Les fins de non-recevoir depuis le décret du 3 juillet 2024 « dit Magicobus 1 ». Par Benoit Henry, Avocat.

Les fins de non-recevoir depuis le décret du 3 juillet 2024 « dit Magicobus 1 ».

Par Benoit Henry, Avocat.

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Explorer : # procédure civile # réforme judiciaire # fins de non-recevoir # mise en état

Ce que vous allez lire ici :

La réforme de la procédure civile, introduite par le décret de 2019, permet au juge de la mise en état de traiter les fins de non-recevoir, visant à réduire les délais d'instruction. La nouvelle réglementation modifie les règles d'appel et vise à simplifier la gestion des questions de fond.
Description rédigée par l'IA du Village

Le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 a élargi le champ des attributions du juge de la mise en état en lui donnant compétence exclusive pour trancher les fins de non-recevoir.
La réforme a néanmoins eu des effets contreproductifs pour de nombreux professionnels du droit (A). Certaines juridictions ont par voie de conséquence sollicité un assouplissement des textes afin de permettre, dans certains cas, l’examen de la fin de non-recevoir avec le fond du litige.
Le décret Magicobus 1 a pour objet principal de clarifier le régime des fins de non-recevoir et d’assouplir leur traitement procédural par le juge de la mise en état, sans perdre les acquis de la précédente réforme (B).

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A. Les raisons de la réforme.

Antérieurement au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, le juge de la mise en état n’était pas compétent pour connaître des fins de non-recevoir.

Ces dernières devaient être invoquées devant la juridiction saisie du fond de sorte qu’il n’était pas possible de purger les irrecevabilités en cours de mise en état.

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a modifié l’article 789 du Code de procédure civile pour étendre les attributions du juge de la mise en état, en lui permettant de statuer sur les fins de non-recevoir. Cette réforme avait pour objectif d’éviter de prolonger inutilement une instance longue et coûteuse dans le cas où une cause d’irrecevabilité conduisait à l’extinction de l’instance.

En outre, dans les affaires ne relevant pas du juge unique ou ne lui étant pas attribuées, ce décret de 2019 a prévu qu’une partie puisse s’opposer à ce que le juge de la mise en état statue sur une fin de non-recevoir lorsque son traitement nécessite de trancher au préalable une question de fond (par exemple : détermination de la durée d’une prescription nécessitant au préalable de déterminer la qualification juridique de la matière litigieuse).

Dans ce cas, et par exception, le juge de la mise en état devait renvoyer l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. En l’absence de demande d’une partie, le juge de la mise en état pouvait également, dans cette même hypothèse, ordonner ce renvoi s’il l’estimait nécessaire.

A l’épreuve, cette réforme s’est révélée créatrice de difficultés dénoncées par magistrats et avocats.

Alors qu’elle cherchait, dans l’intérêt des justiciables, à rationaliser le temps de l’instance, elle a conduit, dans certaines affaires, à un rallongement du temps de la procédure, notamment en raison de fins de non-recevoir soulevées tardivement et d’appels immédiats d’ordonnances statuant sur ces fins de non-recevoir.

B. Le contenu de la réforme.

Le décret Magicobus 1 tend à remédier à ces difficultés tout en conservant l’objectif de rationalisation du traitement des fins de non-recevoir. Dans cette perspective, il ne revient pas au droit antérieur à la réforme du 11 décembre 2019, mais opère les changements suivants :

1. Pour éviter, d’une part, des ralentissements de la procédure lorsque la fin de non-recevoir est soulevée juste avant la clôture de l’instruction et, d’autre part, de traiter au stade de la mise en état de fins de non-recevoir impliquant un examen approfondi de l’affaire, le nouvel article 789 du CPC permet un renvoi à la formation de jugement par le juge de la mise en état lorsque la complexité de l’affaire ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie.

Dans ce cas, c’est donc la formation de jugement statuant au fond qui aura à en connaître. Cette marge d’appréciation donnée au juge de la mise en état tend à resserrer le temps de traitement des affaires et introduit une souplesse permettant d’apporter une réponse adaptée et proportionnée à la particularité de chaque dossier.

Il est précisé au deuxième alinéa du 6° de l’article 789 que la décision du juge de la mise en état de renvoyer la fin de non-recevoir à la formation de jugement constitue une mesure d’administration judiciaire.

Le texte ajoute que la décision est prise par mention au dossier et qu’avis en est donné aux avocats. Ce renvoi à la formation de jugement suppose que les parties développent ce moyen tiré de la fin de non-recevoir dans leurs conclusions au fond. Les conclusions qui lui seront adressées devront donc contenir à la fois les développements sur la fin de non-recevoir renvoyée et les moyens de défense au fond.

2. Pour éviter les appels dilatoires concernant des ordonnances du juge de la mise en état rejetant une fin de non-recevoir, l’appel-immédiat est dans cette hypothèse supprimé.

