Le syndicat départemental d’énergie et d’équipement du Finistère (SDEF) a conclu avec la société Electricité de France (EDF) une « convention de concession pour le service public de la distribution d’énergie électrique » dont la durée est fixée à trente ans. Le champ d’application de cette convention a été étendu à l’île de Sein par un avenant du 4 juin 1993.
Par un courrier du 2 novembre 2016, la société Ile de Sein Energies (IDSE) a demandé au SDEF qu’il soit mis fin à l’exécution de cette convention en tant qu’elle concernait l’île de Sein et que « la concession du réseau de distribution de l’électricité sur l’île lui soit transférée ».
La SDEF a rejeté cette demande au motif qu’EDF tenait de l’article L111-52 3° du Code de l’énergie l’exclusivité de la gestion du réseau de distribution de l’électricité de la gestion du réseau de distribution de l’électricité sur l’île.
La société IDSE a saisi le tribunal administratif de Rennes afin qu’il constate l’illégalité de la convention de la concession en tant qu’elle portait sur l’île de Sein et de mettre fin à son exécution.
Par un jugement en date du 5 novembre 2018, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.
La société IDSE a relevé appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté ses conclusions tendant à la résiliation de la convention. Par un arrêt du 11 octobre 2019, contre lequel la société IDSE se pourvoit en cassation, la Cour administrative d’appel de Nantes a rejeté sa requête.
Le Conseil d’Etat précise dans un premier temps sa jurisprudence relative à la contestation par un tiers de l’exécution du contrat (I), avant d’appliquer les conditions de contestation par un tiers de l’exécution du contrat au cas d’espèce (II).
I. Le rappel précis de la possible contestation par un tiers de l’exécution du contrat.
Le Conseil d’Etat rappelle qu’un tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par une décision refusant de faire droit à sa demande de mettre fin à l’exécution du contrat, est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction tendant à ce qu’il soit mis fin à l’exécution du contrat [2].
Cependant, les tiers ne peuvent soulever que des moyens tirés de ce que la personne publique contractante était tenue de mettre fin à son exécution du fait de dispositions législative applicables aux contrats en cours, de ce que le contrat est entaché d’irrégularités qui sont de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d’office ou encore de ce que la poursuite de l’exécution du contrat est manifestement contraire à l’intérêt général [3].
A cet égard les requérants estiment qu’ils peuvent se prévaloir d’inexécutions d’obligations contractuelles, qui par leur gravité, compromettent manifestement l’intérêt général et non pas celle tenant aux conditions ou formes dans lesquelles la décision de refus a été prise.
II. L’application des conditions de contestation de l’exécution du contrat par un tiers.
1. La poursuite de l’exécution du contrat sans conséquence sur l’intérêt général.
Dans le considérant 8, le Conseil d’Etat rappelle que la société requérante soutient que les dispositions et les motifs de la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables imposent qu’il soit mis fin à l’exécution de la convention en litige pour des raisons environnementales et de la seule et unique gestion du réseau de distribution électrique par EDF.
Cependant, ni la directive qui ne fixe aux Etats que des objectifs, ni les motifs de la directive dont se prévaut la société requérante, ne constituent un motif d’intérêt général imposant la résiliation d’une convention légalement conclue, à moins qu’il ne soit établi que la poursuite de son exécution fasse évidemment et immédiatement obstacle à ce que l’Etat puisse se conformer aux obligations résultant du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne.
2. La non méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence.
S’agissant des règles de publicité et de mise en concurrence, la méconnaissance de ces règles ne peut entacher un contrat de concession d’un vice d’une gravité de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d’office, sauf en raison de circonstances particulières. Le Conseil d’Etat ne précise pas ce que sont ces circonstances particulières. Il est possible que le Conseil d’Etat réserve cette précision dans un prochain arrêt d’application de sa jurisprudence.
Ainsi, le Conseil d’Etat considère que la société IDSE, qui n’invoquait aucune circonstance particulière impliquant que le juge du contrat mette fin à l’exécution du contrat, ne pouvait utilement soutenir que la convention litigieuse avait été irrégulièrement attribuée à EDF sans mise en concurrence.
Le Conseil d’Etat rappelle ainsi que les conditions permettant de contester la validité du contrat à l’appui d’un référé précontractuel, ne peuvent pas être soulevées aussi aisément que lors d’un recours contestant l’exécution d’un contrat.
En effet, le requérant ne peut contester un contrat en cours d’exécution que lorsque le vice est d’une gravité de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution en raison de circonstances particulières ou lorsque la poursuite de l’exécution du contrat compromet l’intérêt général.
Le Conseil d’Etat rappelle dans l’application de sa jurisprudence relative à la contestation de l’exécution du contrat par un tiers, que les moyens invoqués par le tiers sont plus limités en fonction du recours qu’il effectue. Le Conseil d’Etat établit donc des conditions restreignant la contestation par un tiers de l’exécution du contrat.
Conseil d’Etat 12 avril 2021 req numéro 436663.