[Réflexion] La loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » et ses incidences en droit pénal.

Par Simon Takoudju, Avocat et Célia Doerr, Juriste.

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Explorer : # immigration # répression # séjour irrégulier # Éloignement

Ce que vous allez lire ici :

Cet article revient sur la loi "pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration", promulguée le 26 janvier 2024. Il indique les nouvelles prérogatives créées par cette loi, telles que, la création de nouvelles infractions, de circonstances aggravantes ou encore le durcissement de la mesure d’interdiction du territoire.
Description rédigée par l'IA du Village

La « loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » (n°2024-42) a été promulguée le 26 janvier 2024.
Initialement présenté par le gouvernement, le texte contenait 27 articles. Le texte voté par le Parlement en contenait quant à lui 86. Par une décision en date du 25 janvier 2024, le Conseil Constitutionnel a néanmoins censuré 32 articles.
La loi promulguée contient un certain nombre de dispositions liées à la matière pénale, notamment de nouvelles prérogatives telles que, la création de nouvelles infractions, de circonstances aggravantes ou encore le durcissement de la mesure d’interdiction du territoire.

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En effet, la loi a notamment pour objectif, d’éloigner du territoire français des étrangers qui auraient fait l’objet d’une condamnation pénale et de pénaliser de façon importante le séjour irrégulier.

Si de nombreuses dispositions ont été sanctionnées par le Conseil Constitutionnel, notamment, la réinstauration d’un délit de séjour irrégulier, l’alourdissement des peines en cas de mariage ou reconnaissance d’enfant aux seules fins d’obtenir un titre de séjour, ou encore, le recours à la contrainte pour procéder aux relevés d’empreintes digitales, d’autres dispositions ont bel et bien été promulguées par le biais de cette loi.

À ce titre, deux grands axes seront développés : la volonté de répression croissante du séjour irrégulier (I), puis la volonté d’éloignement des personnes condamnées en situation irrégulière (II).

I. La volonté de répression croissante du séjour irrégulier.

La loi promulguée a notamment permis de créer une circonstance aggravante aux délits de facilitation à l’entrée et la circulation d’un étranger en France et inséré un nouveau crime en rapport avec ces délits.

1. La création de circonstances aggravantes.

Parmi les dispositions promulguées par la loi, une nouvelle circonstance aggravante est ajoutée aux délits de facilitation, par aide directe ou indirecte, à l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en France.

Le nouvel article L823-3 du CESEDA dispose en effet que :

« Sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende les infractions définies aux articles L823-1 et L823-2 lorsque les faits :
1° Sont commis en bande organisée ;

2° Sont commis dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;

3° Ont pour effet de soumettre les étrangers à des conditions de vie, de transport, de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité de la personne humaine ;

4° Sont commis au moyen d’une habilitation ou d’un titre de circulation en zone réservée d’un aérodrome ou d’un port ;

5° Ont pour effet d’éloigner des mineurs étrangers de leur milieu familial ou de leur environnement traditionnel.

Les peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et un million d’euros d’amende lorsque les infractions prévues aux mêmes articles L823-1 et L823-2 sont commises dans deux circonstances mentionnées au présent article, dont celle mentionnée au 1° ».

Désormais, si ces infractions sont commises dans deux circonstances mentionnées à l’article L 823-3 du CESEDA, dont la bande organisée, elles ne relèvent plus de la catégorie des délits, mais des crimes.

Elles sont alors réprimées de 15 ans de réclusion criminelle et d’un million d’euros d’amende.

2. L’insertion de nouveaux crimes.

La loi a également permis de créer un nouveau crime.

Désormais, l’article L 823-3-1 du CESEDA réprime le fait de diriger ou d’organiser un groupement ayant pour objet la commission des infractions de facilitation à la circulation ou au séjour d’étranger en situation irrégulière.

Ce crime est puni de 20 ans de réclusion criminelle et 1 500 000€ d’amende.

Si le délit d’aide à l’entrée et à la circulation d’un étranger en France est plus largement réprimé, la loi révèle également une volonté d’éloignement des personnes en situation irrégulière en France et ayant fait l’objet d’une condamnation.

II. La volonté d’éloignement des personnes condamnées en situation irrégulière.

Un des objectifs de la « loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » était de « rendre possible l’éloignement d’étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public ».

La loi a notamment durci le régime de la peine complémentaire d’interdiction du territoire français. Si des mesures d’aménagement pour les personnes étrangères, telles que la libération conditionnelle expulsion, existaient avant la promulgation de la loi, cette dernière a opéré quelques changements concernant d’autres régimes tel que celui de la libération sous contrainte.

