Les conditions d’application du Code de la commande publique aux associations.

Par Gérard Feix, Avocat.

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Explorer : # associations # commande publique # subventions # pouvoir adjudicateur

Les relations entre associations et pouvoirs publics sont aujourd’hui très développées.
Dans le cadre de leurs activités, les associations sont à la recherche de financements. Ainsi, en complément de l’appel public à la générosité, les associations se tournent vers d’autres acteurs, publics pour l’essentiel, afin de recevoir des aides qui peuvent prendre différentes formes, mise à disposition gratuite de moyens matériels, financement spécifique à une action donnée ou encore aide au fonctionnement général de l’association.
Traditionnellement, les subventions publiques constituent une forme d’aide privilégiée apportée par les pouvoir publics aux associations.
Ce qui conduit à poser les questions des relations entre les associations et les pouvoirs publics et celle de la relation entre la dépense d’argent public par les associations et le Code de la commande publique (CCP).

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La vitalité du secteur associatif n’est plus à démontrer, les associations occupent dans de nombreux domaines une place privilégiée.
L’état des lieux de la vie associative à partir des données chiffrées les plus récentes, issues de sources officielles est le suivant :

  • 71 130 associations créées entre juillet 2022 et juin 2023 ;
  • 1,5 million d’associations en activité ;
  • 153 000 associations employant 1,885 million de salariés : près d’un salarié sur dix du secteur privé (9%) [1].
    Il faut ajouter les 19 millions de bénévoles qui interviennent dans tous les secteurs de la vie sociale, culturelle et économique du pays.
    Avec environ 30 000 associations de plus chaque année, la vie associative fait preuve d’un grand dynamisme.

I – Les relations entre associations et pouvoirs publics.

Les associations occupent dans de nombreux domaines d’activités une place privilégiée. Les actions de nombreuses associations viennent au soutien ou en complément de celles des pouvoirs publics. Ainsi, les associations participent au côté des pouvoirs publics à la mise en œuvre d’actions au service de l’intérêt général, qui est de nature à favoriser l’initiative associative et l’innovation, par exemple dans le domaine de la culture, de l’éducation ou du sport.
Les fonds publics constituent une ressource financière importante pour les associations. Cependant, pendant longtemps, la notion de subvention n’a pas été définie par la loi mais leur octroi pouvait, dans certaines hypothèses, être soumis à une obligation de contractualisation. Certains juges administratifs ont alors requalifié des subventions en contrat de la commande publique.
Les autorités publiques ont dès lors fait le choix, dans un souci de sécurité juridique, de privilégier le recours aux contrats de la commande publique, plaçant les associations dans un rôle de prestataire de service, et non plus de partenaire.

La subvention est aujourd’hui définie par la loi :

« Constituent des subventions, au sens de la présente loi, les contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l’acte d’attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d’un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d’une action ou d’un projet d’investissement, à la contribution au développement d’activités ou au financement global de l’activité de l’organisme de droit privé bénéficiaire. Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en œuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires » [2].

Cette définition répond à des caractéristiques propres qui la distinguent clairement des contrats de la commande publique, au regard de ses finalités et modalités de mise en œuvre.

La subvention est octroyée par une autorité administrative ou un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial, à des organismes de droit privé (les associations) porteurs d’une initiative propre qu’ils ont préalablement définie et qu’ils entendent mettre en œuvre. Sont donc exclues les subventions accordées par des autorités publiques à des personnes physiques ou entre personnes publiques qui demeurent régies par des règles qui leur sont propres.

La subvention est allouée pour un objet déterminé, un projet spécifique, ou est dédiée au financement global de l’activité associative dans un but d’intérêt général.

Si la subvention dépasse un certain montant, l’association bénéficiaire et l’organisme qui la subventionne doivent conclure une convention. Ce seuil a été fixé à 23 000 euros par an par le décret 2001-495 du 6 juin 2001.
Le montant des subventions est très variable, il va de 1 000 € à plus de 500 000 € [3].

II- Associations et commande publique.

Les associations ne relèvent pas, en principe, du champ d’application de la réglementation relative aux marchés publics qui concerne avant tout les organismes publics.
Dans certaines circonstances, une association qui souhaite faire réaliser des travaux ou acheter des services, voire des fournitures, peut toutefois être considérée comme « pouvoir adjudicateur », tout comme une personne publique.
Outre les personnes publiques, qui sont des pouvoirs adjudicateurs et donc sont concernées par la réglementation de la commande publique, certaines personnes morales de droit privé y sont également soumises, dont les associations, soit parce qu’elle est un pouvoir adjudicateur au sens de l’article L.1211-1 du CCP, soit parce qu’elle passe un contrat subventionné à plus de 50 % par un pouvoir adjudicateur.

a. L’association pouvoir adjudicateur.

