Mise en conformité des régimes frais de santé et prévoyance.

Par Valentyna Chudakova, Juriste.

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Explorer : # mise en conformité # régimes frais de santé # suspension du contrat de travail # catégories objectives de salariés

Suite à une instruction ministérielle du 17 juin 2021, les entreprises du secteur privé doivent, au 1er juillet 2022, mettre à jour leur DUE / accord d’entreprise relative aux contrats de frais de santé et prévoyance.

-

Cette mise à jour porte sur deux points précis :
- Le maintien des garanties en cas de suspension du contrat de travail (partielle ou totale),
- La nouvelle définition des catégories objectives de salariés.

Ces mises à jour sont nécessaires afin de pouvoir continuer à bénéficier de l’exonération des charges sociales et fiscales.

I. Le maintien des garanties pendant la suspension du contrat de travail.

A - Troisième cas de maintien obligatoire.

Lorsqu’un régime collectif de frais de santé et de prévoyance a été mis en place par une décision unilatérale de l’employeur (DUE), ce dernier a jusqu’au 30 juin 2022, pour s’assurer que le régime est bien conforme aux nouvelles règles sur le maintien des garanties pendant la suspension du contrat de travail en modifiant, le cas échéant, sa DUE et éviter ainsi de risquer de perdre le bénéfice du traitement social de faveur du financement patronal.

En effet, les couvertures sociales complémentaires doivent être collectives et obligatoires pour bénéficier de cet avantage.

Les garanties ainsi que la participation de l’employeur, éventuellement plus favorable, sont maintenues pendant toute la durée de suspension du contrat de travail indemnisée lorsque le salarié bénéficie soit :
- d’un maintien, total ou partiel, de salaire ;
- d’indemnités journalières complémentaires financées au moins pour partie par l’entreprise qu’elles soient versées directement ou pour son compte par l’intermédiaire d’un tiers.

Dorénavant, pour satisfaire au caractère collectif, les garanties de protection sociale complémentaire doivent être maintenues dans l’ensemble des cas de suspension du contrat de travail donnant lieu à versement d’un revenu de remplacement par l’employeur.

Un troisième cas de maintien obligatoire a été instauré lorsque les salariés bénéficient d’un revenu de remplacement versé au titre :
- de l’activité partielle ou l’activité partielle de longue durée, dont l’activité est totalement suspendue ou dont les horaires sont réduits ;
- de toute période de congé rémunérée par l’employeur (reclassement, mobilité, etc.).

B - Modalités de financement pendant la période de maintien des garanties.

Pour conserver le caractère collectif des garanties proposées par l’entreprise, la contribution de l’employeur, calculée selon les règles applicables à la catégorie objective dont relève le salarié au moment de la suspension et déterminée par la convention, l’accord ou la DUE, doit être maintenue pendant toute la période de suspension du contrat de travail indemnisée (sauf s’il est prévu un maintien de la garantie à titre gratuit).

Le salarié dont le contrat de travail est suspendu doit également acquitter la part salariale de la contribution, calculée selon les règles prévues par le régime. Si le contrat prévoit que la garantie est maintenue à titre gratuit, il n’y a pas de contribution salariale.

Néanmoins, l’application d’une répartition du financement des garanties entre l’employeur et le salarié plus favorable pour les seuls salariés dont le contrat est suspendu ne remet pas en cause le caractère collectif et obligatoire de ces garanties.

Exemple.

Au sein d’une entreprise, les salariés en activité versent une contribution pour le financement de leurs garanties de protection sociale complémentaire de 35 euros et les salariés dont les contrats de travail sont suspendus versent une contribution de 15 euros pour le financement des mêmes garanties (l’employeur prend en charge la part de 20 euros restante pour ces salariés). Cette répartition du financement ne remet pas en cause le caractère collectif et obligatoire des garanties dont bénéficient les salariés au sein de cette entreprise.

C- L’assiette des cotisations et prestations (s’applique à tous les cas de maintien à titre obligatoire).

En l’absence de stipulation particulière dans l’acte instituant les garanties, l’assiette à retenir pour le calcul des cotisations et des prestations est le montant de l’indemnisation versée dans le cadre de la suspension du contrat (Indemnisation légale, le cas échéant complétée d’une indemnisation complémentaire ou conventionnelle par l’employeur).

