Un maire peut-il refuser de prêter une salle à une association ?

Par Chloé Schmidt-Sarels, Avocate.

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Explorer : # liberté de réunion # Égalité de traitement # pouvoirs du maire # utilisation des locaux communaux

Si le maire est compétent pour fixer les conditions d’utilisation des locaux communaux mis à disposition des associations et des partis politiques, celui-ci ne dispose pas d’une liberté totale dans la mesure où il ne doit pas porter atteinte aux libertés fondamentales, notamment au principe d’égalité et à la liberté de réunion.

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Les collectivités territoriales sont particulièrement sollicitées par les particuliers pour la mise à disposition de leurs locaux. Les associations, les partis politiques et les organisations syndicales peuvent, quant à eux, bénéficier d’une mise à disposition des locaux communaux s’ils en font la demande auprès du maire [1].

Le maire, compétent pour décider de la mise à disposition des locaux communaux

Le maire est seul compétent pour se prononcer sur une demande de mise à disposition d’une salle municipale.
Il n’a pas à consulter le conseil municipal préalablement à sa décision, « même en l’absence de réglementation de l’usage des salles fixée par le conseil municipal » [2].
De plus, le conseil municipal doit intervenir lorsque la mise à disposition des locaux se fait à titre onéreux afin d’en fixer les tarifs [3].
Par ailleurs, le maire doit rendre sa décision en tenant compte « des nécessités de l’administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l’ordre public » [4]. Cette dernière ne peut donc pas être arbitraire.

Les pouvoirs du maire limités par le principe d’égalité et la liberté de réunion

Le pouvoir de décision du maire dans la mise à disposition des locaux communaux n’est pas absolu.
Il est en effet tenu d’assurer l’égalité de traitement des usagers. Cela ne l’empêche pas de fixer des tarifs différents en fonction du type d’usager (entre un particulier et une association, par exemple) ; cependant, ces tarifs doivent être justifiés par des critères objectifs [5]. Par ailleurs, s’agissant du prêt de salles communales à des associations et partis politiques, celui-ci ne constitue pas un droit mais une simple faculté. Pour autant, un maire ne peut refuser de prêter une salle municipale à une association en raison de sa nature, et par exemple, ne pas accorder de mise à disposition d’un local à une formation politique en raison du seul fait de sa nature politique [6]. Cela aboutirait en effet à porter atteinte à la liberté de réunion et d’association.

Le juge admet des refus motivés par les nécessités de l’administration du domaine communal, du fonctionnement des services, du maintien de l’ordre public ou pour un motif d’intérêt général [7].
Ainsi, une association ou un parti politique qui se verrait refuser la mise à disposition de locaux communaux de façon arbitraire et discriminatoire peuvent contester cette décision devant le juge administratif, notamment par la voie du référé-liberté [8].

Un conseil municipal qui peut restreindre l’usage des locaux communaux

Si la commune entend se doter d’une réglementation de l’utilisation des salles communales, celle-ci, votée sous forme de délibération, peut restreindre l’usage des salles communales, en en excluant certaines catégories d’associations. A l’appui de cette réglementation, le maire accordera, ou non, le prêt ou la location d’une salle.

Là encore, ces restrictions municipales doivent se fonder sur des motifs non discriminatoires et tirés de la bonne gestion du domaine public communal, l’affectation du lieu en cause ou un autre motif d’intérêt général.

Ces délibérations, tout comme les arrêtés du maire, peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. A l’occasion d’un tel recours, le juge a admis une délibération prévoyant la location d’un local communal à « toutes associations, groupements et organismes laïques ou religieux, à l’exclusion des associations, groupements et organismes à caractère politique ou exerçant des offices religieux, l’exclusion des groupements à caractère politique étant levée pendant la durée de la durée légale des campagnes électorales », le conseil municipal ayant pour objectif de « mettre l’utilisation des locaux appartenant à la commune à l’abri de querelles politiques ou religieuses  », « sauf pendant les campagnes électorales » [9].

Chloé Schmidt-Sarels
Avocate en droit public
www.css-avocate.fr

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Notes de l'article:

[1Art. L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales.

[2CE, 21 juin 1996, Assoc. « Saint-Rome demain », n°134243, Lebon T. 679.

[3CE, 30 octobre 1996, Epx Selmi, n°123638, Lebon T. 746.

[4Article L. 2144-3 op. cit.

[5Civ. 1re , 13 mai 2014, n°12-16.784.

[6CE, 15 mars 1996, M. Cavin, n°137376, Lebon 16.

[7CAA Bordeaux, 28 déc. 2009, n°09BX01310.

[8CE, ord., 26 août 2011, Cne de Saint-Gratien, n°352106

[9CE, 5/3 SSR, 21 mars 1900, Commune de la Roque-d’Anthéron, n°76765.

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Discussions en cours :

  • M le maire me donne 1semaine pour retirer les bibliothèques et les quelques centaines de livres sans motif et en refusant que cette demande soit discutée en conseil municipal.Nous n avons,aucun endroit pour les,stocker nous avons toujours été hébergés par la mairie.La raison est uniquement personnelle (je suis première adjointe,nous avons des différents et je suis présidente de la bibliothèque municipale)

    Que pouvons nous faire ???

    • par Lecocq , Le 16 mars 2021 à 21:13

      Bonjour,

      La nouvelle municipalité veut maintenant conditionner le prêt d’une salle a l’engagement en tant que « bénévole obligatoire » dans les fetes de la ville par les membres de l’association ! Et surtout ils ne veulent prêter la salle qu’en echange du libre accès au matériel de l’association !
      Il s’agit d’une association créée par les assistantes maternelles de ma commune et donc d’enfants entre 0 et 3 ans. Le matériel en question coûte très cher et tous les parents avons aussi participé a leur achat. Cela me semble être du chantage ou au moins une forme d’abus de pouvoir ! Que pouvons nous faire ?
      Merci !

    • par Chloé Schmidt-Sarels, avocate , Le 18 mars 2021 à 14:51

      Cette mesure semble méconnaître à la fois le droit de propriété et la liberté de réunion.
      Vous pouvez dès lors formuler une nouvelle demande de prêt de la salle municipale.
      → Si le maire vous oppose un refus, vous pourrez saisir le Tribunal administratif dans le cadre d’un référé-liberté et demander au juge de suspendre la décision ainsi que d’enjoindre au maire de prêter une salle, sous astreinte.
      → Si ces mesures sont contenues dans un règlement voté par le conseil municipal, vous pourrez aussi saisir le Tribunal administratif dans le cadre d’un référé-liberté et demander au juge, en plus de suspendre la décision, d’enjoindre au maire de convoquer le conseil municipal afin de modifier le règlement, sous astreinte.
      N’hésitez pas à nous solliciter si vous souhaitez être accompagnée dans ces démarches.
      Me Schmidt-Sarels

    • par pages.jeanmarie@free.fr , Le 5 octobre 2023 à 09:14

      Oui mes les associations ont peu de moyens financiers.
      Combien coûte le fait de saisir le tribunal administratif ?
      Je vous remercie

  • par Cédric , Le 22 avril 2023 à 09:37

    Bonjour,
    Une grande nouveauté cette année par notre mairie. Les associations loi 1901 ne peuvent bénéficier que deux fois de la salle des fêtes du village à titre gratuit. Au delà on nous facture 300€ par location. Est ce normal ?
    Je vous remercie
    Cordialement

  • par VILLARDI Colette , Le 23 février 2022 à 08:18

    Bonjour,
    recherchant des infos sur le problême de prêts de salle par des associations, je me rends compte de l’abus de pouvoir de certains Maires, En effet, nombre de messages font apparaìtre des difficultés pour certaines associations à occuper des salles communales pour des réunions , en raison de conflits souvent en rapport avec des différences d’opinion (mais nous sommes bien un pays démocrate ?). Je constate que pour se défendre, les associations n’ont qu’un seul recours, le Tribunal Administratif. Mais pour des associations, sans subventions (toujours pour des raisons de différence d’opinion), comment aller devant un Tribunal dont les coûts ne peuvent être supportés par ces associations. Pouvez vous nous en dire plus sur les coûts d’une telle procédure.
    Merci pour votre retour
    Cordialement

  • Bonjour,

    Nous avons depuis 1 an des refus de la nouvelle maire pour disposer d’une salle pour les réunions de l’association.
    L’année dernière l’excuse invoquée était le contexte sanitaire même si les autres associations avaient accès à la salle communale.
    Cette année la maire a continué de même et pour cette nouvelle rentrée scolaire , elle refuse par diverses excuses de nous preter un salle pour faire nos réunions.
    Quel recours avons nous du coup ?
    Merci de votre aide

  • Dernière réponse : 7 décembre 2020 à 08:48
    par Association Au Coeur De L’Etre , Le 10 avril 2018 à 15:25

    Que faire si le maire ne répond pas au courrier de demande d’obtention d’une salle par une association, bien que celle-ci ai déjà rencontré une première fois le maire sans que celui-ci ne se prononce ?Sachant que d’autres associations bénéficient de salles sur la commune et que nous savons qu’il y a des plages horaires disponibles.

    Merci pour votre réponse.

    • par Me Schmidt-Sarels , Le 10 avril 2018 à 18:03

      En l’absence de réponse du maire sous 2 mois à compter de votre demande de prêt (que vous aurez envoyée en LRAR), naîtra une décision implicite de rejet. Si la situation ne se débloque toujours pas, vous pourrez alors former un recours contre cette décision de rejet dans un délai de 2 mois, devant le tribunal administratif du lieu de la commune. Bien à vous, Me Schmidt-Sarels

    • par Martial PULOCH , Le 12 novembre 2018 à 18:41

      Bonsoir , nous sommes une jeune association intitulée l’annexe SOS Femmes pour venir en aide aux femmes victimes de violences sur la commune d’ERGUE GABERIC (29) . Le maire de cette commue est il dans l’obligation de nous mettre à disposition une salle de réunion ?.
      Merci de votre réponse pouvez vous nous indiquer le texte de Loi qui précise cette obligation ou pas

    • par CL31 , Le 6 février 2020 à 15:08

      Cher Maître
      La Mairie d’une commune ou est situé un de nos comité local souhaite reprendre un local prêté gratuitement depuis plus de 40 ans pour y installer une autre association. En a-t-il le droit et n’est-il pas tenu de reloger le comité ?

    • par Lhomme , Le 7 décembre 2020 à 08:48

      Bonjour,
      Nous sommes une association sportive Loi 1901. Notre municipalité nous accorde gracieusement l’accès à un local pour pratiquer nos activités et ce depuis 40 ans.
      Cette année, la municipalité a décidé d’instaurer une carte d’accès à tous les utilisateurs des infrastructures sportives de la commune. Cette carte est gratuite pour les habitants de la commune mais payante pour les habitants extérieurs de la commune.
      N’y a t-il pas une forme de discrimination (par rapport au lieu de residence) tout sachant également que dirigeants, entraineurs et encadrants ne sont pas assujettis au paiement de cette carte d’accès ?
      Existe t-il un risque de fichage des utilisateurs. ?
      Sachant que la salle est mise gracieusement à disposition de l’association, est ce que cette carte d’accès est légitime et légale ? Ne serait ce pas à l’association de supporter les éventuels coûts et charges d’entretien du local ?
      En vous remerciant par avance
      Cordialement

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