Seules les ordonnances qui, en statuant sur une fin de non-recevoir, auront mis fin à l’instance pourront faire l’objet d’un appel immédiat (art. 795, 2°). L’article 795 du CPC est plus largement modifié pour éviter les appels dilatoires interjetés contre les ordonnances statuant sur une exception de nullité ou un incident n’ayant pas mis fin à l’instance, comme par exemple le moyen tiré de la péremption rejeté par le juge de la mise en état. Ces ordonnances pourront donc uniquement faire l’objet d’un appel en même temps que le jugement statuant sur le fond (appel différé).

3. Pour simplifier et rationaliser la question des fins de non-recevoir nécessitant de trancher au préalable une question de fond, le décret opère plusieurs modifications.

- Le système de la navette en cours de mise en état entre le juge de la mise en état et la formation de jugement statuant de manière collégiale est supprimé. L’article 789 et l’alinéa premier de l’article 795 sont en conséquence modifiés. Il est en effet apparu que l’article L212-1 du Code de l’organisation judiciaire était à lui seul suffisant pour soustraire au juge de la mise en état, en cas d’opposition d’une des parties, la connaissance des questions de fond, qui relève normalement de la formation collégiale du tribunal judiciaire. En outre, indépendamment des hypothèses visées à l’article L212-1 précité, le juge de la mise en état pourra décider que la question de fond dont dépend l’examen de la fin de non-recevoir sera tranchée par la formation de jugement à l’issue de l’instruction dans le cas où il estime que cette question de fond préalable est complexe.

- Le régime est par ailleurs aligné sur celui des exceptions d’incompétence nécessitant de trancher au préalable une question de fond, prévu par l’article 79. L’article 125 s’enrichit ainsi d’un troisième alinéa selon lequel « lorsqu’une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l’autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir ». Cette possibilité pour le juge de trancher au préalable une question de fond dont dépend l’examen d’une fin de non-recevoir n’est pas propre au juge de la mise en état. Cela justifie son emplacement dans le Livre premier du Code de procédure civile relatif aux dispositions communes à toutes les juridictions. En conséquence, l’avant-dernier alinéa de l’article 789 est supprimé et l’article 794 est modifié (le tout se retrouvant au nouvel alinéa 3 de l’article 125 du Code de Procédure Civile).

4. En outre, dans un souci de clarification, il est désormais précisé au dernier alinéa de l’article 802 en lieu et place de l’article 789 que, par dérogation à l’interdiction de déposer des conclusions postérieurement à l’ordonnance de clôture, les exceptions de procédure, les incidents d’instance, les fins de non-recevoir et les demandes formées en application de l’article 47 survenant ou se révélant après la clôture de la mise en état sont recevables.

Sont ainsi regroupées dans un même texte toutes les questions pouvant être soulevées après la clôture de la mise en état. Le troisième alinéa de l’article 789 et le dernier alinéa de ce texte sont en conséquence supprimés. Ainsi, au regard des articles 789 et 802, il convient de distinguer deux cas de figure :

  • Les exceptions de procédure, les incidents d’instance, les fins de non-recevoir et les demandes formées en application de l’article 47 survenant ou se révélant antérieurement à la clôture de la mise en état doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevés avant l’ordonnance de clôture et devant le juge de la mise en état.
  • Les exceptions de procédure, les incidents d’instance, les fins de non-recevoir et les demandes formées en application de l’article 47 survenant ou se révélant postérieurement à la clôture de la mise en état sont recevables. Le juge de la mise en état demeure compétent pour en connaître jusqu’à l’ouverture des débats ou jusqu’à la date fixée pour le dépôt des dossiers des avocats, en application du dernier alinéa de l’article 799.

Enfin, il est à noter que le premier alinéa de l’article 789 est reformulé de façon à clarifier le fait que seul le juge de la mise en état a compétence pour connaître des demandes énumérées aux 1° à 6° à compter de sa désignation jusqu’à son dessaisissement.

Sources.

Le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019
Le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024
Le nouvel article 789 du Code de Procédure Civile
Article 795 du Code de Procédure Civile
Article L 212-1 du Code de l’organisation judiciaire
Articles 79 et 125 du Code de Procédure Civile
Articles 799 et 802 du Code de Procédure Civile
Fin de non-recevoir et question de fond : quel juge peut statuer ?
Quel recours contre les décisions statuant sur une fin de non-recevoir et sur la question de fond ?
Les nouveaux pouvoirs du juge de la mise en état sur les fins de non-recevoir devant la Cour d’appel

Benoit Henry, bhenry chez recamier-avocats.com
Avocat Spécialiste de la Procédure d’Appel
Barreau de Paris
http://www.reseau-recamier.fr/
bhenry chez recamier-avocats.com
Président du Réseau Récamier
Membre de Gemme-Médiation
https://www.facebook.com/ReseauRecamier/

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