La loi du 21 avril 2021 étend significativement le crime de viol.

Par Thibaud Claus, Avocat.

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Explorer : # viol # mineurs # consentement # réforme législative

Les infractions de viol et d’agression sexuelle intrafamiliaux font l’objet d’une médiatisation accrue. Or, si les discussions quant au projet de loi pour réformer le viol incestueux ont fait l’objet d’une forte résonnance médiatique, la loi nouvellement applicable en date du 21 avril 2021 a de manière surprenante reçue moins d’écho.

Elle modifie pourtant de manière significative le crime de viol par la qualification criminelle du rapport bucco-génital et par le rejet du consentement à l’acte sexuel pour les mineurs de quinze ans avec un majeur (sous certaines réserves).

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I. Rappel du droit antérieur à la loi du 21 avril 2021.

Avant cette réforme, le viol était défini comme tout acte de pénétration sexuelle sur la victime ou, depuis une réforme du 03 août 2018, sur la personne de l’auteur [1].

Les autres atteintes sexuelles non consenties étant sanctionnées par le délit d’agression sexuelle [2].

Les rapports bucco-génitaux non consentis étaient ainsi qualifiés par l’infraction délictuelle d’agression sexuelle et non de crime de viol, à l’exception des fellations imposées sur la victime pénétrée. Cette jurisprudence aurait pu connaitre une évolution avec la qualification de viol y compris lorsque que c’est la victime qui pénètre la personne de l’auteur depuis la réforme du 03 août 2018. Cependant la réforme de 2018 ne permettait pas de qualifier de viol le rapport bucco-génital imposé sur le sexe d’une femme, qualifié alors d’agression sexuelle en l’absence de pénétration.

De plus, la qualification de viol pour les actes sexuels entre un enfant de moins de quinze ans et un majeur nécessitaient de rapporter la preuve du défaut de consentement du mineur. La réforme du 03 août 2018 avait cependant étendu la notion de contrainte morale concernant les mineurs de quinze ans, la différence d’âge étant une composante à prendre en compte mais restait non suffisante pour caractériser dans tous ses éléments une contrainte.

En l’absence de la preuve rapportée de la contrainte de la victime mineur de quinze ans, il était, et est toujours, appliqué l’infraction subsidiaire d’atteinte sexuelle sur mineur punie notamment de sept années d’emprisonnement, telle qu’aggravée par la réforme du 03 août 2018 [3].

La loi du 21 avril 2021 vient réformer significativement le crime de viol.

II. L’application extensive du crime de viol.

La loi du 21 avril 2021 ajoute donc aux actes de pénétrations sexuelles contraints les rapports bucco-génitaux non consentis commis sur la personne de la victime ou sur la personne de l’auteur à l’infraction de viol [4].

Cette extension est significative.

De plus, la réforme du 21 avril 2021 criminalise les rapports sexuels précédemment définis entre un mineur de quinze ans et un majeur lorsque la différence d’âge entre le mineur et le majeur est d’au moins cinq ans [5].

La preuve de l’absence de consentement du mineur n’a donc plus à être rapportée.

Cette modification législative va avoir des conséquences pratiques particulièrement importantes.

Entre outre, pour les actes sexuels commis sur un mineur de quinze ans par un majeur mais avec une différence d’âge de moins de cinq, c’est l’infraction subsidiaire d’atteinte sexuelle sur mineur précédemment définie qui continuera de s’appliquer [6].

Il doit également être indiqué que l’exigence de différence d’âge d’au moins cinq ans entre le mineur de quinze ans et le majeur ne s’applique pas lorsque que l’auteur majeur est un ascendant, ou a autorité de droit ou de fait sur le mineur.

Pour rappel, la connaissance de l’âge de la victime par l’auteur des faits devra être déterminée par la Cour d’assises. En effet, en matière criminelle l’intention ne peut pas être présumée. Ce sont les éléments objectifs du dossier et les critères apparents de la victime qui permettront de déterminer la bonne foi ou non de la personne poursuivie quant à sa connaissance de l’âge de la victime.

Cette extension du crime de viol semblait attendue par la Société. Elle risque cependant de poser des difficultés quant aux relations sexuelles consenties entre un mineur de quinze ans et un jeune majeur.

Elle pose aussi la question de la conformité de la présomption de défaut de consentement des mineurs de quinze ans.

Pour rappel, le Conseil d’Etat consulté sur cette question dans le cadre du projet de loi de 2018 avait conclu au défaut de conformité :

« une présomption de culpabilité en considérant, sans autre condition, que tout rapport sexuel entre un majeur et un mineur de quinze ans constitue un viol, du fait de l’absence présumée de consentement de la part de ce dernier […] aurait été très difficilement compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel […] Ces exigences sont d’autant plus fortes lorsque la présomption est instituée pour un crime […].
La même présomption, s’agissant d’un crime, aurait aussi très certainement excédé « les limites raisonnables » dans lesquelles la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales [7] enserre les présomptions de droit ou de fait en matière pénale, compte tenu de la gravité de l’enjeu et de la difficulté en pratique pour le mis en cause de se défendre
 » [8].

Si la présomption irréfragable de défaut de consentement du mineur de quinze à l’acte sexuel avec un majeur semble aujourd’hui remporter une large adhésion de la Société, les débats juridiques ne sont eux pas terminés et cette loi nouvelle du 21 avril 2021 devrait être confrontée aux normes constitutionnelles et conventionnelles dans les années à venir.

Thibaud CLAUS
Avocat au Barreau de Lyon
Spécialiste en droit pénal
www.claus-avocat-lyon.com

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Notes de l'article:

[1Article 222-23 du Code pénal.

[2Article 222-27 du Code pénal.

[3Article 227-25 du Code pénal.

[4Article 222-23 du Code pénal.

[5Article 222-23-1 du Code pénal.

[6Article 227-25 du Code pénal.

[7CEDH, Salabiaku c/ France, 7 octobre 1988.

[8Avis consultatif du Conseil d’Etat du 21 mars 2018 quant au projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes commises contre les mineurs et les majeurs.

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