Auparavant visés par l’article 10 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et aujourd’hui codifiés à l’article L.1211-1 du CCP, sont des pouvoirs adjudicateurs :

« les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, dont :

  • soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ;
  • soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;
  • soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par un pouvoir adjudicateur ».

Deux conditions cumulatives sont donc nécessaires pour qu’une association ou une fondation soit considérée comme un pouvoir adjudicateur.
Elle doit avoir été créée pour satisfaire une mission d’intérêt général autre qu’industrielle et commerciale, cela suppose que l’entité, ou bien à un moment donné de son existence elle a pris en charge un besoin d’intérêt général.
Et, elle doit avoir un lien de dépendance étroit avec un autre pouvoir adjudicateur.

La jurisprudence a précisé certaines notions, notamment qu’une association doit appliquer les règles de la CCP si elle constitue, en fait, une association transparente, à savoir si elle a été créée à l’initiative de la personne publique qui en contrôle l’organisation et le fonctionnement et qui lui procure l’essentiel de ses ressources [4].

Elle a également précisé qu’une association doit également appliquer les règles de la CCP si elle agit, en application de l’article 1984 du Code civil, en tant que mandataire d’une personne soumise au code. Elle doit alors, pour les marchés passés en exécution de ce mandat, respecter les dispositions du code des marchés publics [5].

Une association investie de missions à caractère public exhaustivement définies par la loi, telle que l’est la Fédération italienne de football, peut être considérée comme ayant été créé pour satisfaire un besoin d’intérêt général autre qu’industriel et commercial. Le fait qu’une telle association exerce par ailleurs des activités purement privées pour lesquelles elle s’autofinance, représentant la majorité de ses tâches, est sans incidence sur ce constat. La notion d’intérêt général pour qualifier une entité de pouvoir adjudicateur est interprété largement par la CJUE [6].

b. Le financement majoritaire par un pouvoir public.

Le critère du financement majoritaire par un pouvoir public peut fréquemment concerner les associations. Elles vont alors devoir analyser la part occupée par des financements publics par rapport à leur financement global.
Précisons que tous les financements versés par des pouvoirs publics ne sont pas concernés.
Pour la jurisprudence communautaire, sont visés les financements publics qui sont versés sans contrepartie ou contre-prestation spécifique, dans le but de soutenir les activités de l’entité concernée. Il s’agit donc des subventions comme les subventions de fonctionnement ou les aides facultatives contribuant au financement d’une activité initiée, définie et mise en œuvre par l’association ou la fondation.
Dès lors, ne sont pas pris en compte dans l’analyse du critère du financement majoritaire par un pouvoir adjudicateur les versements effectués en contrepartie de prestations de service ou les versements constitutifs d’un complément de prix tels que :

  • les versements constitutifs du prix d’un service rendu (par exemple, le prix d’un marché public) ;
  • les versements se substituant au prix qu’un usager devrait payer (par exemple : le prix de journée versé aux établissements médico-sociaux ou le forfait externat versé aux organismes de gestion de l’enseignement catholique) ;
  • les versements constitutifs d’un versement de prix comme la prestation sociale unique (PSU) pour le financement des crèches par exemple.

Enfin, seuls les financements en numéraire sont pris en compte.
Ne sont donc pas visés les financements en nature tels que les mises à disposition gratuite de locaux ou de moyens.

La notion de « majoritaire » suppose plus de la moitié de l’ensemble des revenus de l’entité, y compris ceux qui résultent d’une activité commerciale, de dons, etc. L’appréciation se fait sur une base annuelle en tenant compte de l’exercice budgétaire au cours duquel une procédure de passation doit être lancée. Ainsi, une association dont les ressources proviennent pour plus de la moitié de cotisations, de ventes de produits et de dons de particuliers par exemple ne sera pas considérée comme financée de manière majoritairement publique.
L’association dont le contrat est subventionné à plus de 50 % par un pouvoir adjudicateur doit alors respecter les règles des marchés publics. Elle doit procéder à des mesures de publicité et de mise en concurrence sur ces contrats.

c. Le contrôle de la gestion par le pouvoir public.

Le critère du contrôle de la gestion de l’association par un pouvoir adjudicateur, c’est-à-dire par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres personnes morales de droit public.

