[Réflexion] Les différentes infractions à caractère terroriste.

Par Samir Hamroun, Avocat.

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Explorer : # terrorisme # radicalisation # liberté d'expression # financement du terrorisme

Les infractions à caractère terroriste constituent l’un des enjeux majeurs de la législation pénale contemporaine. Dans un contexte mondial marqué par une multiplication des actes violents à des fins idéologiques ou politiques, le droit pénal a évolué pour faire face à la menace terroriste. Le terrorisme, qui désigne des actes de violence, de terreur et de destruction commis dans un but politique, religieux ou idéologique, est désormais explicitement criminalisé par des textes internationaux et nationaux, notamment en droit français.

Le droit pénal français, en particulier depuis les attentats du 11 septembre 2001 et ceux qui ont frappé la France à partir de 2015, a intensifié ses mécanismes répressifs pour répondre à cette forme de criminalité particulière. La législation a alors intégré des infractions spécifiques telles que l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, l’apologie du terrorisme, le financement du terrorisme, ou encore la participation à un acte terroriste. Ces infractions sont désormais encadrées principalement par les articles 421-1 à 421-7 du Code pénal.

Les répercussions de ces actes vont au-delà des simples victimes : elles touchent toute une société en fragilisant ses structures politiques, économiques et sociales. La réponse législative cherche non seulement à réprimer les auteurs d’actes terroristes, mais aussi à prévenir l’émergence de nouvelles formes de radicalisation, tout en équilibrant sécurité nationale et respect des droits fondamentaux.

Les infractions à caractère terroriste sont d’autant plus complexes qu’elles s’étendent sur un large spectre, incluant la préparation, l’incitation, le financement et la commission de violences, mais aussi la prise en compte de la dimension internationale du phénomène. L’objectif de cette réflexion est de détailler la nature de ces infractions, les mécanismes juridiques qui les répriment, ainsi que la jurisprudence qui façonne la répression du terrorisme en France.

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Le procès des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, qui a débuté en septembre 2021 et s’est prolongé jusqu’à la fin de 2022, a marqué une étape décisive dans l’histoire judiciaire française, en raison de son ampleur et de la gravité des actes commis. Les attaques ont fait 130 victimes et ont bouleversé la société française.

Les prévenus ont été jugés pour leur participation à l’organisation terroriste derrière ces attaques, et les infractions pénales relevant du Code pénal, telles que l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste (article 421-2), l’attaque terroriste (article 421-4), et la tentative de meurtre avec intention terroriste ont été au cœur des débats.

1. Le cadre législatif et les charges retenues.

Les charges principales portées contre les accusés concernaient leur participation à une organisation terroriste, en lien avec l’État islamique (Daech). L’article 421-2 du Code pénal, relatif à l’association de malfaiteurs, a été l’un des textes clés pour qualifier l’implication des accusés. Ceux-ci étaient accusés d’avoir facilité les attentats, que ce soit en fournissant des armes, en organisant des déplacements, ou en soutenant financièrement les membres de l’organisation terroriste.

L’article 421-2 du Code pénal dispose :

"L’association de malfaiteurs en vue de commettre un ou plusieurs actes de terrorisme est punie de vingt ans de réclusion criminelle".

L’article 421-1 du Code pénal, qui vise la réclusion criminelle à perpétuité pour toute personne impliquée dans un crime en lien avec une entreprise terroriste, a été appliqué pour certains des accusés, ceux qui ont été jugés avoir directement facilité les attaques. Les peines infligées lors de ce procès ont révélé la gravité avec laquelle la justice française appréhende les actes terroristes.

2. La procédure judiciaire et les décisions clés.

Le procès a permis de mettre en lumière l’organisation de ces attaques et la collaboration entre les différents accusés. L’un des aspects les plus marquants a été la question de la radicalisation des individus, qui a été approfondie à travers le témoignage des experts et des accusés eux-mêmes.

L’accusé Salah Abdeslam, principal suspect, a été condamné à perpétuité incompressible après avoir été reconnu coupable de sa participation directe aux attentats, notamment de son rôle dans les attaques au Bataclan. Cette décision, particulièrement sévère, a reflété la volonté de la Cour de condamner non seulement les actes violents eux-mêmes mais aussi l’idéologie de la violence qui les sous-tendait.

