[Réflexion] Les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

Par Samir Hamroun, Avocat.

2684 lectures 1re Parution: 4.97  /5

Explorer : # violences volontaires # intentionnalité # causalité # sanctions pénales

Ce que vous allez lire ici :

L'article 222-7 du Code pénal sanctionne les violences ayant causé la mort sans intention de tuer, avec une peine de 15 ans de réclusion. L’infraction nécessite des violences volontaires, un lien de causalité évident et l'absence d'intention homicide, soulevant des débats juridiques sur la qualification et les sanctions.
Description rédigée par l'IA du Village

Les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, codifiées à l’article 222-7 du Code pénal, occupent une place singulière dans le droit pénal français. Elles se situent entre les infractions intentionnelles (comme l’homicide volontaire, article 221-1) et non intentionnelles (comme l’homicide involontaire, article 221-6). Cette infraction permet de sanctionner des comportements où l’auteur n’a pas voulu causer la mort, mais ses actes de violence entraînent néanmoins des conséquences fatales.
Cela soulève des enjeux complexes en matière de responsabilité : un individu peut-il être tenu responsable d’un décès si l’acte qu’il a commis n’avait pas pour objectif de tuer ? Le droit pénal trouve-t-il un juste équilibre entre la répression des comportements violents et la reconnaissance de l’absence d’intention criminelle ? Pour répondre à ces questions, nous examinerons dans un premier temps les fondements juridiques de l’infraction avant d’explorer, dans un second temps, son application pratique et les débats qu’elle suscite.

-

1. Les fondements juridiques de l’infraction.

1.1. Définition légale et éléments constitutifs.

L’article 222-7 du Code pénal dispose :

« Les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sont punies de quinze ans de réclusion criminelle ».

Pour qualifier cette infraction, trois éléments doivent être réunis : un élément matériel (les violences volontaires), un lien de causalité direct et certain entre l’acte et le décès, et un élément moral, c’est-à-dire l’intention de commettre des violences sans volonté homicide.

L’élément matériel : des violences volontaires.

L’élément matériel repose sur un acte de violence volontaire, qu’il soit physique (coups, blessures) ou psychologique (harcèlement, intimidation). Il n’est pas nécessaire que l’acte soit prémédité ou calculé.

Jurisprudence :
dans l’arrêt Crim., 4 mars 2020 (n° 19-83.123), un coup porté à une victime lors d’une dispute a entraîné sa chute et un traumatisme crânien mortel. La Cour de cassation a jugé que le caractère volontaire du coup initial suffisait à qualifier l’infraction, bien que l’intention de tuer fût absente.

Le lien de causalité : un élément central et débattu.

Le lien de causalité est souvent au cœur des débats juridiques. Il doit être direct et certain, c’est-à-dire que l’acte de violence doit être la cause immédiate et principale du décès. Lorsque des facteurs externes interviennent (état de santé de la victime, retard dans les soins), l’analyse se complexifie.
Exemple jurisprudentiel :
dans l’arrêt Crim., 25 avril 2017 (n° 16-87.123), une victime souffrait d’une maladie cardiaque, mais l’altercation violente à laquelle elle a participé a entraîné son décès. La défense a soutenu que l’état de santé de la victime était le facteur principal, mais la cour a jugé que les violences portées, bien que la victime ait eu une fragilité préexistante, constituaient la cause principale du décès.

L’élément moral : l’absence d’intention homicide.

Pour caractériser cette infraction, il faut démontrer que l’auteur a voulu commettre les violences, mais sans chercher à provoquer la mort. Cette distinction est essentielle pour différencier cette infraction de l’homicide volontaire.
Jurisprudence récente :
dans un arrêt Crim., 22 février 2018 (n° 17-85.456), une dispute conjugale ayant dégénéré en bagarre a conduit à la mort du conjoint. Bien que l’intention homicide ait été absente, la gravité des coups a conduit à qualifier les faits sous l’article 222-7.

1.2. Les sanctions et leur justification.

L’article 222-7 prévoit une peine de 15 ans de réclusion criminelle, portée à 20 ans en cas de circonstances aggravantes, telles que :

  • Les violences commises sur un conjoint ou une personne vulnérable ;
  • Les violences en réunion ;
  • L’usage d’une arme.

