Montres de luxe : l’arrêt qui confirme leur taxation comme bijoux.

Par Gaël Le Faou, Avocat.

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La Cour administrative d’appel de Paris, dans un arrêt du 31 décembre 2024, a confirmé que les montres de luxe doivent être considérées comme des bijoux au sens de la taxe sur les objets précieux. Cette décision, alignée sur la jurisprudence du Conseil d’État, a une incidence directe le secteur de l’achat-revente de montres d’occasion, soulevant des enjeux fiscaux majeurs pour les professionnels.
Décryptage des critères retenus et des conséquences pratiques.

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Dans l’article "Fiscalité des montres de luxe : ce que vous devez savoir avant de vendre", nous avions évoqué le débat autour de la soumission des cessions de montres de luxe à la taxe sur les objets et métaux précieux (articles 150 VI à 150 VM du CGI).

Selon l’article 150 VI du CGI, la taxe vise :

« les bijoux d’objets d’art, de collection ou d’antiquité ».

La montre devait-elle être considérée comme un « bijou », voire un objet « de collection » ?

Le Conseil d’État est intervenu sur ce sujet par un arrêt du 12 décembre 2023 [1].
La Haute assemblée a arrêté le principe [2].

Toutefois, en cas d’intervention d’un intermédiaire établi fiscalement en France ou, en l’absence d’intermédiaire, si l’acquéreur est un assujetti à la TVA établi en France, la taxe doit être versée par cet intermédiaire ou acquéreur sous sa responsabilité.

Au regard des volumes de ventes, c’est donc l’intermédiaire ou l’acquéreur professionnel qui court un risque fiscal et financier important. En effet, l’administration pourrait lui demander d’acquitter la taxe (taux global de 6,5 % du prix de cession) pour l’ensemble des acquisitions de montres effectuées auprès de personnes résidant fiscalement en France.

C’est le piège dans lequel semble être tombée, en l’espèce, la société « Paris heure ». Pour l’éviter, les entreprises intervenant dans le commerce, en France, de montres d’occasion devront désormais :

  • comparer, très tôt, avec le particulier vendeur, le coût de la taxe avec l’impôt dans la catégorie des plus-values des particuliers ;
  • anticiper les questions déclaratives en fonction du choix ;
  • exiger du vendeur qu’il supporte le coût fiscal même si le professionnel se charge de l’acquittement auprès de l’administration.

Conclusion.

Les professionnels du secteur, qui doivent faire face à un marché en forte baisse et au développement des contrefaçons des modèles de luxe, n’accueillent pas cette obligation fiscale complémentaire avec un grand enthousiasme. On peut aisément les comprendre.

Gaël Le Faou
Avocat spécialiste en droit fiscal
Barreau de Paris
Docteur en droit
www.glf-avocats.fr

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Notes de l'article:

[1CE, arrêt du 12 décembre 2023 n°470249, min. c/ Sté Paris Heure.

[2Lire à ce sujet : Fiscalité des montres de luxe : ce que vous devez savoir avant de vendre. Par Gaël Le Faou, Avocat. que les bijoux, au sens et pour l’application de la taxe, « s’entendent des objets ouvragés, précieux par la matière ou par le travail, destinés à être portés à titre de parure, y compris lorsqu’ils ne sont pas composés de métaux précieux ».

Sur la base de cette décision, la Cour administrative de Paris a tranché définitivement ce litige entre la société Paris Heure, qui exerce une activité d’achat et de revente de montres-bracelets de luxe d’occasion, et l’administration fiscale. L’arrêt a été rendu le 31 décembre 2024 (23PA05249). Sans surprise au regard de la décision du Conseil d’État et des conclusions du commissaire du gouvernement qui l’avaient précédée, la Cour administrative d’appel a décidé que les montres de luxe sont des bijoux au sens du texte.

Nous verrons dans un premier temps les critères précis sur lesquels s’est appuyée la Cour administrative d’appel et dans un second temps les conséquences pour le secteur de l’achat revente des montres d’occasion.

1°) Les critères.

En résumé, la Cour, guidée par la définition apportée par le Conseil d’État, devait décider si les montres achetées par la société sont des objets utilitaires destinés principalement à donner l’heure ou si leur vocation première est d’être une parure.

La Cour précise « il résulte de l’instruction, … que la totalité des acquisitions effectuées par la société Paris Heure auprès de particuliers, concernent des montres d’occasion fabriquées par des marques prestigieuses, achetées à un prix compris entre 5 200 et 45 000 euros, et que ces montres, compte tenu de leurs caractéristiques, sont destinées à être portées à titre de parure ».

Pour la Cour, il s’agit donc bien d’une parure.
Les critères retenus sont les suivants :

  • il s’agit de montres de marques prestigieuses ;
  • leur prix dépasse 5 000 € (pour rappel, les biens d’un prix inférieur ne sont légalement pas soumis à la taxe).

Autant dire que l’arrêt de la Cour vise large. Les répercussions pour le secteur pourraient donc être importantes.

2°) Les répercussions.

La taxe est supportée par les particuliers vendeurs et, en principe, acquittée par eux. Ces derniers ont une possibilité d’option (irrévocable) pour l’imposition des plus-values à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des plus-values des particuliers sur biens meubles (article 150 UA du CGI) [[Cf. https://www.glf-avocats.fr/comprendre-la-taxe-sur-les-objets-precieux-cas-pratique/

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