La Cour a également dû faire face à des questions relatives à la légitime défense et à la répression de la provocation aux actes terroristes, en appliquant les principes de l’article 421-2-2 du Code pénal, concernant la provocation à commettre un acte de terrorisme.

Article 421-2-2 du Code pénal (Provocation au terrorisme) :

"Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait de provoquer à la commission d’un acte terroriste".

Plus récemment, le procès de Samuel Paty qui fut renvoyé sous les contours d’une autre forme de terrorisme - l’attaque contre la liberté d’expression.

Le procès de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie tragiquement assassiné le 16 octobre 2020 par un terroriste islamiste, a également été l’un des procès les plus médiatisés et importants de la justice française en matière de terrorisme. Ce procès s’inscrit dans un contexte de lutte contre le terrorisme islamiste, mais il soulève aussi la question fondamentale de la liberté d’expression et de l’enseignement laïque face à des actes de violence terroriste.

Samuel Paty a été attaqué pour avoir montré en cours des caricatures de Mahomet issues de Charlie Hebdo, dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression. Ce geste, qui avait pour objectif de défendre la laïcité et d’expliquer les principes républicains, a provoqué une violente réaction qui a abouti à son assassinat par un jeune homme de 18 ans, radicalisé par des discours islamistes.

Le cadre législatif et la qualification des actes.

L’assassinat de Samuel Paty a été qualifié de meurtre terroriste en raison de l’idéologie derrière l’attaque. Le Code pénal, en son article 421-1, définit les actes de terrorisme comme étant ceux qui ont pour but d’intimider la population ou de contraindre les pouvoirs publics par l’usage de la violence. L’attaque a été une réponse violente à une question d’enseignement et de liberté d’expression, ce qui l’a qualifiée en tant qu’attaque terroriste.

Article 421-1 du Code pénal :

"Le fait de commettre un crime en lien avec une entreprise terroriste est puni de la réclusion criminelle à perpétuité".

Le procès, qui a eu lieu en 2022, a permis d’analyser les circonstances de la radicalisation de l’auteur de l’attentat et de ses motivations profondes. Il a également permis d’évaluer les enjeux juridiques relatifs à la provocation à la commission d’un acte terroriste.

Le procès et la réaction juridique.

Le procès a mis en lumière plusieurs aspects fondamentaux du droit pénal en matière de terrorisme. Tout d’abord, la justice a dû se pencher sur la question du rôle de l’idéologie radicale et des discours haineux dans la montée en puissance de la radicalisation des individus.

Le procureur a également insisté sur la protection des fonctionnaires publics dans l’exercice de leur fonction, car l’assassinat de Samuel Paty représente une attaque directe contre l’école républicaine et les valeurs de la République.

Le procès a également permis de condamner les complices et les instigateurs de l’assassinat, certains ayant joué un rôle en incitant le meurtrier à passer à l’acte, à travers des appels à la haine et à la violence.

A la lumière de ce procès historique, comment ne pas penser à cette citation de Chateaubriand : « La liberté de la presse est le pouvoir d’éclairer l’opinion et d’orienter les pensées ».

Cette citation de Chateaubriand résonne profondément dans ce contexte où le droit à l’éducation et à l’expression est mis en péril par des actes terroristes. Samuel Paty, par son enseignement, incarnait cette liberté de penser, d’enseigner et de débattre.

L’article 421-2-2 du Code pénal dispose :

"Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait de provoquer à la commission d’un acte terroriste".

Les sentences prononcées à l’encontre des personnes impliquées ont confirmé l’intention de la justice de lutter non seulement contre les actes de violence, mais aussi contre ceux qui incitent à de tels actes.

Les formes du terrorisme varient. Dans les exemples cités, il s’agissait d’organisations terroristes sauvages et sans lien avec les Etats. La France, de part son histoire singulière a connu un procès retentissant qui diffère, mais en lien direct avec une autre forme de terrorisme.

Le procès de Klaus Barbie, ancien chef de la police secrète de Vichy, dit "le boucher de Lyon", illustre un autre type de terrorisme d’État, où la répression politique a pris une forme particulièrement brutale. Barbie a été jugé pour crimes contre l’humanité et pour son rôle dans la déportation des Juifs, des résistants, et des opposants politiques. Le droit pénal de l’époque a permis à la justice de qualifier ces actes de terrorisme d’État, en considérant la violence exercée par un régime totalitaire comme une violation extrême des droits humains.

