La demande par le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers pour justifier une rectification.

Par Arnaud Soton, Avocat.

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Explorer : # procédure fiscale # droit fiscal # rectification fiscale # communication des documents

Dans une décision du 15 avril 2025 (CE, 15 avril 2025, n° 485418), le Conseil d’État a apporté des précisions quant à l’obligation faite à l’administration fiscale de communiquer au contribuable qui en fait la demande, la teneur et l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers pour justifier une rectification.

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Les dispositions de l’article L76 B du Livre des procédures fiscales (ci-après LPF) prévoient que l’administration fiscale est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition faisant l’objet d’une proposition de rectification ou d’une imposition d’office. L’administration communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents au contribuable qui en fait la demande.

L’administration fiscale peut donc fonder des rectifications sur des renseignements ou documents qu’elle a obtenus de tiers, mais elle est tenue d’informer le contribuable sur l’origine et de la teneur de ces renseignements avant la mise en recouvrement des impositions.

Pour le Conseil d’État, pour que la demande du contribuable soit valable et oblige à l’administration à lui communiquer les renseignements et documents obtenu de tiers, la demande doit intervenir après la notification de la proposition de rectification, de sorte qu’une demande formulée par le contribuable avant même d’avoir reçu la proposition de rectification ne peut être regardée comme valablement formée.

Au cas particulier, un contribuable a fait l’objet d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle portant sur les années 2012, 2013 et 2014. Le 18 décembre 2015, avant même la notification des propositions de rectification qui sont intervenues les 21 décembre 2015 portant sur l’année 2012, et 2 septembre 2016 portant sur les années 2013 et 2014, le contribuable avait formulé auprès de l’administration fiscale, sur le fondement des dispositions de l’article L76 B du LPF, une demande tendant à ce que lui soit communiqué l’ensemble des pièces obtenues de tiers sur lesquelles l’administration entendait fonder son appréciation dans le cadre de l’examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont il faisait l’objet.

L’administration fiscale n’avait pas donné suite à la demande du contribuable.

À la suite de la notification des propositions de rectification, le contribuable n’avait plus formulé de demande dans ce sens. Les impositions supplémentaires ayant été mises en recouvrement, le contribuable a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 à 2014, ainsi que des pénalités correspondantes, au motif que la procédure d’imposition est irrégulière, car l’administration fiscale a méconnu les dispositions de l’article L76 B du LPF.

En toute logique, le tribunal administration, ayant constaté qu’une demande en ce sens avait été formulée par le contribuable, a donné gain de cause à celui-ci et a prononcé la décharge des impositions en litige au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes [1].

Cependant, sur appel de l’administration fiscale, la cour administrative d’appel de Douai, par un arrêt n°21DA02337 du 22 juin 2023, a annulé le jugement du tribunal administratif en tant qu’il avait prononcé la décharge des impositions en litige. Le contribuable se pourvoit alors en cassation devant le Conseil d’État qui doit décider si la demande formulée par le contribuable antérieurement à la réception de la proposition de rectification était valable ou pas.

Le Conseil d’État rappelle qu’il incombe à l’administration fiscale, quelle que soit la procédure d’imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d’informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d’arrêter d’office les bases d’imposition, de l’origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers qu’elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l’intéressé d’y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin de lui permettre d’en vérifier l’authenticité ou d’en discuter la teneur ou la portée.

Mais curieusement, le Conseil d’État a estimé que l’administration n’entache pas d’irrégularité la procédure d’imposition en s’abstenant de donner suite à une demande de communication de documents formulée par le contribuable avant même la réception de l’information prévue par l’article L76 B du LPF, car une telle demande ne pouvant être regardée comme valablement formée. Le Conseil d’État a ainsi rejeté le pourvoi du contribuable en adoptant la position prise par la Cour d’appel.

Cette position du Conseil d’État sur l’article L76 B du LPF est sévère. La demande dûment formulée par le contribuable au cours des opérations de contrôle devait être prise en compte, même si elle a été formulée avant la notification de la proposition de rectification. Il faut donc faire attention à la date de la demande et attendre la notification de la proposition de rectification, ou renouveler la demande à réception de la proposition de rectification.
Rappelons également que dans un arrêt rendu le 13 mars 2025, [2], le Conseil d’État avait exclu du champ d’application des dispositions du L. 76 B du LPF, les documents ou informations auxquels l’administration accède de manière automatisée.
En effet, l’article 17 du règlement n°904/2010 du Conseil du 7 octobre 2010 concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée prévoit que chaque État membre stocke dans un système électronique des informations relatives à la taxe sur la valeur ajoutée.
Pour le Conseil d’État, les documents obtenus dans le cas de ce système électronique où sont stockées des informations relatives à la TVA, et qui est alimenté par les États membres qui y ont accès de manière automatisée, ne constituent pas de documents obtenus de tiers. Il s’agit de documents ou d’informations obtenus de façon automatisée de sorte que l’information du contribuable sur l’origine et la teneur des renseignements n’est pas requise.

Arnaud Soton, Avocat Fiscaliste
Barreau de Paris
Professeur de droit fiscal
http://www.soton-avocat.com/

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Notes de l'article:

[1Jugement n° 1707751 du 23 juillet 2021.

[2Conseil d’État, 9ème - 10ème chambres réunies, 13/03/2025, 490897.

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