Le principe : OUI, il est parfaitement possible de voyager à l’étranger avec son enfant mineur.
Si vous êtes parent divorcé ou séparé, avec un partage de l’autorité parentale (situation la plus courante), vous pouvez parfaitement programmer un séjour à l’étranger, y compris au moyen d’un déplacement en avion, avec votre enfant mineur.
En effet, le droit distingue les actes dits « usuels » (c’est-à-dire les actes quotidiens, habituels et sans gravité, qui n’engagent pas l’avenir de l’enfant ou ses droits fondamentaux ou qui s’inscrivent dans une pratique antérieure non contestée) les actes qualifiés de « non-usuels » (c’est-à-dire des actes importants, graves, inhabituels, qui rompent avec le passé ou qui engagent l’avenir de l’enfant).
Alors que les premiers peuvent être réalisés par un seul parent, le consentement de l’autre étant présumé, les seconds requièrent l’accord exprès des deux titulaires de l’autorité parentale.
Les déplacements à l’étranger sont des actes usuels, ce qui signifie qu’ils ne nécessitent aucune formalité pour le parent qui souhaite partir à l’étranger avec son enfant.
Concrètement, le parent qui voyage à l’étranger n’a pas besoin de requérir l’accord ou de rechercher le consentement de l’autre parent.
Ce principe doit toutefois être nuancé à une condition près, laquelle découle du principe de l’autorité parentale partagée : les parents doivent s’informer mutuellement de l’endroit où se trouvent l’enfant mineur.
Il s’agit ainsi d’une obligation d’information et non d’autorisation.
Ainsi, si le parent qui n’a pas la garde a légitimement le droit de savoir où se trouve son enfant, il n’a pas à donner son autorisation sur le choix du lieu de vacances.
Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que ce principe s’applique également pour les voyages et déplacements à l’étranger mais également pour les séjours de vacances sur le territoire français. Ainsi, en cas de divorce ou de séparation, l’autre parent a le droit de connaitre l’endroit où séjournent ses enfants pendant les vacances et les weekends chez l’autre parent.
L’argument relatif à la « vie privée » , souvent mis en avant par l’autre parent soucieux de ne pas dévoiler ses activités à son ancien conjoint, ne peut ainsi trouver à s’appliquer, sous peine de manquer au devoir d’information mutuelle que les parents se doivent respecter dans le cadre de l’autorité parentale conjointe.
Pourtant fréquemment avancé – à tort – par de nombreux parents se pensant dans leur bon droit, il en est de même pour l’argument relatif au manque de transparence ou de diligence de l’autre parent , qui ne peut servir de justification pour s’exonérer de respecter ce devoir d’information. Ainsi, quand bien même l’autre parent ne vous aurait pas mentionner son séjour en Espagne avec l’enfant lors d’un précédent été ou n’aurait pas fait état de son dernier weekend en villégiature à l’étranger avec ce dernier, il conviendra de continuer à respecter le principe d’information mutuelle
Les exceptions.
Le principe sus énoncé connait évidemment certaines limites et exceptions. Chaque situation –a fortiori si elle intervient dans le cadre d’un litige opposant les parents dans un cadre judiciaire– doit être traitée spécifiquement en fonction du cas d’espèce.
Il est néanmoins possible d’illustrer notre propos par quelques cas d’exceptions les plus couramment répandus :
- Le principe évoqué en amont ne s’applique pas si l’un des parents à l’autorité parentale exclusive ;
- Dans le cadre d’un divorce, le principe susmentionné ne s’applique pas si le jugement de divorce comporte une mention relative à une interdiction de sortie du territoire français (IST) ;
- Certains pays, à l’instar du Maroc et la Suisse, peuvent exiger certains documents supplémentaires (notamment la demande d’autorisation de quitter le territoire français).
Les conseils aux parents divorcés ou séparés.
Pour maximiser ses chances de profiter de vacances sereines, quelques conseils simples et basiques peuvent être appliqués par les parents divorcés ou séparés lors de la préparation de votre séjour à l’étranger :
- Assurez-vous que vous serez bien en possession des documents d’identité de l’enfant au moment de partir et vérifier la validité du titre.
En effet, l’ensemble des documents concernant l’enfant, dont sa pièce d’identité (ou son passeport) doive être systématiquement remis au parent qui en la garde.
En ce sens, les rappels suivants peuvent être utiles :
Il est généralement ignoré que les documents d’identité de l’enfant n’appartiennent pas aux parents : l’enfant seul en est propriétaire. On dit ainsi qu’ils « suivent l’enfant ».
Concrètement, cela signifie que les documents d’identité de l’enfant ne peuvent faire l’objet de quelconque retenue arbitraire par l’autre parent, qui se doit de les restituer ou de les transmettre à l’autre parent lorsque que vient son tour de garde.
À défaut, une saisine du Juge aux affaires familiales peut être réalisée afin que ce dernier ordonne la remise des documents, éventuellement sous astreinte. Plus encore, le parent réticent pourrait également se voir condamné à verser des dommages et intérêts à l’autre (il faudra dans ce cas démontrer que le refus de remise des documents d’identité de l’enfant a causé un préjudice).
La Jurisprudence rappelle ainsi régulièrement que l’ensemble des documents relatifs à l’enfant (ce qui implique d’ailleurs que cette exigence s’étend au-delà des simples documents d’identité et concerne par exemple également le carnet de santé de l’enfant), doivent être remis au parent qui en a la garde.
Pour une application de ce principe voir les arrêts récents de la Cour d’Appel de Paris et de Versailles :
« les documents d’identité et le carnet de santé de l’enfant doivent suivre celui-ci dans tous ses déplacements » [1] ;
« Considérant qu’il sera rappelé à chacun des parents qu’au début de leur garde (fins de semaine et vacances), il doit être en possession (…) de leurs carnets de santé » [2].
- Anticiper une demande de délivrance de titre ou de renouvellement car les délais d’obtention sont longs.
- Tenez-vous informés des dispositions du pays de destination.
En effet, si la loi française n’impose pas la rédaction d’une autorisation parentale écrite de la part de l’autre parent, tel peut ne pas être le cas s’agissant de la législation du pays dans lequel vous allez séjourner.
Soyez ainsi vigilants car certains pays exigent la production d’autres documents : autorisation écrite de l’autre partent, formulaire CERFA d’autorisation de sortie du territoire, visas, etc.
Prenez le soin de consulter le site du Ministère des Affaires Etrangères pour prendre connaissance des lois de votre pays de destination.
- Par précaution, lorsque vous êtes amenés à vous rendre à l’étranger avec un enfant mineur, munissez systématiquement d’une copie du jugement de divorce et idéalement, conservez une copie du livret de famille, de telle sorte que vous pourriez justifier détenir l’autorité parentale le cas échéant auprès des autorités étrangères.
- Assurez-vous que les dates de séjour de vacances s’inscrivent bien sur la période d’hébergement prévue dans le jugement de divorce. En effet, si celles-ci ne correspondent pas parfaitement (avec un retour en avion au-delà de la date à laquelle vous devriez ramener l’enfant par exemple), il vous appartient de solliciter en amont l’accord de l’autre parent.
Si vous n’obtenez pas cet accord, il est possible de saisir le Juge aux Affaires Familiales pour tenter d’obtenir l’autorisation de partir. Toutefois, votre demande devra naturellement être justifiée et d’expliquer les raisons pour lesquelles votre projet de vacances ne peut pas s’effectuer sur votre période d’hébergement.
NB : Cet article n’a pas vocation à l’exhaustivité et propose une analyse générale des situations les plus fréquentes. En aucun cas il ne peut constituer une analyse juridique à appliquer systématiquement à chaque situation. Pour toute interrogation relative à une situation particulière, il convient d’exposer les faits d’espèce et de solliciter l’avis d’un avocat.