Les nouvelles règles en matière de décharge de solidarité fiscale.

Par Didier Majerowiez, Avocat.

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La loi du 31 mai 2024 visant à « assurer une justice patrimoniale au sein de la famille » a été publiée au Journal officiel le 1er juin 2024.

Elle complète et renforce le dispositif existant en matière de décharge de solidarité fiscale des ex-conjoints ou des ex-partenaires pacsés.

Cet article fait le point sur les règles de la solidarité fiscale entre les ex-époux ou les ex-partenaires pacsés, ainsi que les possibilités offertes par la loi pour en être déchargé.

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1) Le principe de la solidarité fiscale entre les conjoints, les partenaires pacsés, les ex-conjoints et les ex-partenaires pacsés.

Conformément aux dispositions de l’article 1691 bis I du Code général des impôts, les époux et les partenaires pacsés sont solidairement responsables du paiement de l’impôt sur le revenu lorsqu’ils sont soumis à une imposition commune, du paiement de la taxe d’habitation lorsqu’ils vivent sous le même toit, ainsi que du paiement de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Selon la jurisprudence, la solidarité fiscale ne s’étend pas aux prélèvements sociaux (CE 10-7-2012 n° 336492).

La solidarité fiscale s’explique par le fait que les époux et les partenaires pacsés forment un seul et unique foyer fiscal. Ils sont donc tenus solidairement des impositions dues par le foyer.

Compte tenu de cette règle de solidarité, l’administration fiscale est en droit de réclamer indifféremment à l’un ou l’autre des époux (ou partenaires pacsés) le règlement de l’intégralité de la dette fiscale due par le foyer.

À noter que la dette fiscale n’est pas répartie entre chaque membre du foyer. Chaque époux ou partenaire est ainsi tenu solidairement du règlement de l’intégralité de l’impôt dû en cas d’imposition commune.

Cela signifie en pratique que l’administration fiscale peut demander à l’un ou l’autre des époux ou partenaires pacsés de régler l’intégralité de la dette d’impôt.

La faculté de poursuites de l’administration fiscale à l’encontre de l’un ou l’autre des époux ou partenaires pacsés s’applique pour toute dette fiscale générée au titre des années d’imposition commune.

Le fait que les époux soient soumis au régime matrimonial de la séparation des biens importe peu à cet égard.

Il sera fait observer que la séparation du couple n’entraîne pas la fin de la solidarité fiscale pour la dette contractée durant la période d’imposition commune.

Ainsi, après la rupture de la vie commune, un contribuable peut être poursuivi par l’administration fiscale pour le règlement d’une dette fiscale générée par son ex-conjoint ou ex-partenaire, notamment en cas de fraude fiscale commise par ce dernier.

Autrement dit, la solidarité fiscale continue de s’appliquer (sous réserve de la prescription fiscale) pour la totalité de la dette fiscale liée à la période d’imposition commune, même en cas de séparation des époux ou des partenaires pacsés.

En revanche, elle cesse de s’appliquer pour les dettes d’impôt générées après la rupture de la vie commune.

Dans ce contexte, le contribuable poursuivi peut se retrouver dans une grave difficulté financière s’il n’a pas les moyens d’apurer la dette fiscale générée durant la période de vie commune.

C’est pourquoi le législateur a mis en place une procédure de décharge de solidarité fiscale ; procédure qui est régie par les dispositions de l’article 1691 bis II du Code général des impôts.

2) Les modalités et les conséquences de la décharge de solidarité fiscale.

Conformément aux dispositions de l’article 1691 bis II du Code général des impôts, une demande de décharge de solidarité peut être formulée par écrit par le contribuable poursuivi.

Cette demande est soumise au respect de plusieurs conditions cumulatives :

  • Une rupture effective de la vie commune (notamment un divorce ou une dissolution du pacte civil de solidarité).
  • Le respect par le contribuable poursuivi de ses obligations déclaratives en matière d’impôt sur le revenu.
  • L’absence de manœuvres frauduleuses du contribuable poursuivi dans l’optique d’éluder l’impôt.
  • Une disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et la situation financière et patrimoniale nette de charges du contribuable poursuivi ; cette condition étant appréciée à la date de la demande. A noter que la situation financière est évaluée sur une période n’excédant pas trois années.

La situation patrimoniale du contribuable poursuivi s’apprécie au regard de son patrimoine mobilier et immobilier (à l’exclusion, selon l’administration fiscale, de sa résidence principale et du patrimoine des personnes vivant habituellement avec lui).

Si le contribuable poursuivi prouve qu’il n’est pas en mesure de rembourser la dette fiscale sur une période de trois années (la dette fiscale étant supérieure à la valeur de son patrimoine), il pourrait alors bénéficier d’une décharge de solidarité fiscale.

En pratique, ce mécanisme méconnaît souvent les situations individuelles et constitue une source d’injustice. En effet, dès l’instant que le contribuable poursuivi est jugé solvable, il doit rembourser la dette fiscale, même s’il est tiers à la dette générée par son ex-conjoint ou ex-partenaire, dont il aurait d’ailleurs pu ne pas avoir connaissance.

C’est dans ce contexte que la loi du 31 mai 2024 « visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille » a modifié les règles en matière de décharge de solidarité fiscale.

Le législateur a ainsi créé une nouvelle procédure de demande de remise gracieuse.

Dans ce cadre, le contribuable poursuivi peut demander à être déclaré tiers à la dette fiscale, en apportant des éléments démontrant qu’il ignorait la fraude fiscale commise par son ex-époux ou ex-partenaire et qu’il n’a tiré aucun profit de cette fraude.

En cas d’accord de l’administration fiscale, le contribuable poursuivi ne serait plus redevable des impositions dues au titre de la période de vie commune, et seul l’ex-conjoint ou ex-partenaire pacsé, - à l’origine de la dette fiscale -, serait tenu d’en assumer le remboursement.

Ces nouvelles règles ne remplacent pas le dispositif existant de décharge de solidarité fiscale.

Elles le complètent.

Toutefois, l’administration fiscale est libre de donner ou non une suite favorable à cette demande de remise gracieuse, qui n’a pas un caractère automatique.

Si la demande de remise gracieuse est rejetée, le contribuable peut encore formuler une demande de décharge de solidarité fiscale selon le dispositif prévu par l’article 1691 bis du Code général des impôts.

En pareille hypothèse, l’administration fiscale évaluerait s’il existe ou non une disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et la situation patrimoniale et financière du contribuable poursuivi.

Une instruction fiscale devrait être publiée prochainement au BOFIP pour détailler les modalités précises de ces nouvelles règles.

Il n’est par ailleurs pas exclu qu’un assouplissement du dispositif de la décharge de solidarité fiscale soit adopté prochainement, lors du vote de la loi de finances pour 2025.

Didier Majerowiez
Avocat au Barreau de Paris
https://www.fiscaloo.fr/

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