La période de sûreté : une atteinte à l’individualisation des peines ?

Par Simon Takoudju, Avocat.

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Explorer : # période de sûreté # individualisation des peines # code pénal # réinsertion

La période de sûreté est une période durant laquelle aucune mesure d’aménagement de peine ne peut être accordée. Contraire au principe de l’individualisation de la peine, cette mesure répond à une volonté de sévérité du législateur. Automatique ou facultative, cette mesure est aujourd’hui décriée tant son effet néfaste sur le condamné semble favoriser la récidive.

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I. La période de sûreté automatique.

A. Mécanisme.

L’article 132-23 du Code pénal dispose que

« en cas de condamnation à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, dont la durée est égale ou supérieure à dix ans, prononcée pour les infractions spécialement prévues par la loi, le condamné ne peut bénéficier, pendant une période de sûreté, des dispositions concernant la suspension ou le fractionnement de la peine, le placement à l’extérieur, les permissions de sortir, la semi-liberté et la libération conditionnelle ».

Le législateur dresse une liste d’infractions pour lesquelles la période de sûreté peut être prononcée de plein droit.

Le texte d’incrimination doit ainsi la prévoir.

Dans cette hypothèse, la période de sûreté est dite automatique. Ainsi, une période de sûreté automatique de plein droit sera prononcée en cas de condamnation à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, dont la durée est égale ou supérieure à 10 ans [1].

Dans ces hypothèses, la juridiction n’a pas besoin de prononcer la période de sûreté, elle est de plein droit.

B. Durée.

En principe, la période de sûreté est égale à la moitié de la peine prononcée ou, s’il s’agit d’une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, de 18 ans.

Toutefois, la juridiction peut, par décision spéciale, soit porter la période jusqu’aux deux tiers de la peine ou, s’il s’agit d’une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, jusqu’à 22 ans, soit décider de réduire la période de sûreté.

Il existe également une période de sûreté plus sévère.

Dans le cas d’un assassinat, lorsque la victime est un mineur de 15 ans et que l’assassinat est précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie ou lorsque l’assassinat de tortures ou d’actes de barbarie ou lorsque l’assassinat a été commis sur un magistrat, un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, à l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions, la cour d’assises peut, par décision spéciale, soit porter la période de sûreté jusqu’à 30 ans, soit, si elle prononce la réclusion criminelle à perpétuité, décider qu’aucun aménagement de peine ne pourra être accordée au condamné.

Il s’agit ni plus ni moins de la période de sûreté dite «  perpétuelle  ».

Ce mécanisme de période de sûreté « perpétuelle » est également prévu pour les infractions de terrorisme.

II. La période de sûreté facultative.

L’alinéa 3 de l’article 123-3 du Code pénal, prévoit une période de sûreté facultative.

C’est ainsi le cas lorsque la loi ne prévoit pas de période de sûreté automatique mais que la peine d’emprisonnement ou de réclusion criminelle prononcée est d’une durée supérieure à 5 ans, non assortie du sursis, la juridiction peut d’elle-même et quelle que soit l’infraction, décider d’ordonner une période de sûreté.

Dans ces conditions, la durée ne peut alors excéder les deux tiers de la peine prononcée ou 22 ans en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité.

Dans ce dernier cas, la juridiction n’a pas à motiver sa décision de prononcer une peine de sûreté facultative.

III. La demande de relèvement de la période de sûreté.

Le législateur a laissé la possibilité au condamné de pouvoir saisir le Tribunal de l’application des peines en demande de relèvement de la période de sûreté [2].

Cette demande de relèvement peut concerner la totalité de la durée de la peine de sûreté ou être partielle.

De façon exceptionnelle, le Tribunal de l’application des peines peut accéder à la demande du condamné.

Si aucune définition n’a été donné au caractère « exceptionnel », il semble que le condamné doit démontrer des arguments de réinsertion solides.

Le Tribunal de l’application des peines dispose d’un délai de 6 mois à compter de la date du dépôt de la demande pour se prononcer.

La requête peut être déposée directement par le détenu ou par l’intermédiaire de son avocat.

La demande en relèvement peut être effectuée à tout moment exceptée en cas de condamnation à une peine de réclusion criminelle de 30 ans. Ici, le condamné devra exécuter, a minima, 20 années en prison.

De la même manière, en cas de peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté perpétuelle, le condamné devra purger, a minima, 30 ans en prison. Ici, une expertise en dangerosité du détenu sera sollicitée par le Tribunal de l’application des peines.

En matière de terrorisme, un régime spécifique est prévu par le législateur [3].

Bien que l’individualisation des peines soit un principe intangible de notre procédure pénale, il ne semble pas que le législateur ait l’envie de revenir sur le mécanisme de la période de sûreté automatique. Néanmoins, ce dispositif peut largement être débattu au regard notamment des risques de récidive.

Simon Takoudju, Avocat
Barreau de Bordeaux
Canopia Avocats
mail : st chez canopia-avocats.com
site web : https://www.stakoudju-avocat.fr

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Notes de l'article:

[1Alinéa 1 de l’article 132-23 du Code pénal.

[2Article 720-4 du Code de procédure pénale.

[3Article 720-5 du Code de procédure pénale.

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