Le procès de Barbie est un exemple de terrorisme institutionnel qui diffère du terrorisme moderne mais soulève des questions similaires en termes de responsabilité pénale et de répression des crimes de masse.

Le comparatif avec les procès modernes, comme ceux relatifs aux attentats de 2015, montre la constante nécessité de qualifier les actes de terrorisme, qu’ils soient commis par des groupes organisés ou des régimes totalitaires. L’idée de justice face aux actes de terrorisme, qu’ils soient d’origine étatique ou extrémiste, reste un pilier essentiel du droit pénal international et national.

Autre angle de bataille dans le lutte contre le terrorisme, le financement du terrorisme qui est une dimension cruciale dans la lutte contre les réseaux terroristes.

Le financement du terrorisme est l’une des préoccupations majeures du droit pénal moderne, tant au niveau national qu’international. En France, l’article 421-2-1 du Code pénal réprime de manière stricte le financement d’organisations terroristes. Le terrorisme ne se contente pas de l’acte lui-même mais repose aussi sur un réseau financier qui soutient l’activité terroriste.

L’article 421-2-1 du Code pénal (Financement du terrorisme) :

"Le financement direct ou indirect d’activités terroristes, par l’intermédiaire de dons, transferts ou autres moyens financiers, est puni de dix ans d’emprisonnement et de 500 000 euros d’amende".

Le financement terroriste passe souvent par des mécanismes complexes, incluant des dons anonymes, des collectes de fonds en ligne ou des structures de blanchiment d’argent. L’extension de la législation européenne et internationale a permis d’intensifier la coopération entre États dans la lutte contre ce phénomène, avec des mesures telles que le gel des avoirs de personnes et d’organisations soupçonnées de soutenir le terrorisme.

Tout ceci, ne doit pas nous faire dévier du respect de la dignité humaine de tout individu. Guantanamo et les droits fondamentaux dans la lutte contre le terrorisme sont devenus aujourd’hui indissociable.

Guantanamo est un symbole mondialement reconnu des méthodes extrêmes de lutte contre le terrorisme. Le centre de détention de Guantanamo Bay, sur l’île de Cuba, a été utilisé pour interner des suspects de terrorisme après les attentats du 11 septembre 2001. Beaucoup d’individus y ont été détenus sans inculpation ni procès, ce qui a soulevé de vives critiques concernant les violations des droits humains et le droit à un procès équitable.

Les méthodes utilisées à Guantanamo, notamment les interrogatoires musclés et la torture, ont été largement critiquées par des organisations de défense des droits de l’homme, comme Amnesty International, qui ont affirmé que ces pratiques violentaient la Convention contre la torture des Nations Unies.

En France, bien que la justice soit fondée sur l’état de droit et que les droits des accusés soient protégés, la question de l’équilibre entre sécurité et droits humains est un débat récurrent, notamment en ce qui concerne la lutte contre les actes terroristes.

Les infractions à caractère terroriste, qu’elles soient liées à des groupes extrémistes ou à des actes de terrorisme d’État, nécessitent un cadre législatif et judiciaire robuste. Le droit pénal français, à travers des articles comme 421-2, 421-1, et 421-2-1, permet de réprimer non seulement les auteurs directs des actes de terrorisme, mais aussi ceux qui les financent ou les provoquent.

Les comparaisons avec des événements historiques, comme le procès de Klaus Barbie ou les discussions sur Guantanamo, révèlent les tensions permanentes entre sécurité nationale et droits humains, et soulignent la nécessité de garantir une justice équitable même dans les cas les plus complexes. Les évolutions législatives et jurisprudentielles en matière de terrorisme continueront de façonner la manière dont la justice réagit face à cette menace globale.

L’immense Victor Hugo disait : « Le plus grand des hommes ne résiste pas à l’horreur du mal lorsqu’il a pour but de tuer l’idée et la liberté ».

Cette pensée de Victor Hugo évoque avec force la nécessité de défendre l’idéologie de la liberté, que ce soit à travers l’éducation ou dans la lutte contre les attaques terroristes qui visent à éradiquer les valeurs fondamentales de notre société.

Ce cadre juridique et jurisprudentiel, enrichi par des grands procès, met en évidence l’importance de maintenir une justice forte et impartiale face à des actes de terrorisme qui menacent notre société.

Samir Hamroun
Avocat à la Cour
Barreau d’Avignon
samirhamroun.avocat chez yahoo.fr

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