La notion de contrôle suppose un contrôle actif, qui permet d’influencer les décisions de l’entité. Il ne peut s’agir d’un contrôle a posteriori. Par ailleurs, ce contrôle doit créer une situation de dépendance de l’entité vis-à-vis des organismes publics. La jurisprudence communautaire considère, par exemple, que ce contrôle peut être issu d’une réglementation détaillée sur les modalités de gestion et d’organisation, telle celle pour une société anonyme d’HLM par exemple [7]. (7)

Par ailleurs, ce critère est rempli lorsque du fait de la composition des organismes d’administration, de direction ou de surveillance, un pouvoir adjudicateur dispose d’un poids lui permettant d’exercer une influence décisive sur les décisions les plus importantes et les orientations stratégiques de l’entité. En conséquence, il convient d’analyser au cas par cas si ce critère alternatif est rempli [8]. (8)

Sont exclus les contrôles de nature comptable, ceux portant sur l’utilisation de subventions, ceux diligentés par la Cour des comptes ou par les autorités de tarification (agence régionale de santé, conseils départementaux).

III- La position du ministère de l’Économie et des Finances et de la jurisprudence.

Le député Pierre Morel-A-L’Huissier a interrogé le gouvernement sur les règles relatives aux associations subventionnées par des crédits publics. Il lui a demandé dans quelle mesure celles-ci sont soumises au l’article L1211-1 du CCP, selon quelles modalités et si le cadre juridique nécessite une clarification réglementaire ou législative.

Le ministère de l’Économie a énuméré les différents cas où le l’article L1211-1 du CCP s’applique [9].

Une association doit suivre les règles de la commande publique si elle remplit les critères de définition d’un pouvoir adjudicateur.
Pour ce faire, elle doit être créée : « pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, à la condition que son activité soit financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur, que sa gestion soit soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ou que son organe d’administration, de direction ou de surveillance soit composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ».

Les associations qui poursuivent un intérêt particulier ou qui ont une activité économique de type commercial sont donc a priori exclues.

Sont aussi assujetties au CCP « les associations qualifiables d’associations transparentes ou qui agissent en tant que mandataires d’une personne soumise [audit code] ».

Par ailleurs, les associations qui ne remplissent pas les conditions précitées peuvent être également tenues de se conformer à certaines dispositions de l’article L1211-1 du CCP pour la passation de certains marchés privés, comme le stipule l’article L2100-2 du CCP.

À savoir, les marchés privés subventionnés directement à plus de 50 % par un pouvoir adjudicateur « dont le montant est égal ou supérieur aux seuils européens et dont l’objet correspond à des activités de génie civil, à des travaux de construction relatifs aux hôpitaux, aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, aux bâtiments scolaires et universitaires, aux bâtiments à usage administratif ou à des prestations de services liés à ces travaux ».

Cet article du CCP précise que ces contrats ne sont pas soumis à l’obligation d’allotissement. Mais ils doivent respecter les « dispositions relatives à l’exécution des marchés, à l’exclusion de celles relatives à l’exécution financière, aux modalités de facturation et de paiement, à la sous-traitance et aux informations relatives aux achats ».

À noter que « le pouvoir adjudicateur qui octroie les subventions est chargé de veiller au respect des dispositions en cause du CCP ».

En conséquence, Bercy estime que : « les règles de la commande publique applicables aux associations sont, dans tous les cas, déjà exhaustives et ne nécessitent pas de clarifications autres que celles déjà existantes, notamment par le biais des fiches techniques disponibles sur le site de la Direction des affaires juridiques de Bercy » [10].

Gérard Feix,
Avocat inscrit au Barreau de Paris.
Cabinet MCM AVOCAT

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Notes de l'article:

[121ème édition de la France associative en mouvement - Recherches & Solidarités.

[2Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire

[3Document budgétaire jaune “Effort financier de l’État en faveur des associations”

[4CE, 21 mars 2007, Commune de Boulogne-Billancourt, n° 281796.

[5CE, Ass., 5 mars 2003, Union nationale des services publics industriels et commerciaux, n° 233372.

[6CJUE, 3 février 2021, FIGC et Consorzio Ge.Se.Av., C-155/19 ; CJCE, 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria, C-44/96.

[7CJCE, 1er février 2001, aff. C-237/99, Commission contre République française.

[8Question écrite n° 18662 de Mme Danielle Brulebois (La République en Marche – Jura) du 9 avril 2019, Réponse publiée au JOAN le 21 mai 2019, p. 4 734.

[9QE n° 37133, réponse à Pierre Morel-À-L’Huissier JOAN du 7 septembre 2021.

[10Voir note n°9.

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