Un acte de droit du travail peut néanmoins prévoir :
- le maintien des assiettes applicables antérieurement à la suspension du contrat de travail, dès lors qu’elles permettent d’assurer un niveau de prestations plus élevé,
- que les contributions et prestations sont assises sur une reconstitution de la rémunération mensuelle des salariés soumise à cotisations de sécurité sociale (moyenne des 12 derniers mois). Cette modulation des assiettes peut ne concerner que certaines des garanties du régime de protection sociale complémentaire.

Quels délais pour se mettre en conformité ?

- DUE : mise en conformité à effectuer avant le 30 juin 2022 pour préciser cette assiette et le maintien des garanties lorsque le salarié bénéficie d’un revenu de remplacement versé par l’employeur.

La DUE existante doit tout d’abord être dénoncée auprès du CSE (s’il en existe un) et de chaque salarié dans un délai de prévenance raisonnable (3 mois minimum), la nouvelle DUE devra ensuite faire l’objet d’une information / consultation du CSE et d’une remise à chaque salarié de l’entreprise.

- Accord collectif, accord référendaire : mise en conformité à effectuer avant le 31 décembre 2024.

Si la CCN ou l’accord de branche constitue son acte fondateur, l’entreprise n’a rien à faire, la branche se chargera de la mise en conformité.

II. Définition des catégories objectives de salariés.

L’exclusion de l’assiette des cotisations sociales qui s’applique au financement patronal des garanties de protection sociale complémentaire bénéficiant aux salariés est conditionnée au caractère collectif de ces garanties.

Le caractère collectif est respecté si les garanties couvrent l’ensemble des salariés ou si les garanties ne couvrent qu’une partie d’entre eux, sous réserve dans ce second cas qu’ils appartiennent à une ou plusieurs catégories dites « objectives » de salariés au regard du dispositif.

Le décret du 30 juillet 2021 relatif aux critères objectifs de définition des catégories de salariés bénéficiaires d’une couverture de protection sociale complémentaire collective modifie les règles permettant d’établir des catégories de salariés selon les critères n° 1 (appartenance aux catégories de cadres et de non cadres) et critère n° 2 (tranches de rémunération fixée par référence au plafond de la sécurité sociale).

Les critères 1 et 2 permettant de définir des catégories de salariés bénéficiaires présumées objectives, énumérés à l’article R242-1-1 du Code de la Sécurité sociale, ont été modifiés pour tenir compte du fait que :
- La CCN du 14 mars 1947 et l’ANI du 9 décembre 1961 ont été abrogés et remplacés par deux accords nationaux interprofessionnels (ANI) signés le 17 novembre 2017 ;
- Les références aux articles 4, 4bis et 36 de la CCN de 1947, à l’AGIRC, aux tranches de rémunération AGIRC (TA, TB et TC) et ARRCO (T1 et T2) ne pourront plus être utilisées.

Critère 1 : L’appartenance aux catégories de cadres et de non cadres.

Pour l’utilisation de ce critère il est nécessaire de prendre en compte les nouvelles modalités d’entrée en vigueur détaillées au début de cette présente section et définies par le décret n° 2021-1002 du 30 juillet 2021 relatif aux critères objectifs de définition des catégories de salariés bénéficiaires d’une couverture de protection sociale complémentaire collective.

Des catégories peuvent être constituées en s’appuyant sur les définitions issues des articles 2.1 et 2.2 l’accord national interprofessionnel (ANI) du 17 novembre 2017 relatif à la prévoyance des cadres.

Constituent une catégorie objective, les cadres ainsi définis :
- Les cadres au sens de l’article 2.1 de l’ANI du 17 novembre 2017 précité ;
- L’ensemble constitué par les personnels ci-dessus et les assimilés cadres au sens de l’article 2.2 du même accord ;
- L’ensemble constitué des personnels mentionnés aux articles 2.1 et 2.2 susmentionnés ;
- Une catégorie de salariés définie par une convention ou un accord de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel, sous réserve qu’ils soient agréés par la commission paritaire rattachée à l’association pour l’emploi des cadres - APEC (tout défaut d’agrément remet en cause l’exclusion de l’assiette de cotisations sociales). L’extension de la catégorie des cadres à des salariés non cadres permet d’étendre les garanties dont bénéficient les salariés cadres aux salariés non-cadres. Un mécanisme similaire, non repris par l’accord ANI précité du 17 novembre 2017, avait été prévu à l’article 36 de l’annexe I de la convention collective nationale de prévoyance des cadres du 14 mars 1947.

