Galeries et antiquaires : comment faire sans la marge forfaitaire de TVA ?

Par Gaël Le Faou, Avocat.

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Explorer : # tva # galeries d'art # marge forfaitaire # réforme fiscale

Depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, les marchands d’art ne peuvent plus opter pour la marge forfaitaire de TVA, un mécanisme qui simplifiait leur gestion fiscale. Cette suppression impose une charge administrative accrue.
Entre nouvelles modalités déclaratives, impact financier et incertitudes sur la déduction de la TVA d’amont, les professionnels du marché de l’art doivent adapter rapidement leur stratégie.

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La faculté d’opter pour la marge forfaitaire a disparu depuis le 1ᵉʳ janvier 2025 [1]. Pour les galeries d’art, cette disparition intervient en parallèle du changement de taux de TVA et de la suppression de l’option pour la marge [2]. Pour beaucoup de professionnels du secteur, qui utilisaient cette mesure de simplification, un « attrapage administratif d’urgence » sur les opérations de vente en cours s’impose.

De quoi s’agissait-il en pratique ?

Pour les ventes d’œuvres d’art, il n’est toujours pas possible de déterminer exactement le prix d’achat payé par une galerie à son fournisseur. Les galeries assurent souvent la prise en charge de dépenses courantes ou la réalisation d’actions de promotion des artistes.

Or, toutes ces dépenses sont difficiles à chiffrer avec suffisamment d’exactitude pour permettre le calcul de la marge.

Il était permis, jusqu’au 31 décembre 2024, de fixer la marge, sur laquelle était appliquée la TVA, à 30% du prix de vente hors taxe de l’objet d’art.

Exemple : Un négociant en œuvres d’art cédait un tableau pour un prix TTC de 10 000€ (TVA à 20% (applicable jusqu’au 31 décembre 2024).
Calcul du prix HT : 10 000 × 0,943 [3] = 9 430€.
Base d’imposition : 9 430€ × 30% = 2 829€.
TVA correspondante : 2 829€ × 20% = 565,8€.

Il était également admis que la marge forfaitaire s’applique aux pièces d’ébénisterie de plus de cent ans d’âge dont la rareté et l’estampille ou l’attribution attestent de l’originalité du travail de l’artiste.

Comment faire aujourd’hui.

1°) Le régime général s’applique, en principe, de plein droit avec le bénéfice du taux réduit.

La TVA, au taux réduit (5,5%), s’appliquera sur le prix de vente.

L’option pour le régime pour la marge et par conséquent, pour la marge forfaitaire, n’est plus possible aujourd’hui.

2°) La nuance : le régime de la marge peut être applicable de plein droit.

Lorsqu’une œuvre a été acquise auprès d’un non redevable (artiste bénéficiant de la franchise en base de TVA) ou d’un autre assujetti-revendeur ayant lui-même appliqué le régime de la marge, ce régime de la marge s’applique de plein droit lors de la revente (article 297 A du CGI).

Par exemple, une galerie a acheté une œuvre à un artiste non assujetti à la TVA pour un prix de 4 000€. Il la revend 7 000€.
La marge bénéficiaire TTC est égale à 7 000 - 4 000 = 3 000€
La TVA (au taux de 20%) est égale à 3 000 - (3 000 x 0,833) = 500€

Avec la marge forfaitaire, désormais supprimée, la TVA aurait été de 396€.

Néanmoins, la galerie a la possibilité d’opter pour le régime général de la TVA (article 297 C du CGI). Le taux de 5, 5% est alors être appliqué sur le prix total lors de la revente de l’œuvre.

Dans l’exemple, ci-dessus, en imaginant que le prix de vente reste le même (7 000€ TTC), la TVA de la galerie est calculée au taux de 5,5% (nouveau taux applicable) comme suit : 7 000 - (7 000 x 0,948) = 364€.

On voit dans cet exemple que l’option pour le régime général, qui est ouverte opération par opération, s’avère plus intéressante que le régime de la marge voire même que la marge forfaitaire. Du fait de la baisse du taux à 5,5%, cette conclusion devrait être plus fréquente qu’auparavant.

3°) En application du régime général (de plein droit ou sur option), pourra-t-on déduire la TVA grevant les factures anciennes (si elles ont été sauvegardées) ?

La doctrine administrative précise :

« les assujettis-revendeurs qui appliquent le régime général de plein droit, ou sur option pour les livraisons relevant normalement du régime de la marge, peuvent déduire la TVA qu’ils ont supportée lors de l’achat (lorsque la taxe a été facturée), l’acquisition intracommunautaire ou l’importation des biens, dans les conditions de droit commun.
Le négociant peut opérer la déduction de la TVA afférente à l’achat du bien lui-même et de celle qui a grevé le coût de son intervention. Il est rappelé que la taxe qui a grevé le coût de son intervention est déductible dans les conditions habituelles, même en cas d’application du régime de la marge
 » [4].

La déduction de la TVA d’amont est donc possible. La référence « aux conditions de droit commun » soulève néanmoins des interrogations sur les limites, notamment dans le temps, de cette déduction.

Dans ce cadre, l’article 208 de l’annexe II du CGI énonce que

« le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu’elle fasse l’objet d’une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’omission ».

Faudra-t-il limiter, en application de ce texte, la déduction de la taxe au 31 décembre de la 2ᵉ année qui suit le paiement de dépenses par la galerie ?

Ce point reste délicat à trancher car les galeries n’ont pas omis de déduire la TVA. Ce sont les mécanismes de TVA qui ont changé.

On remarquera qu’un arrêt de la CAA Marseille (29 mai 2008 n° 04-1960) précise, dans le cadre d’une option pour la TVA (donc en dehors d’une omission), que le droit d’obtenir la déduction de la TVA d’amont pour une entreprise nouvellement redevable n’est pas soumis au délai de l’article 208, I de l’annexe II au CGI.

Pour éviter des litiges sur ce sujet, il serait sans doute pertinent que la doctrine administrative précitée, qui va être mise à jour, soit adaptée. Elle pourrait utilement préciser les droits à déduction de TVA (sur des factures parfois anciennes) des galeries qui n’ont pas déduit la TVA d’amont en raison de leur pratique de la TVA sur la marge et particulièrement la marge forfaitaire.

Gaël Le Faou
Avocat spécialiste en droit fiscal
Barreau de Paris
Docteur en droit
www.glf-avocats.fr

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Notes de l'article:

[1Article 83 I 5° à 8° et II (loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023, de finances pour 2024).

[3BOI-TVA-SECT-90-40, 4 mars 15 n°230
Lorsque le vendeur indique à son client un prix TTC, il y a lieu, pour déterminer la base d’imposition, de ramener au préalable ce prix hors taxe par application d’un coefficient de conversion, correspondant à un taux effectif (Te) égal à 30% du taux légal :

  • le taux effectif se calcule selon la formule suivante : Te = (Taux légal x 30) / 100 et vaut 6% pour un taux normal à 20% ;
  • le taux de conversion est obtenu selon la formule [100 / (100+Te)] et vaut 0,943 pour le même taux normal.

[4BOI-TVA-SECT-90-20-20, n°380, 13 août 2021.

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