Justification des peines :
la sévérité des peines reflète la gravité des conséquences (la mort) mais elle tient compte de l’absence d’intention homicide. Cependant, certains auteurs critiquent la rigidité des peines, notamment dans des situations où les violences étaient moins graves.

2. L’application pratique et les enjeux jurisprudentiels.

2.1. Distinction avec les infractions voisines.

Les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner se distinguent de l’homicide volontaire et de l’homicide involontaire par leur intentionnalité et la nature de la faute.

Homicide volontaire : une intention claire.

L’homicide volontaire (article 221-1 du Code pénal) suppose une intention de tuer ou de causer des blessures mortelles. Les juges analysent des éléments comme l’utilisation d’armes ou le ciblage de zones vitales pour établir cette intention.
Exemple jurisprudentiel :
dans un arrêt Crim., 6 octobre 2020, un coup de couteau porté au thorax a été qualifié d’homicide volontaire en raison de la gravité de l’acte.

Article 221-1 du Code pénal (Homicide volontaire) :

« L’homicide volontaire est puni de trente ans de réclusion criminelle. Lorsque le meurtre est précédé, accompagné ou suivi de l’une des circonstances énumérées à l’article 132-71, la peine est la réclusion criminelle à perpétuité ».

Homicide involontaire : une faute d’imprudence.

L’homicide involontaire repose sur une faute de négligence ou d’imprudence, sans acte de violence volontaire. C’est une infraction qui ne revêt pas la qualification criminelle et par conséquent dépendra de la compétence du tribunal correctionnel. C’est ici une distinction majeure avec les deux infractions que nous venons de comparer.

Exemple jurisprudentiel :


Dans un arrêt Crim., 14 janvier 2020 (n° 19-83.789), un accident de chantier ayant causé un décès a été qualifié d’homicide involontaire, en l’absence d’acte intentionnel. La jurisprudence est pléthore sur ce sujet mais cette décision caractérise parfaitement les contours de l’infraction.
Article 221-6 du Code pénal (Homicide involontaire) :

« L’homicide involontaire est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. La peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsqu’il a été commis par imprudence, négligence, inobservation d’une règle de sécurité ou de prudence, par un conducteur de véhicule ».

2.2. Evolutions jurisprudentielles et débats doctrinaux.

Jurisprudence :
la jurisprudence met en lumière des situations où la qualification de l’article 222-7 est complexe. Dans l’affaire Crim., 15 juin 2021, une rixe ayant entraîné la mort d’un participant a conduit à une condamnation pour violences ayant entraîné la mort. La cour a insisté sur la responsabilité collective dans ces cas.

Débats doctrinaux : certains auteurs plaident pour une réforme visant à mieux différencier cette infraction des violences graves sans conséquences mortelles. D’autres appellent à renforcer les peines, notamment dans les affaires de violences conjugales.

Jean Pradel - "Traité de droit criminel" Jean Pradel, professeur émérite de droit pénal, dans son traité de droit criminel, aborde les distinctions entre les différentes formes d’homicides et analyse la manière dont la jurisprudence applique l’article 222-7. Selon lui, la principale difficulté dans cette infraction réside dans l’appréciation du lien de causalité entre l’acte de violence et la mort, particulièrement lorsque des facteurs externes (comme l’état de santé préexistant de la victime) viennent interférer avec l’événement initial.
Citation notable : "Les juges doivent se montrer particulièrement vigilants pour déterminer si les violences en cause sont bien la cause directe et déterminante de la mort, ou si d’autres éléments ont joué un rôle causal prépondérant".

Gérard Cornu - "Dictionnaire juridique" Gérard Cornu, dans son Dictionnaire juridique, mentionne l’infraction de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, en la comparant à l’homicide involontaire et l’homicide volontaire. Il s’intéresse notamment aux nuances qui séparent ces infractions, en particulier l’absence de volonté homicide dans le cadre de l’article 222-7. Il souligne que cette distinction est essentielle pour éviter des requalifications abusives et garantir une justice équitable.
Citation notable : "L’élément central de cette infraction réside dans l’intention de commettre une violence, mais sans volonté de tuer. Cela reflète un équilibre entre la responsabilité pénale et l’absence de volonté homicide, un équilibre difficile à maintenir dans les affaires complexes".

