Obligation d’information sur l’impossibilité de reclassement : pas de préjudice automatique.

Par Xavier Berjot, Avocat.

894 lectures 1re Parution: 5  /5

Explorer : # obligation d'information # reclassement # préjudice # droit du travail

Ce que vous allez lire ici :

L'employeur doit informer par écrit le salarié inapte des raisons empêchant son reclassement, comme l'exige le Code du travail. En cas de non-respect, le salarié peut demander, mais il doit prouver son préjudice, sauf exceptions prévues par la loi ou le droit européen.
Description rédigée par l'IA du Village

Un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 29 janvier 2025 (N° 23-17647) précise le régime juridique applicable en cas de manquement de l’employeur à son obligation d’information sur les motifs s’opposant au reclassement du salarié inapte.

Cette décision s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel plus large d’abandon du principe du préjudice nécessairement causé par la violation d’une obligation légale.

-

1. Le cadre juridique de l’obligation d’information relative à l’impossibilité de reclassement.

1.1. Fondements légaux de l’obligation d’information.

Le Code du travail impose à l’employeur une obligation de reclassement du salarié déclaré médicalement inapte à son poste de travail.

Cette obligation s’applique indifféremment que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non professionnelle [1].

Dans ce cadre normatif, le législateur a prévu une obligation spécifique à la charge de l’employeur lorsque ce dernier se trouve dans l’impossibilité de proposer un poste de reclassement au salarié inapte.

En effet, l’employeur doit impérativement faire connaître par écrit au salarié les motifs qui s’opposent à son reclassement [2].

Cette obligation d’information écrite constitue un préalable nécessaire à l’engagement de la procédure de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Elle s’inscrit dans une logique de transparence et de protection du salarié, en lui permettant de comprendre les raisons pour lesquelles l’employeur estime ne pas pouvoir le maintenir dans l’entreprise malgré son obligation légale de reclassement.

1.2. Champ d’application de l’obligation d’information.

Cette obligation d’information écrite ne s’applique pas de manière systématique dans toutes les situations d’inaptitude médicale.

Son champ d’application est circonscrit aux hypothèses dans lesquelles :

  • L’employeur se trouve dans l’impossibilité totale de proposer un emploi de reclassement au salarié déclaré inapte, en raison de l’absence d’emplois disponibles et compatibles avec les capacités résiduelles du salarié.
  • Le médecin du travail a expressément mentionné dans son avis d’inaptitude que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi [3].

En revanche, cette obligation d’information ne s’applique pas lorsque le salarié a refusé les offres de reclassement qui lui ont été proposées conformément aux exigences légales [4].

2. La sanction du défaut d’information sur les motifs s’opposant au reclassement.

2.1. L’évolution jurisprudentielle relative au préjudice subi par le salarié.

La question de la sanction applicable en cas de manquement de l’employeur à son obligation d’information sur les motifs s’opposant au reclassement a connu une évolution jurisprudentielle significative.

Cette évolution s’inscrit dans un mouvement plus large de remise en cause du principe du préjudice nécessairement causé par la violation d’une obligation légale.

Historiquement, la Cour de cassation considérait que la méconnaissance de cette obligation d’information entraînait « nécessairement » un préjudice pour le salarié [5].

Selon cette jurisprudence traditionnelle, le seul constat du manquement de l’employeur à son obligation d’information suffisait à ouvrir droit à réparation pour le salarié, sans que ce dernier ait à démontrer l’existence et l’étendue du préjudice subi.

Cependant, dans un arrêt du 13 avril 2016 [6], la Cour de cassation a posé le principe selon lequel

« l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ».

Cette nouvelle orientation jurisprudentielle a conduit à l’abandon du principe général du préjudice nécessaire.

La Cour de cassation a par la suite confirmé et précisé cette nouvelle approche dans plusieurs décisions [7].

2.2. La position actuelle de la jurisprudence sur la réparation du défaut d’information.

La décision rendue par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 29 janvier 2025 [8] s’inscrit dans le prolongement de cette évolution jurisprudentielle.

Dans cette affaire, un salarié engagé en tant qu’opérateur machine depuis le 2 juin 2005 avait été déclaré inapte par le médecin du travail le 5 octobre 2017, puis licencié pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement le 13 novembre 2017.

L’employeur n’ayant pas respecté son obligation de communiquer par écrit les motifs s’opposant au reclassement, le salarié avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de dommages et intérêts.

La cour d’appel, tout en constatant le manquement de l’employeur à cette obligation légale, avait néanmoins débouté le salarié de sa demande au motif qu’il ne justifiait d’aucun préjudice.

La Cour de cassation a validé cette décision en rappelant que

« l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ».

Elle a ainsi confirmé qu’il n’y a pas de préjudice automatique en cas de manquement de l’employeur à son obligation d’informer le salarié inapte sur les motifs s’opposant à son reclassement, et que cette indemnisation n’est due que si le salarié justifie avoir effectivement subi un préjudice.

3. Les exceptions au principe de la nécessité de prouver le préjudice.

3.1. Les dispositions légales prévoyant une indemnisation spécifique.

Si le principe général est désormais celui de la nécessité pour le salarié de prouver l’existence et l’étendue du préjudice résultant de la violation par l’employeur de son obligation d’information, certaines exceptions subsistent néanmoins.

La première catégorie d’exceptions concerne les hypothèses dans lesquelles une disposition légale, qu’elle relève du droit du travail ou du droit commun, prévoit expressément une indemnisation spécifique.

Tel est le cas, par exemple, de la réparation de la perte injustifiée de l’emploi en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse [9].

Dans ces situations particulières, le préjudice est présumé par la loi, et le salarié n’a pas à en rapporter la preuve pour obtenir réparation.

L’indemnisation est alors accordée de plein droit, sous réserve de la preuve du manquement de l’employeur à l’obligation légale concernée.

3.2. Les obligations issues du droit européen et international.

La seconde catégorie d’exceptions au principe de la nécessité de prouver le préjudice concerne les cas dans lesquels l’allocation de dommages-intérêts constitue le seul moyen d’assurer l’effectivité d’une obligation de l’employeur prévue par des dispositions européennes ou internationales d’effet direct.

Cette exception a été consacrée par la Cour de cassation dans plusieurs décisions récentes [10].

Dans ces affaires, la Haute juridiction a considéré que le non-respect du congé de maternité, de l’arrêt maladie ou du temps de pause quotidien, protégés par le droit de l’Union européenne, causait nécessairement un préjudice au salarié, dispensé dans ces cas de rapporter la preuve de l’existence et de l’étendue de ce préjudice.

Il convient toutefois de souligner que l’obligation d’information sur les motifs s’opposant au reclassement du salarié inapte, prévue par les articles L1226-2-1 et L1226-12 du Code du travail, ne relève pas de cette catégorie d’exceptions.

En effet, cette obligation n’est pas directement issue de dispositions européennes ou internationales d’effet direct, mais constitue une création du législateur français.

Xavier Berjot
Avocat Associé au barreau de Paris
Sancy Avocats
xberjot chez sancy-avocats.com
https://bit.ly/sancy-avocats
LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

3 votes

L'auteur déclare ne pas avoir utilisé l'IA générative pour la rédaction de cet article.

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1C. trav. art. L1226-2, L1226-2-1, L1226-10 et L1226-12.

[2C. trav. art. L1226-2-1 et L1226-12.

[3C. trav. art. L4624-4.

[4Cass. soc. 24-3-2021, n° 19-21263.

[5Cass. soc. 19-1-1993, n° 89-41780 ; Cass. soc. 24-1-2001, n° 99-40263.

[6Cass. soc. 13-4-2016, n° 14-28293.

[7Cass. soc. 13-9-2017, n° 16-13578 ; Cass. soc. 12-11-2020, n° 19-20583 ; Cass. soc. 28-6-2023, n° 22-11699 ; Cass. soc. 4-9-2024, n° 23-15944.

[8Cass. soc. 29-1-2025, n° 23-17647.

[9Cass. soc. 13-9-2017, n° 16-13578 ; Cass. soc. 12-6-2024, n° 23-11825.

[10Cass. soc. 4-9-2024, n° 22-16129 ; Cass. soc. 4-9-2024, n° 23-15944.

"Ce que vous allez lire ici". La présentation de cet article et seulement celle-ci a été générée automatiquement par l'intelligence artificielle du Village de la Justice. Elle n'engage pas l'auteur et n'a vocation qu'à présenter les grandes lignes de l'article pour une meilleure appréhension de l'article par les lecteurs. Elle ne dispense pas d'une lecture complète.

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27838 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs