractuel est tenu de notifier son recours au pouvoir adjudicateur ou à l’entité adjudicatrice.
Cette notification est réputée accomplie à la date de sa réception par le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice.
La notification du recours à l’acheteur public n’est pas prescrite à peine d’irrecevabilité du recours.
En revanche, la méconnaissance de cette formalité peut avoir pour conséquence de fermer à l’auteur du recours la voie du référé contractuel si le contrat a été signé alors que l’acheteur public était dans l’ignorance de la saisine du tribunal.
Mais s’il apparaît que l’acheteur avait été informé de l’existence du référé précontractuel par le greffe du tribunal administratif (par exemple notification de la requête par l’application Télérecours), l’absence de notification n’est pas de nature à rendre irrecevable le référé contractuel formé après la conclusion du contrat.
Quels sont les effets de la signature du contrat en cours d’instance ?
Le juge du référé précontractuel ne peut exercer son office qu’avant la conclusion du contrat.
La décision juridictionnelle doit donc intervenir avant la signature du contrat.
Si le contrat est signé en cours d’instance, le juge doit constater le non-lieu à statuer sur les conclusions dont il a été saisi, celles-ci étant devenues sans objet.
La date de signature de l’acte d’engagement constitue la date de « conclusion du contrat ».
Le juge des référés n’est pas compétent pour apprécier la validité de la signature du marché, mais il doit toutefois vérifier l’existence de cette signature.
Si le contrat a bien été signé, le juge peut constater le non-lieu par simple ordonnance et sans audience.
Attention : la méconnaissance de l’obligation de suspendre la signature du contrat jusqu’à la notification de la décision juridictionnelle peut avoir de lourdes conséquences pour l’acheteur.
Le juge du référé contractuel peut en effet prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière qui sera versée au Trésor public.
Qui peut saisir le juge du référé précontractuel ?
Le référé précontractuel peut être engagé par toutes les personnes qui ont un intérêt à conclure le contrat ou à entrer au capital de la SEMOP et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué.
Il s’agira la plupart du temps de l’entreprise évincée de la procédure de passation du marché.
Le référé précontractuel peut également être engagé par le représentant de l’Etat dans le cas où le contrat doit être conclu par une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou un établissement public local.
Quels sont les moyens invocables ?
Le juge du référé précontractuel doit obligatoirement rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquement qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.
Il incombe donc à l’entreprise de bien mettre en évidence dans sa requête la lésion ou le risque de lésion, en lien avec les manquements qu’elle invoque.
En outre, le juge du référé précontractuel doit seulement se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation du contrat.
Il ne lui appartient pas de se prononcer sur l’appréciation portée sur la valeur d’une offre ou les mérites respectifs des offres, à l’exception toutefois du contrôle de la dénaturation du contenu d’une offre.
Sous ces réserves, les moyens invocables devant le juge du référé précontractuel n’ont d’autres limites que les obligations de publicité et de mise en concurrence qui pèsent sur les acheteurs :
- un délai de consultation des entreprises trop court pour leur permettre de présenter leurs offres
- des contradictions dans le règlement de la consultation
- l’irrégularité d’une candidature ou d’une offre
- la communication d’informations privilégiées à un candidat
- la rupture d’égalité dans les négociations
- le caractère anormalement bas d’une offre
- l’attribution d’un marché à un candidat qui ne respecte pas une des prescriptions imposées par le règlement de la consultation
- l’irrégularité de la méthode de notation
- l’irrégularité des critères de sélection des offres
- l’imprécision des conditions de mise en œuvre des critères d’attribution
- l’absence d’information des candidats sur les critères ou leur pondération
- l’absence d’information des candidats sur l’utilisation d’un sous-critère
- etc.
Quels sont les pouvoirs du juge du référé précontractuel ?
L’office du juge du référé précontractuel diffère selon que le marché est passé par un pouvoir adjudicateur [1] ou une entité adjudicatrice [2].
Dans les deux cas, après en avoir informé préalablement les parties et les avoir invité à présenter leurs observations, les mesures peuvent être prononcées d’office par le juge.
Très rarement demandées et donc prononcées, le juge du référé précontractuel peut également prendre des mesures provisoires en application des articles L551-2 et L551-6 du Code de justice administrative.
Selon la nature du manquement et le stade de la procédure auquel il se rapporte, le juge du référé précontractuel pourra :
- annuler toute la procédure
- annuler la procédure au stade de l’analyse des candidatures
- ou annuler la procédure au stade de l’analyse des offres.
Selon le cas, il pourra par exemple enjoindre à l’acheteur, s’il entend conclure le marché, de :
- reprendre intégralement la procédure
- reprendre la procédure au stade de l’analyse des candidatures
- reprendre la procédure au stade de l’analyse des offres, après avoir réintégré ou, au contraire, écarté une offre.
Attention : dès lors qu’il est régulièrement saisi, le juge du référé précontractuel dispose de l’intégralité des pouvoirs qui lui sont conférés pour mettre fin aux manquements de l’acheteur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, sans être tenu par les conclusions des parties.
Quand bien même l’auteur du recours demanderait uniquement que la procédure soit reprise au stade de l’analyse des offres, le juge peut annuler intégralement la procédure avec toutes les conséquences que cette décision entraîne pour l’acheteur comme pour les entreprises.
Pour les contrats passés par un pouvoir adjudicateur, le juge du référé précontractuel peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat.
Il peut toutefois décider d’écarter ces mesures s’il estime, en considération de l’ensemble des intérêts susceptibles d’être lésés et notamment de l’intérêt public, que leurs conséquences négatives pourraient l’emporter sur leurs avantages.
Le juge du référé précontractuel peut également annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent les obligations de publicité et de mise en concurrence.
Quelles sont les voies de recours contre les décisions du juge du référé précontractuel ?
Le juge du référé précontractuel statue en premier et dernier ressort en la forme des référés.
Les décisions définitives du juge du référé précontractuel ne peuvent être contestées que par la voie du recours en cassation devant le Conseil d’Etat.
Le délai de recours en cassation est de 15 jours à compter de la notification de l’ordonnance.
En cas de rejet du référé précontractuel en première instance, le délai de recours et le recours en cassation lui-même n’ont pas d’effet suspensif.
Le contrat peut donc être signé avant mais aussi pendant toute l’instruction de l’affaire devant le Conseil d’Etat.
Si le contrat est signé avant la saisine du secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le recours en cassation est irrecevable.
Si le contrat est signé après sa saisine, le recours en cassation devient sans objet.
En cas de rejet du référé précontractuel en premier ressort, l’effet non suspensif du recours en cassation et la course à la signature du contrat à laquelle se livrent les acheteurs immédiatement après la notification de la décision limitent considérablement le rôle du Conseil d’Etat.
Les décisions du Conseil d’Etat ne concernent désormais que les ordonnances ayant fait droit à l’auteur du référé précontractuel.
Pour les entreprises dont la référé précontractuel a été rejeté, l’absence d’effet utile du recours en cassation est perçu comme une atteinte au droit au recours concret et effectif, quand bien même la signature du contrat ne fait pas obstacle à ce qu’elles puissent en contester la validité devant le juge du contrat et obtenir, après plusieurs années d’instruction, la réparation des préjudices subis du fait de leur éviction irrégulière.
Textes applicables :
Articles L551-1 et suivants du Code de justice administrative
Articles R551-1 et suivants du Code de justice administrative