Le mirage de la créance forclose en procédure collective.

Par Brigitte Ghandour, juriste.

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Explorer : # procédure collective # créance forclose # déclaration de créance # mandataire judiciaire

Le droit des entreprises en difficulté oscille en permanence entre la volonté de sauvegarder au maximum l’entreprise en difficulté et respecter les droits des créanciers.
Bien que sa créance ne soit plus éteinte, le créancier forclos n’a que peu de raisons d’espérer être payé.

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En procédure collective (Sauvegarde, Redressement Judiciaire ou Liquidation Judiciaire), les créances nées avant l’ouverture de la procédure – dites créances antérieures - sont « gelées », il est interdit de les payer au moins jusqu’au dénouement de la procédure (1).

Ce « gel » répond à un objectif louable : celui de donner un peu d’oxygène à l’entreprise. Mais cette suspension –provisoire – du paiement cache aussi un risque pour le créancier peu vigilant : celui de ne pas être payé du tout.
Les créances « gelées » doivent en effet faire l’objet d’une déclaration auprès d’un professionnel nommé par le Tribunal lors de l’ouverture de la procédure, le mandataire judiciaire. Cette déclaration doit être faite dans les deux mois de la publication du jugement d’ouverture au BODACC (2). Passé ce délai, la créance est forclose. Qu’est-ce à dire ?

Sous l’empire de la loi de 1985, la forclusion empêchait non seulement de participer à la procédure collective mais entraînait aussi l’extinction de la créance. Le créancier n’avait plus aucun droit à être payé. La loi de 2005 (3), si elle a maintenu la forclusion, a supprimé l’extinction de la créance. Le créancier peut donc garder un espoir d’être payé. Disons-le tout de suite, l’espoir est très mince.

Certes il y a une session de rattrapage pour le créancier forclos, il peut demander au juge chargé du suivi de la procédure, le juge-commissaire, un relevé de forclusion, l’autorisant à déclarer –tardivement- sa créance et à participer au règlement organisé dans le cadre de la procédure (4).
Si le créancier a raté cette occasion, sa créance continue désormais à exister. La loi lui offre une session de rattrapage : en cas d’ouverture d’une autre procédure collective, le créancier pourra réparer son oubli précédent et déclarer sa créance.

Encore faut-il qu’une autre procédure collective soit ouverte…

Encore faut-il que sa créance ne soit pas atteinte par la prescription. L’absence de déclaration ne permettant pas de suspendre le délai de prescription.

Si l’entreprise en difficulté respecte son plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, la créance non déclarée ne pourra plus être payée. La loi n°2009-526 du 12 mai 2009, figurant à l’article L622-26 al 2 du Code de commerce est en effet venue préciser qu’une fois la procédure clôturée, le créancier dont la créance était forclose ne peut pas poursuivre l’entrepreneur redevenu in bonis.
En liquidation judiciaire, c’est de longue date que même le créancier non payé à l’issue de la procédure, qui avait pourtant régulièrement déclaré sa créance, ne retrouvait en principe pas de droit à poursuivre son débiteur (5).

Dernier espoir : poursuivre les cautions. Encore faut-il l’avoir prévu…

Notes
(1) A quelques exceptions près, dont les créances salariales.
(2) Le délai de 2 mois pour déclarer une créance court aussi à partir de la notification individuelle adressée par le mandataire judiciaire au créancier titulaire d’une sûreté ou d’un contrat publiés L622-24 du Code de Commerce et Cour de Cassation Chambre commerciale 30 octobre 2012, n°11-22836.
Les créances salariales sont dispensées de déclaration.
(3) Loi n°2005-845 du 26 juillet 2005_
(4) Le délai pour demander le relevé de forclusion est de 6 mois, voire un an dans certains cas._
Cf art L622-26 al 3 Code de commerce_
(5) Ce principe de non reprise des poursuites est posé par l’article L643-11 du code de commerce qui dresse aussi la liste des exceptions.

Brigitte Ghandour, Formatrice en Droit

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  • par Alexis , Le 9 juin 2018 à 03:42

    Bonjour,
    je sort d un plan de continuation mon entreprise se coporte tres bien j ai tout fini mes dette sur entreprise mais me reste un seul problème c est avec la banque qui m’a fait le pret bancaire pour acheter mon commerce au moment de faire la liste des creacier le mandataire les a fait parvenir que font parti des creacier mais ont fini par ne pas répondre donc sont forclos mais le probleme maintenant que me les reclame que je dois faire svp ? Car je veux faire un leasing et tant j’ai ce problème je suis vraiment bloqué. J’attend votre repose svp merci.

  • Bonjour,
    Je suis dans le cas où j’ai été déboutée du relevé de forclusion. Le débiteur a été déclaré en règlement judiciaire puis il a été autorisé à reprendre son activité avec un plan de continuation qui pour le moment est respecté.
    Toutefois, dans mon cas, ma créance n’a pas encore été fixée et la somme est détenue par un notaire séquestre. J’ai bien compris que je ne pourrai rien récupérer sauf à ce que le débiteur ne respecte pas le plan, mais QUID de l’argent séquestré ? Le débiteur via le mandataire liquidateur pourra t il récupérer cette somme ou restera t elle bloquée chez le notaire ?
    Vous remerciant par avance de votre réponse.
    Sincères salutations.

    • par Brigitte Ghandour , Le 3 juin 2015 à 17:59

      Ce n’est, loin s’en faut, un droit des créanciers !
      Si, sous la pression du droit européen, leur créance n’est plus éteinte, force est de constater qu’elle ne vaut pas beaucoup mieux en l’absence de caution. En effet, dans votre cas, il faut guetter une éventuelle défaillance du débiteur dans l’exécution du plan... Restera à savoir s’il y a de quoi vous désintéresser...
      Concernant votre créance, si les poursuites sont interdites pendant l’exécution du plan et en cas d’exécution totale, il est néanmoins possible de la faire fixer par le juge.
      Par ailleurs, il appartenait au débiteur de la mentionner auprès du mandataire judiciaire. Une action en responsabilité délictuelle est possible en cas d’omission, nonobstant l’interdiction des poursuites individuelles.
      Quant à la somme séquestrée (à quel titre ?), elle peut rester bloquée chez le notaire tant que l’affaire se dénoue, si votre créance ne peut définitivement être payée, cette somme sera appréhendée par les mandataires de justice...

  • Dernière réponse : 25 juillet 2014 à 15:31
    par Gaëlle , Le 24 juillet 2014 à 11:35

    Bonjour.. Si je comprends bien en cas de procédure collective, la créance non déclarée existe toujours et apparemment le créancier ne peut plus faire grand chose.
    Mais a t-il le droit, pour "embêter" le débiteur par exemple, d’inscrire cette créance non déclarée au fichier des incidents ?

    • par B. Ghandour , Le 25 juillet 2014 à 15:31

      Il existe différents fichiers relatifs aux incidents de paiement, l’inscription sur ces fichiers obéit à un cadre précis et relève, dans la plupart des cas, de l’initiative des établissements de crédit. Il y a fort à parier que l’établissement n’aura pas attendu l’ouverture d’une procédure collective pour faire cette inscription.
      Ne perdez pas de vue que l’ouverture des procédures collectives fait l’objet de publicités (notamment au RCS) accessibles à tous.
      Attention, mon article est à actualiser en ce qui concerne la procédure de déclaration de créance.

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