Constituent une catégorie objective les non-cadres qui n’entrent pas dans la définition retenue pour constituer une catégorie objective de cadres.

La mention des catégories de « cadres » et « non cadres » sans autre précision dans un acte ne remet pas en cause le bénéfice des exclusions de l’assiette sociale si elle répond à la première définition (2.1) donnée ci-dessus pour les cadres ou à la dernière définition donnée ci-dessus pour les non-cadres (ensemble des autres salariés).

Ainsi, pour se mettre en conformité, pour le critère 1, au 31 décembre 2024 au plus tard, les catégories de personnel devront avoir été remplacées dans les actes de droit du travail et les contrats d’assurance :
- Par les libellés ou références suivants : « salariés relevant des articles 2.1 et 2.2 de l’ANI du 17 novembre 2017 » / « salariés ne relevant pas des articles 2.1 et 2.2 de l’ANI du 17 novembre 2017 » (pour les entreprises faisant référence aux salariés relevant de l’article 4/4bis de la CCN AGIRC) ;
- Par le libellé qui sera retenu par l’accord ou la convention de branche agrée(e) par l’APEC (pour les entreprises faisant référence aux salariés relevant de l’article 4/4bis/36 de la CCN AGIRC).

Critère 2 : Les tranches de rémunérations fixées par référence au plafond de la sécurité sociale.

En application de ce critère, peuvent constituer des catégories objectives :
a) D’une part, les salariés dont la rémunération est inférieure ou égale à 1, 2, 3, 4 ou 8 fois le plafond de la sécurité sociale (PASS) ;
b) D’autre part, en fonction du choix fait au point a, ceux dont la rémunération est supérieure ou égale à 1, 2, 3 ou 4 fois le plafond de la sécurité sociale (PASS).

Ainsi, le choix de ce critère en référence au PASS aura pour conséquence de constituer une ou deux catégories.

Ces catégories ne peuvent être constituées sur la base d’un autre multiple du PASS. Les salariés dont la rémunération est supérieure ou égale à 8 fois le PASS ne peuvent pas constituer une catégorie.

La rémunération prise en compte correspond à la rémunération brute annuelle soumise à cotisations en application de l’article L242-1 du Code de la sécurité sociale.

Le plafond à retenir est celui applicable pour l’année en cours. La référence à un seuil de rémunération impose de ne distinguer que deux catégories.

De même, il n’est pas possible de constituer une catégorie objective avec un seuil de rémunération compris entre 1 et 4 fois le montant du PASS.

Exemple.

Les deux catégories suivantes pourront constituer des catégories objectives : les salariés dont la rémunération est inférieure ou égale à 4 fois le PASS (première catégorie) et les salariés dont la rémunération est supérieure à 4 fois le PASS (deuxième catégorie).

La modification de votre DUE est obligatoire si :
- les catégories de personnel sont définies en référence aux articles 4, 4bis et 36 de la CCN de 1947,
- ou selon que vos salariés cotisent ou non à l’AGIRC,
- ou si elle utilise les références aux tranches de rémunération AGIRC (TA, TB et TC) et ARRCO (T1 et T2).

En revanche, vous pouvez vous en dispenser si :
- le régime bénéficie à l’ensemble du personnel, sans aucune distinction ;
- ou l’entreprise utilise les libellés « cadres » et « non cadres » sans autre précision : l’administration sociale devrait les autoriser dans le Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale (doctrine opposable aux URSSAF) dont la fiche relative à la protection sociale complémentaire entrera en vigueur le 1er juillet 2022.

Quels délais pour se mettre en conformité ?

- DUE, accord collectif, accord référendaire : mise en conformité au plus tard le 31 décembre 2024 ;
- Si la CCN ou l’accord de branche constitue son acte fondateur, l’entreprise n’a rien à faire, la branche se chargera de la mise en conformité

Sources :

- Instruction interministérielle n° DSS/3C/5B/2021/127 du 17 juin 2021 relative au traitement social du financement patronal de la prévoyance complémentaire collective et obligatoire en cas de suspension du contrat de travail ;
- Décret n° 2021-1002 du 30 juillet 2021 relatif aux critères objectifs de définition des catégories de salariés bénéficiaires d’une couverture de protection sociale complémentaire collective, Jo du 31 ;
- Protection sociale complémentaire [1].

Chudakova Valentyna, Juriste
valentinachudo chez yahoo.fr

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