1. Le durcissement de l’interdiction de territoire.

Jusqu’à présent, le juge pénal pouvait prononcer l’interdiction de territoire en tant que sanction pénale, lorsque le texte d’incrimination le prévoyait expressément.

Désormais, cette peine d’interdiction de territoire peut être prononcée pour tous les crimes et les délits punis d’une peine d’emprisonnement, même lorsque la loi ne le prévoit pas.

Au surplus, auparavant, l’application de la peine d’interdiction du territoire, en cas d’absence de peine privative de liberté, était mise en place dès le prononcé du jugement (assorti de l’exécution provisoire) ou à l’expiration des délais pour former un recours.

En revanche, lorsque la peine consistait en une privation de liberté, l’application de l’interdiction du territoire était suspendue pendant le délai d’exécution de la peine d’emprisonnement ferme, et ne recommençait à courir que lors de la libération.

Désormais, l’interdiction du territoire ne commence à courir qu’à partir du moment où le condamné a effectivement quitté le territoire.

L’objectif étant que cette peine ne commence pas alors que la personne se maintient encore sur le territoire français.

2. Les aménagements de peines des personnes étrangères.

En principe, les personnes condamnées incarcérées peuvent prétendre à des aménagements de peine afin d’envisager et de faciliter leur réinsertion.

La nouvelle loi est venue également encadrer cette possibilité d’aménagement de peine pour les personnes condamnées, en situation irrégulière.

a) La libération conditionnelle expulsion.

L’aménagement auquel les personnes étrangères peuvent prétendre (et ce avant la promulgation de la loi immigration) est la libération conditionnelle expulsion (LCE).

Cette mesure ne nécessite pas le consentement préalable de la personne concernée, lorsqu’elle fait l’objet :

« d’une mesure d’interdiction du territoire français, d’interdiction administrative du territoire français, d’obligation de quitter le territoire français, d’interdiction de retour sur le territoire français, d’interdiction de circulation sur le territoire français, d’expulsion, d’extradition ou de remise sur le fondement d’un mandat d’arrêt européen, sa libération conditionnelle est subordonnée à la condition que cette mesure soit exécutée » (article 729-2, alinéa 1 du CPP).

La personne doit avoir effectué la moitié de sa peine et avoir eu un comportement sérieux en détention.

La personne faisant l’objet d’une LCE est, dès sa sortie de prison, accompagnée vers l’aéroport ou vers un centre de rétention administrative dans l’attente de son expulsion.

Ainsi, la condition sine qua non à la libération conditionnelle est le départ de la personne du territoire français.

Une fois expulsée, la personne ne dépendra plus du juge français, qui n’aura aucun contrôle sur le suivi du condamné, mais il sera soumis au régime d’application des peines de son pays.

b) La libération sous contrainte.

La loi du 26 janvier 2024 a, quant à elle, ajouté un nouvel alinéa à l’article 720 du Code de procédure pénale, concernant la libération sous contrainte.

Ainsi, la libération sous contrainte peut être prononcée pour tout étranger faisant l’objet « d’une mesure d’interdiction du territoire français, d’interdiction administrative du territoire français, d’obligation de quitter le territoire français, d’interdiction de retour sur le territoire français, d’interdiction de circulation sur le territoire français, d’expulsion, d’extradition ou de remise sur le fondement d’un mandat d’arrêt européen » (article 720, IV du CPP), lorsqu’il reste au condamné exécutant une ou plusieurs peines d’emprisonnement dont la durée totale n’excède pas deux ans, un reliquat de peine à exécuter inférieur ou égal à trois mois.

Cette mesure n’est possible que si la mesure d’éloignement est exécutée avec ou sans son consentement.

Pour les personnes condamnées en situation régulière, la libération sous contrainte peut prendre la forme d’une libération conditionnelle, d’une détention à domicile sous surveillance électronique, d’un placement à l’extérieur ou encore d’une semi-liberté.

En revanche, la nouvelle loi dispose que pour les condamnés en situation irrégulière et faisant l’objet notamment, d’une mesure d’interdiction du territoire français, d’une interdiction administrative, ou d’une obligation de quitter le territoire français, seule la libération conditionnelle expulsion est envisageable au stade de la libération sous contrainte.

Par conséquent, les dispositions pénales de la loi du 26 Janvier 2024 semblent avoir pour objet d’éloigner du territoire français les étrangers ayant fait l’objet d’une condamnation pénale, en durcissant le régime de protection des interdictions du territoire mais, également en faisant de leur départ, une condition pour bénéficier d’un aménagement de peine.

Simon Takoudju, Avocat
Barreau de Bordeaux
Célia Doerr, Juriste
Canopia Avocats
mail : st chez canopia-avocats.com
site web : https://www.stakoudju-avocat.fr

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