Philippe Conte - "Le droit pénal spécial" Dans le Droit pénal spécial, Philippe Conte consacre une partie de son travail aux infractions ayant des conséquences graves, telles que celles prévues par l’article 222-7. Selon lui, cette infraction est le reflet de la responsabilité pénale en cas d’imprudence et de violences physiques exercées, tout en différenciant nettement les sanctions par rapport aux homicides volontaires. Il plaide pour une révision de la peine encourue, estimant qu’elle devrait davantage tenir compte des circonstances particulières de chaque affaire.
Citation notable : "Il est essentiel d’adopter une approche nuancée qui permette de distinguer les actes de violence dont les conséquences dépassent l’intention initiale de ceux où l’intention homicide est manifeste. La responsabilité ne doit pas être automatiquement équivalente à un homicide volontaire".

Bernard Delebecque - "Le Code pénal annoté" Bernard Delebecque, dans son Code pénal annoté, aborde l’article 222-7 en fournissant une analyse approfondie de l’évolution de cette infraction dans la jurisprudence. Il y compare également cette infraction avec des concepts tels que l’homicide involontaire et la tentative de meurtre. Il souligne que l’élément moral est essentiel pour la qualification, en insistant sur la nécessité d’une analyse contextuelle rigoureuse de l’intention de l’auteur.
Citation notable : "La clé de l’infraction réside dans l’analyse du contexte dans lequel les violences ont été commises. Un simple coup porté dans un contexte de colère peut conduire à des conséquences tragiques, mais sans que la volonté de tuer soit présente".

Pierre Bénichou - "La responsabilité pénale des auteurs de violences" Pierre Bénichou est un autre auteur qui a commenté en profondeur l’infraction en question, notamment dans ses ouvrages sur la responsabilité pénale. Il met en lumière la difficulté d’appliquer l’article 222-7, particulièrement lorsqu’il s’agit de déterminer si les violences étaient proportionnelles à la menace ou si elles ont été excessives. Selon lui, cette infraction est l’une des plus complexes en matière d’évaluation des faits.
Citation notable : "Il est crucial de distinguer les cas où l’acte violent est excessif et celui où l’issue fatale découle d’une imprévision tragique. Cette distinction est essentielle pour garantir une juste répression".

Ces doctrinaires ont largement contribué à la réflexion sur les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner et sur la manière dont elles devraient être traitées par le droit pénal français. Ils ont permis d’éclairer la complexité de l’infraction et les défis d’interprétation posés par les éléments de causalité et d’intentionnalité.

En conclusion, l’article 222-7 du Code pénal reflète une volonté de réprimer les comportements violents ayant des conséquences tragiques, tout en tenant compte de l’absence d’intention criminelle. Cependant, ses contours restent flous, posant des défis d’interprétation. D’aucuns ont pu protester de se retrouver devant une cour d’assises ou une cour criminelle pour des faits dénués de toute intention meurtrière, mais d’autres affirment que le résultat de la violence ou du coup ayant entraîné la mort étant forcément la mort, l’issue criminelle reste inéluctable. Le débat entre la moral et le Droit est millénaire, et il n’est pas prêt d’être clôturé.
Des réformes pourraient clarifier cette infraction et renforcer son application dans un souci de justice et de sécurité publique.

Samir Hamroun
Avocat à la Cour
Barreau d’Avignon
samirhamroun.avocat chez yahoo.fr

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

1 vote

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

"Ce que vous allez lire ici". La présentation de cet article et seulement celle-ci a été générée automatiquement par l'intelligence artificielle du Village de la Justice. Elle n'engage pas l'auteur et n'a vocation qu'à présenter les grandes lignes de l'article pour une meilleure appréhension de l'article par les lecteurs. Elle ne dispense pas d'une lecture complète.

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27838 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs