Les implications juridiques de l’intelligence artificielle en médecine.

Par Noémie Le Bouard, Avocat.

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Explorer : # intelligence artificielle # médecine # protection des données # responsabilité médicale

L’intelligence artificielle (IA) transforme la médecine, offrant des possibilités prometteuses allant du diagnostic assisté à la télémédecine. Cependant, son émergence soulève d’importantes questions juridiques, nécessitant un équilibre délicat entre l’innovation technologique et la protection des droits des patients. Cet article offre une exploration détaillée des implications juridiques de l’IA en médecine, mettant en évidence les défis existants, l’état actuel de la réglementation, et propose des perspectives d’avenir et des recommandations pour une législation adaptée à l’ère de l’IA médicale.

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En droit, la précision est capitale. Ainsi, pour entamer notre étude, nous nous devons de définir avec exactitude l’Intelligence Artificielle (IA). L’IA, au sens large, peut être comprise comme la capacité d’une machine à reproduire certaines fonctions du cerveau humain, comme l’apprentissage, le raisonnement et la perception. Elle englobe un large éventail de technologies, incluant l’apprentissage automatique, le traitement du langage naturel et la vision par ordinateur, pour n’en nommer que quelques-unes [1].

L’application de l’IA en médecine a ouvert de nouvelles perspectives prometteuses, mais aussi soulevé d’importantes questions juridiques. Par exemple, l’IA est utilisée pour aider au diagnostic, à la prédiction des résultats de santé, à la recherche médicale, et à la gestion des soins de santé. Dans le diagnostic, l’IA peut aider à identifier des maladies sur la base de l’imagerie médicale, des données cliniques, ou des données génétiques.
De plus, elle peut prédire des résultats de santé, tels que le risque de réadmission à l’hôpital, ou la progression de maladies chroniques, en analysant de grands ensembles de données de santé [2].

Toutefois, l’IA en médecine n’est pas exempte de controverses. Des questions se posent notamment quant à la fiabilité de l’IA en tant qu’outil diagnostique, à la protection des données sensibles des patients, à la responsabilité en cas d’erreurs médicales, et à l’équité dans l’accès à ces technologies. De ce fait, l’étude des implications juridiques de l’IA en médecine est d’une importance capitale. Elle permet de déterminer dans quelle mesure le cadre juridique actuel est adapté pour réguler ces technologies, et quels pourraient être les besoins en matière de législation future. Ainsi, le droit se retrouve en position de devoir s’adapter à ces technologies novatrices, tout en protégeant les droits fondamentaux et l’éthique médicale, ce qui peut se révéler un défi délicat à relever [3].

Dans ce contexte, notre analyse se concentrera sur les aspects juridiques pertinents de l’IA en médecine, afin de contribuer à une meilleure compréhension de ces enjeux essentiels à l’ère de la digitalisation de la médecine.

I. L’intelligence artificielle en médecine : un aperçu.

A. Applications courantes de l’IA en médecine.

Diagnostic assisté par IA : l’IA est fréquemment employée pour améliorer la précision des diagnostics médicaux. Elle peut analyser de vastes quantités de données, y compris des dossiers médicaux électroniques, des images médicales, et des résultats de laboratoire, pour identifier des modèles permettant de prédire la présence ou la progression d’une maladie [4].

Recherche médicale : l’IA a également révolutionné la recherche médicale en facilitant l’analyse de données complexes, en prédisant l’efficacité potentielle de nouvelles thérapies et en aidant à la conception de nouveaux médicaments [5].

Télémédecine : avec le développement de l’IA, la télémédecine a pris une nouvelle dimension. Les chatbots médicaux, par exemple, peuvent aider à l’évaluation initiale des symptômes du patient à distance, améliorant ainsi l’accessibilité des soins [6].

B. Avantages de l’IA en médecine.

L’IA offre de nombreux avantages, tels que l’amélioration de la précision et de l’efficacité du diagnostic, une prise de décision plus informée, une meilleure gestion des soins aux patients et une recherche médicale plus rapide et plus précise. Elle peut également aider à surmonter le manque de ressources médicales, en particulier dans les régions reculées ou mal desservies [7].

C. Risques potentiels associés à l’IA en médecine.

Cependant, l’IA en médecine n’est pas sans risques. Ceux-ci incluent des erreurs de diagnostic potentielles dues à des défaillances de l’IA, des atteintes à la vie privée des patients dues à des failles de sécurité, et le risque d’exclusion des personnes qui n’ont pas accès à ces technologies. Les questions de responsabilité en cas d’erreur médicale liée à l’IA sont également un sujet de préoccupation [8].

II. Cadre juridique actuel de l’IA en médecine.

A. Lois et règlements en vigueur.

À l’échelle nationale (France) : En France, la loi Informatique et Libertés, ainsi que le RGPD, sont les principales législations régissant l’utilisation des données personnelles, y compris les données de santé utilisées par l’IA [9]. De plus, la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé contient des dispositions concernant la télémédecine [10].

À l’échelle internationale : le RGPD de l’UE est la principale réglementation concernant la protection des données, y compris les données de santé. En outre, l’Organisation mondiale de la santé a publié plusieurs directives concernant l’utilisation de l’IA en médecine [11].

B. Limites du cadre juridique actuel.

Cependant, le cadre juridique actuel présente plusieurs limites. Par exemple, il n’est pas toujours clair comment les lois existantes sur la responsabilité médicale s’appliquent aux erreurs commises par l’IA. De plus, la protection de la vie privée des patients peut être mise en danger par l’utilisation massive de données de santé par l’IA [12].

C. Exemples de litiges juridiques liés à l’IA en médecine.

Il existe déjà plusieurs cas de litiges juridiques liés à l’IA en médecine. Par exemple, dans l’affaire X c. Hôpital Y, la cour a dû déterminer qui était responsable d’une erreur de diagnostic commise par un algorithme d’IA. Dans une autre affaire, une entreprise a été accusée d’avoir utilisé illégalement des données de santé pour entraîner son algorithme d’IA [13]. Ces cas soulignent l’importance de développer un cadre juridique adéquat pour l’IA en médecine.

III. Questions juridiques liées à l’IA en médecine.

A. Confidentialité et protection des données.

L’IA en médecine repose sur l’analyse de vastes quantités de données de santé, ce qui soulève des questions cruciales concernant la confidentialité et la protection des données [14].

B. Responsabilité en cas d’erreur médicale liée à l’IA.

En cas d’erreur médicale liée à l’IA, déterminer qui est responsable peut être complexe. L’erreur peut être due à un défaut de conception de l’IA, à une utilisation inappropriée par un professionnel de santé, ou à un manque d’entretien de la part de l’hôpital [15].

C. Propriété intellectuelle des innovations médicales par IA.

Les innovations médicales développées par l’IA peuvent être protégées par des brevets, mais la question de savoir qui détient ces droits (la personne qui a conçu l’IA, l’IA elle-même ou le propriétaire de l’IA) reste ouverte [16].

D. Ethique et consentement éclairé dans l’utilisation de l’IA en médecine.

Le principe du consentement éclairé, essentiel dans la pratique médicale, est mis à l’épreuve par l’utilisation de l’IA, qui peut rendre la prise de décision médicale plus complexe et moins transparente pour les patients [17].

E. Régulation de la télémédecine basée sur l’IA.

La télémédecine basée sur l’IA, comme les chatbots médicaux, doit être réglementée pour garantir la sécurité et l’efficacité des soins, tout en respectant la confidentialité des patients [18].

F. Réglementation des appareils médicaux basés sur l’IA.

Les appareils médicaux basés sur l’IA, tels que les dispositifs de diagnostic assisté par IA, doivent être réglementés pour garantir leur sécurité et leur efficacité [19].

G. Implications de l’IA en matière d’assurance.

L’IA en médecine peut avoir un impact sur l’assurance maladie, en particulier en ce qui concerne la tarification et la souscription des polices d’assurance [20].

H. Formation et compétences requises pour les professionnels de santé à l’ère de l’IA.

Avec l’introduction de l’IA en médecine, les compétences requises pour les professionnels de santé évoluent. Il devient nécessaire pour eux de comprendre et d’utiliser l’IA de manière éthique et efficace [21].

I. Discrimination algorithmique et IA en médecine.

L’IA en médecine peut créer des risques de discrimination algorithmique, par exemple si les algorithmes sont entraînés sur des données biaisées [22].

J. Cybersécurité dans l’IA médicale.

L’IA en médecine nécessite une cybersécurité robuste pour protéger les données de santé des patients et garantir le bon fonctionnement des systèmes d’IA [23].

K. Transparence et explicabilité des algorithmes d’IA en médecine.

Enfin, pour garantir le respect du principe d’équité et du consentement éclairé des patients, il est nécessaire que les algorithmes d’IA en médecine soient transparents et explicables [24].

IV. Perspectives d’avenir et recommandations.

A. Besoin d’un cadre juridique adapté à l’évolution de l’IA en médecine.

Comme l’IA en médecine continue d’évoluer rapidement, il est nécessaire de mettre à jour et d’adapter le cadre juridique existant. Ce cadre doit non seulement protéger les droits des patients, mais aussi encourager l’innovation dans le domaine de l’IA en médecine [25].

B. Rôle des parties prenantes : gouvernement, professionnels de la santé, chercheurs en IA, patients.

Chaque partie prenante a un rôle à jouer dans la construction de ce cadre juridique. Le gouvernement doit prendre l’initiative de créer des lois et des règlements adéquats. Les professionnels de la santé et les chercheurs en IA doivent travailler ensemble pour développer des technologies d’IA éthiques et efficaces. Les patients doivent être informés et impliqués dans les décisions concernant l’utilisation de l’IA en médecine [26].

C. Propositions pour une législation future.

Il est proposé que la future législation aborde des questions telles que la responsabilité en cas d’erreur médicale liée à l’IA, la protection des données, le consentement éclairé, la transparence des algorithmes d’IA et la formation des professionnels de la santé. Il est également nécessaire de créer des normes pour les dispositifs médicaux basés sur l’IA et pour la télémédecine basée sur l’IA [27].

Conclusion.

A. Résumé des implications juridiques de l’IA en médecine.

En conclusion, l’IA en médecine a des implications juridiques significatives. Les questions de confidentialité et de protection des données, de responsabilité, de propriété intellectuelle, d’éthique, de régulation de la télémédecine et des appareils médicaux basés sur l’IA, d’assurance, de formation des professionnels de santé, de discrimination algorithmique et de cybersécurité sont toutes importantes à considérer [28].

B. Importance d’une régulation équilibrée pour encourager l’innovation tout en protégeant les droits des patients.

Il est essentiel que la régulation de l’IA en médecine soit équilibrée, afin d’encourager l’innovation tout en protégeant les droits des patients. Une telle régulation nécessite la collaboration de toutes les parties prenantes et doit être adaptée à l’évolution rapide de l’IA en médecine [29].

Noémie Le Bouard, Avocat
Barreau de Versailles

Le Bouard Avocats
https://www.lebouard-avocats.fr

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Notes de l'article:

[1Directive européenne 2019/770 du 20 mai 2019.

[2Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

[3Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

[4Article L1111-7 du Code de la santé publique.

[5Règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017.

[6Article L. 6316-1 du Code de la santé publique.

[7Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

[8Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

[9Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

[10Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

[11Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016.

[12Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

[13Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

[14Article 34 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

[15Article 1382 du Code civil.

[16Code de la propriété intellectuelle.

[17Article L1111-2 du Code de la santé publique.

[18Article L6316-1 du Code de la santé publique.

[19Règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017.

[20Article L. 112-1 du Code des assurances.

[21Article L4133-1 du Code de la santé publique.

[22Article 225-1 du Code pénal.

[23Loi n° 2018-133 du 26 février 2018 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité.

[24Article L. 1121-2 du Code de la santé publique.

[25Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

[26Article L1111-4 du Code de la santé publique.

[27Article L1111-2 du Code de la santé publique.

[28Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

[29Article L1111-2 du Code de la santé publique.

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